Des milliers de salariés souffrent, en silence,de harcèlement au travail, au détriment de leur état de santé. Une de ces salariées, harcelée, et excédée, a décidé de lever le bouclier en exposant son cas : Je travaille depuis 4 ans dans une entreprise nationale, aujourd'hui je subis un harcèlement moral quotidien de la part de mon supérieur hiérarchique. L'origine de mon histoire remonte aux 3 derniers mois de l'année 2011 où j'ai constaté un changement dans le comportement de mon chef. Il s'intéressait de plus en plus à moi, me posait des questions très personnelles, me faisait des remarques sur mon style vestimentaire en me demandant d'être plus ouverte. Par la suite, il a commencé à me demander de rester de plus en plus tard la nuit et de venir le samedi après-midi pour boucler certains dossiers qui n'ont pourtant pas un caractère urgent. Tout dernièrement, lorsqu'il s'est permis d'aller jusqu'à m'inviter à passer le réveillon de fin de l'année chez lui, je me suis révoltée en refusant catégoriquement sa demande. Dés lors, il m'a privée de certains avantages, est devenu de plus en plus exigent et m'a surchargée d'autres tâches. Je me demande comment me prémunir contre les agissements hostiles de mon chef. Quelles sont les mesures prévues par le code du travail pour protéger les salariés dans ce cas ? Définition du harcèlement sexuel et moral Avant d'analyser la question du harcèlement moral ou sexuel, j'aimerais tout d'abord saluer l'initiative de cette jeune femme qui a décidé de briser le silence et de sensibiliser les acteurs sociaux sur l'importance de cette question. En fait, il s'agit d'une question émergente au sein de la société marocaine qui n'a pas encore atteint le niveau d'un phénomène collectif général.Néanmoins, les psychologues et les sociologues du travail réservent une part importante de leurs recherches à élucider cette question. Selon Marie-France Hirigoyen: «Le harcèlement moral en entreprise est toute conduite abusive se manifestant par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits unilatéraux de nature à porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l'intégrité psychique d'une personne, à mettre en péril son emploi ou à dégrader le climat de travail ». Le harcèlement dans le code du travail C'est en 2004 que la notion de harcèlement sexuel est introduite pour la première fois dans le code du travail. Mais le texte omet de mentionner explicitement le harcèlement moral. En effet, l'article 40 considère que l'insulte grave, la pratique de toute forme de violence ou d'agression dirigée contre le salarié, le harcèlement sexuel, l'incitation à la débauche, sont des fautes graves de l'employeur. Il prévoit également que le départ d'un employé de son poste en raison de l'une des fautes précitées est assimilé à un licenciement abusif. Par ailleurs, l' article 503 de la loi 24.03 constituant le code pénal dispose : «Est coupable de harcèlement sexuel et puni d'un emprisonnement d'un an à deux ans et d'une amende de cinq mille à cinquante mille dirhams, quiconque, en abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, harcèle autrui en usant d'ordres, de menaces, de contraintes ou de tout autre moyen, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ».L'article 40 du code du travail cite, à titre d'exemple, certains cas pratiques de harcèlement moral à savoir la violence, l'agression et l'incitation à la débauche. Pourtant d'autres formes très répandues dans les milieux du travail comme les critiques injustifiées, l'humiliation, le retrait sans motif à un salarié des moyens de travail (voiture de service, téléphone portable professionnel), l'instauration d'une obligation nouvelle sans justification, l'obligation de se présenter les week-ends au lieu du travail, l'attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, constituent aussi des cas de harcèlement moral, notamment s'il sont répétés dans le temps. Autrement dit, quelques petites difficultés relationnelles passagères avec un collègue ou un supérieur hiérarchique ne constituent pas un harcèlement moral.A noter que le harcèlement sexuel ou moral ne peut être établi sur une simple déclaration du salarié. Il doit être étayé par des preuves tangibles (témoins, écrits…), d'autant que d'une manière générale, les employeurs ne reconnaissent jamais avoir harcelé un salarié. D'ailleurs, le harcèlement moral est souvent employé pour pousser un salarié à démissionner. L'employeur vise ainsi à contourner les procédures de licenciement et donc un éventuel versement d'indemnités de licenciement et de dommages et intérêts. La procédure à suivre Comme nous constatons dans le cas de figure rapporté par cette employée, le harcèlement sexuel est doublé de harcèlement moral. Il se pratique dans un milieu restreint, se caractérise par son aspect individuel, et touche davantage les femmes que les hommes.Le salarié doit tout d'abord chercher à régler le problème en interne en sollicitant l'intervention du délégué du salarié et le représentant syndical en tant que représentant des salariés auprès de l'employeur. Le cas échéant, il doit saisir directement la direction par écrit avec accusé de réception. L'échec de cette procédure en interne permettra au salarié de saisir l'inspecteur du travail qui est tenu d'adresser une convocation pour régler le problème à l'amiable. Celui-ci, dans le cadre de sa mission dévolue par le code du travail, peut proposer une mutation du salarié à un autre département ou service en vue de lui épargner les éventuelles pressions ou toutes sortes de harcèlement. Il y a lieu de rappeler enfin que le chef d'entreprise doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir des actes de harcèlement moral et/ou sexuel.