Le roman de Yasmina Khadra s'intitule joliment «Ce que le jour doit à la nuit» (Julliard).Hélas, lecture faite, on hésite entre ce que le succès doit au radotage et ce que le radotage doit au succès. Nous ne trancherons pas ce dilemme. Voici un roman de 413 pages dont les deux tiers sont carrément affligeants. Voyez un peu, au risque de n'en pas croire vos yeux: «Ses yeux étaient sur le point de lui gicler hors de la tête tant il semblait accrocher chacun de ses propos». (p.267) Les yeux du lecteur peinent à s'accoutumer, malgré une précédente alerte, p.250 : «Ses yeux empoignaient les miens décidés à ne pas les lâcher». Sont-ce de telles phrases qui autorisent l'éditeur à affirmer en quatrième de couverture que Yasmina Khadra nous offre ici «un grand roman…dans une langue splendide» ? Détaillons les splendeurs : «L'année 1945 s'amena avec ses vagues d'informations contradictoires et ses élucubrations». Et encore ceci : «La voracité de son regard était telle que je ressentais ses morsures jusque dans mon cerveau. Elle n'avait pas besoin de lever les yeux sur moi. D'ailleurs, elle évitait de le faire ; cependant, elle avait beau s'intéresser à autre chose, fixer le parterre ou un bout de ciel, je décelais nettement la braise qui couvait au fond de ses orbites, semblable aux laves océanes que ni les milliards de tonnes d'eau ni les ténèbres abyssales n'étoufferaient.» quel pudding ! Cependant, l'anisette coule à flots dans «Ce que le jour doit à la nuit», à Rio Salado-Fulmen Salsum, pour les Romains, -El Maleh de nos jours- «superbe village colonial aux rues verdoyantes et aux maisons cossues» où Younes-Jonas (adopté par son oncle pharmacien, proche par les idées de Messali Hadj et l'époux d'une atone germaine) est ami à la vie et à la mort de jeunes pieds-noirs dont l'Algérie est le pays, depuis plusieurs générations. Tout, hélas, sonne faux dans «Ce que le jour doit à la nuit». Jonas l'acculturé traîne des pieds 413 pages durant, avant la réconciliation générale de tous les protagonistes survivants qui trinquent autour d'une anisette à la santé de la nostalgérie, dans le Sud de la France. Le lecteur est enseveli sous un tombereau de gnangnanteries boursouflées. Cette réconciliation autour d'un verbe plus qu'incertain fausse constamment le jugement que Khadra porte sur les événements et les hommes, oscillant entre un éloge qui semble étrangement forcé de la lutte de libération du peuple algérien et la célébration d'une rémanence obstinée entre victimes de l'Histoire. Alors, il reste le style, cette étrange affaire de style qui fait écrire à Yasmina Khadra : «Elle s'apprêtait à déployer ses inimities» ; «follement épris de l'inexpugnable nièce» ; «Jean-Christophe roulait des mécaniques au bord de l'eau : narcissique à se noyer dans un verre» ; ou encore -ce pompon !- : «La disparition de mon père me restait en travers de la gorge, je n'aurais ni à l'ingurgiter ni à l'expectorer». Pitié, Yasmina ! L'œil joue bien des tours à notre auteur qui écrit : «A force de regarder la vie du côté où le bât blesse, ils avaient fini par faire corps et âme avec leur strabisme». Je n'en dirais pas autant, en ce qui me concerne malgré un œil qui dit «zut» plus à l'autre plus souvent qu'à son tour. Dans l'anthologie des aberrations stylistiques auxquelles s'efforce victorieusement Yasmina Khadra, on appréciera aussi «Leurs grivoiseries sibyllines fusaient dans le noir telles des étoiles filantes et leurs rires gras roulaient jusqu'à nos pieds, pareils aux vagues qui viennent vous lécher les orteils au bord de la mer». Il y a beau temps qu'on ne sait plus, à la lecture de «Ce que le jour doit à la nuit», au bord de quoi l'on se trouve. Quittons «Ce que le jour doit à la nuit» sur ce dernier souffle inspiré : «le vent sifflait entre les grilles tandis que les arabes s'arrachaient les cheveux sous les rafales». Il n'y a pas que les arbres, pauvres arbres abattus pour l'impression de Ce que le jour doit à la nuit. Le lecteur, lui aussi, s'arrache les cheveux, s'ils lui en reste ! Devenu chauve, lire attentivement le nouveau roman de Yasmina Khadra ? Lecture programmée, quoique, vraiment, rien ne presse. Meknès - Cinéma : Un prophète Le film «Un prophète» de Jacques Audiard, Grand Prix à Cannes sera projeté le mardi 30 mars au théâtre de l'Institut Français de Meknès. C'est l'histoire de Malik Djebena condamné à 6 ans de prison. A son arrivée en Centrale, il utilise toute son intelligence pour développer son propre réseau. Institut Français-30 mars. Rabat - Exposition : Geneviève Barrier Demnati Rabat - Exposition : Geneviève Barrier Demnati L'artiste peintre Geneviève Barrier Demnati expose ses œuvres récentes jusqu'au 30 avril à la galerie de l'Institut Français de Rabat. Geneviève Barrier Demnati s'est consacrée au Sahara, elle en est devenue le peintre le plus consciencieux, le plus véridique, le plus fidèle, elle s'est gardée de l'outrer chromatiquement, de le déformer. Institut Français - Jusqu'au 30 avril.