L'architecture marocaine du XXe siècle est un beau livre qui réhabilite la mémoire des deux architectes français Edmond Brion et Auguste Cadet. Ces architectes ont réalisé, entre autres, le quartier des Habous et les agences de la Banque du Maroc dans les principales villes. Le quartier des Habous à Casablanca, les cités ouvrières de Lafarge et de Cosumar. Ces sites sont l'œuvre de deux architectes français, Edmond Brion et Auguste Cadet. Un beau livre «L'architecture du XXe siècle» qui vient tout juste de paraître aux Editions Senso Unico leur est dédié. Cet ouvrage, réalisé par GislhaineMeffre, la petite-fille d'Edmond Brion et son mari Bernard Delgado, est en vente au prix de 1.800 DH. Pour l'éditrice, Ileana Marchesiani, la qualité de cet ouvrage justifie ce prix. «La confection d'un tel ouvrage est un investissement lourd, le livre a été imprimé en Italie et réalisé par une équipe de directeurs artistiques italiens», confie l'éditrice dans des propos au Soir échos. Ce projet a été parrainé et financé par la fondation BMCI. * La collaboration de ces architectes avec les artisans marocains n'est pas passée inaperçue outre rive puisqu'elle leur a valu de vives critiques en France. A travers les 352 pages de ce livre, le lecteur ou plutôt le spectateur découvre à travers les photos et les textes qui les accompagnent l'ouverture de ces deux architectes français à l'artisanat marocain. «Ces deux architectes, associés entre 1919 et 1934, ont travaillé étroitement avec des promoteurs et des artisans marocains», témoigne l'auteur. Cette collaboration n'est pas passée inaperçue outre rive puisque qu'elle leur a valu de vives critiques en France. «On retrouve dans des coupures de journaux de l'époque, les critiques à l'égard de ces architectes à cause du fait que ce sont des Marocains et non pas des Français qui remportaient les appels d'offres pour la réalisation des gros œuvres des pièces dont ils étaient les maîtres d'ouvrage», souligne Gislhaine Meffre. Moulay Ali Alami, dit Lahjouji, maître zellige, avait d'ailleurs travaillé avec ces architectes. A partir des années 20, le savoir-faire des artisans locaux donne naissance à une typologie singulière de bâtiments qui combine à la fois l'art décoratif marocain et l'art déco. Cet art s'adapte et s'enrichit au contact des motifs traditionnels qui s'inspirent d'un jeu de tracés géométriques. Il en résulte des créations inédites, où la sobriété des façades blanches et chaulées est contrebalancée par la présence de balcons de cèdre, de pare-soleil sculptés, de frises ou de panneaux en zellige. Pour reconstituer la mémoire de ces deux architectes, cela n'a pas été de tout repos pour l'auteur. «Je ne suis partie d'aucune archive de mon grand-père puisqu'elles ont été détruites», témoigne Gislhaine Meffre avant d'oser raconter avec un pincement au cœur : «l'ensemble des documents de mon grand-père avait été gardé dans l'usine de bois de mon père qui se situait là où se trouve l'actuel Twin Center. Lorsque cette usine a été mise sous-scellés, toutes les archives ont été détruites». Autre élément qui n'a pas facilité la tâche à l'auteur, c'est le fait que les bâtiments et autres œuvres réalisés par son grand-père et son associé Auguste Cadet ne sont pas signés. «Ce sont des architectes très modestes, ils n'aimaient pas s'afficher et mon grand-père d'ailleurs parlait très peu pour ne pas dire pas du tout de son œuvre, la preuve, lorsqu'il est décédé j'avais 25 ans et je ne connaissais rien de ce qu'il avait réalisé», témoigne l'auteur. Auguste Cadet était également modeste. Il n'avait pas de famille. Son tempérament réservé ne l'a pas empêché cependant de s'intégrer entièrement dans la culture marocaine. «Il s'habillait en djellaba, et les gens croyaient qu'il s'était même converti à l'Islam, mais il n'en est rien», raconte Gislhaine Meffre. Cet ouvrage sera présenté les 17 et 18 avril lors des journées du patrimoine à la Coupole à Casablanca. Ghislaine Meffre : mini bio Gislhaine Meffre est née à Casablanca où elle a vécu jusqu'à son baccalauréat au Lycée Chaouki. Elle poursuit ses études à Paris où elle obtient son doctorat en lettres, sans jamais rompre avec le Maroc natal. Elle est également titulaire d'un DESS de psychopathologie clinique et d'un DEA de psychanalyse. Elle a créé et animé une revue littéraire avec Julia Kristeva sous l'égide du département de Sciences humaines de l'université de Paris 7. Elle a aussi publié plusieurs articles notamment aux Editions du Seuil et exercé la profession de journaliste dans une agence de presse.