Théoriquement, le département des Affaires étrangères n'est plus un ministère dit de « souveraineté ». Un PJDiste et un Istiqlalien sont à la tête de la diplomatie sous le regard de Taieb Fassi Fihri qui veille au grain. Un trio de choc est né, permettant le plein déploiement d'une diplomatie plus que jamais aux avant-postes. S'il y a un département du gouvernement Benkirane qui bouge et fait le plus parler de lui, et ce, avant même le vote de confiance du Parlement, c'est, sans aucun doute, celui des Affaires étrangères. Le tandem Othmani-Amrani s'active sur plusieurs fronts. Pendant que l'un, le même Amrani, négocie et prépare, sous couvert de remerciements à l'appui espagnol de son passage à la tête de l'Union pour la Méditerranée, l'arrivée d'un Mariano Rajoy connu pour son hostilité à l'égard du royaume, au Maroc, l'autre multiplie les rencontres et autres réceptions de diplomates arabes et maghrébins en vue de baliser le terrain, notamment, au sommet maghrébin de Rabat. Et bien que discret, Taieb Fassi El Fihri, en parfait chef d'orchestre, travaille dans l'ombre pour harmoniser l'ensemble des démarches. Le tout est accompagné par une diplomatie parlementaire qui figure décidément en tête des préoccupations du tout nouveau président de la Chambre des représentants, Karim Ghellab, et dont l'une des premières missions officielles a été de chapeauter la forte délégation marocaine partie célébrer le premier anniversaire de la chute du dictateur Ben Ali en Tunisie. Partage des rôles Les discours officiels ont beau suggérer le contraire, mais une chose paraît d'ores et déjà sûre: les champs d'actions des différents intervenants d' El Othamni et de Amrani sont répartis et bien définis. Le PJDiste est tourné vers le monde arabo-islamique et l'Afrique. Preuve en est ces réunions de la semaine dernière et en premier lieu avec les ambassadeurs des pays de ces trois zones accrédités au Maroc. Le continent noir n'est pas une terre inconnue pour la diplomatie nationale. Depuis le début des années 2000, le royaume a donné un coup d'accélérateur à ses relations avec cette région. Si le succès économique est confirmé, le politique y est encore balbutiant mais les choses sont sur la bonne voie. L'élection de Rabat, en tant que membre non-permanent au Conseil de sécurité, représentant de l'Afrique, en est un fort indicateur. Dans cette dynamique, il faut voir une forte impulsion royale, suivie par une agressivité économique à applaudir.Quant au Maghreb, la proximité entre les partis ayant le référentiel islamiste commence déjà à porter ses fruits. Le président tunisien, suite à des entretiens avec El Othmani, a gracié 12 détenus marocains. Une mesure qui pourrait être accompagnée par la promesse de régularisation de tous les sans-papiers marocains résidant sur le territoire tunisien. Aux pays de la Révolution du jasmin, le chef de la diplomatie marocaine a également pris langue avec l'émir de Qatar. Ce minuscule émirat qui joue, avec brio, dans la cour des grands. Ses armes de dissuasion massive sont l'argent et la chaîne Al Jazeera. Un canal d'information qui a profité aux islamistes. Le PJD en fait partie. On retiendra les félicitations adressées par El Othmani interposé aux réformes menées par le roi Mohammed VI. Les relations Maroc-Europe demeurent le terrain de prédilection d'Amrani, ici avec Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères. Rabat courtise la communauté andine Rabat courtise la communauté andine Quant à l'Europe et les relations avec l'Amérique, notamment latine, elles sont un terrain de prédilection pour le tout nouveau istiqlalien, en atteste son récent déplacement au Guatemala pour assister à la cérémonie d'investiture du président guatémaltèque, Otto Perez Molina. Ce dernier a accordé une audience à Amrani, porteur d'un message du roi Mohammed VI. Durant deux jours, les 13 et 14 janvier, Youssef Amrani a eu des entretiens avec les chefs de la diplomatie de la Colombie, Maria Angela Holguin, du Chili, Alfredo Moreno Charme, du Paraguay, Jorge Lara Castro et d'Haïti, Laurent Lamothe. Au cours de son séjour guatémaltèque, le n°2 de la diplomatie a, également, pris langue avec le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), José Miguel Insulza.Une visite annonciatrice d'une nouvelle offensive diplomatique ciblant les pays de cette région où le Polisario est bien implanté et compte de nombreux soutiens. C'est justement pour renverser la vapeur en faveur du royaume que Rabat a présenté, décembre dernier, sa demande d'adhésion à la Communauté andine en tant que membre observateur, un regroupement régional réunissant la Bolivie, la Colombie, l'Equateur et le Pérou. En plus de l'Amérique latine, le Vieux continent est un terrain bien connu pour Youssef Amrani. Durant des années, il était considéré comme Monsieur Europe et l'interlocuteur de l'ombre au ministère des Affaires étrangères. C'est d'ailleurs à ce titre qu'il a été dépêché, mercredi dernier, en Espagne pour préparer la visite, d'aujourd'hui, de Mariano Rajoy au royaume, perpétuant ainsi une tradition de ces prédécesseurs de réserver au Maroc leur premier déplacement à l'étranger. L'action diplomatique du gouvernement Benkirane fera l'objet d'un contrôle permanent du Palais. Taieb Fassi Fihri en sa nouvelle qualité de conseiller du roi garde un droit de regard.