La situation sociale reste préoccupante. Pas un jour ne se passe sans que des manifestations, sit-in et autres grèves ne se déroulent dans toutes les localités, au risque de paralyser gravement l'économie du pays. « J'appelle l'ensemble des tunisiens à une trêve politique et sociale de six mois afin de sortir la Tunisie de la situation difficile qu'elle connaît» . Cette phrase, prononcée par le nouveau président Moncef Marzouki, a pour objectif d'apaiser les tentions sociales, mais aussi permettre à l'économie tunisienne de retrouver la sérénité pour enfin re-décoller, après une année de récession. La difficile situation sociale à laquelle fait face la Tunisie post-révolutionnaire inquiète en premier lieu les investisseurs, poussant le gouvernement tunisien à émettre communiqué sur communiqué, pour exhorter le peuple à l'acalmie. « Les sit-in entravent l'activité économique dans le pays », avait déclaré Samir Dilou, porte-parole du nouveau gouvernement lors d'un point de presse, tout en ajoutant «en 2011, la Tunisie a perdu 2,5 milliards de dollars, soit l'équivalent de 100 000 emplois», s'inquiètait-il. Pas un jour ne passe sans son lot de sit-in, amenant le gouvernement à changer de langage et à mettre en garde : «Le gouvernement se trouve devant un dilemme, ou faire appliquer la loi et mettre fin aux sit-in, ou respecter le droit légitime des gens de manifester », avait déclaré le porte-parole du gouvernement. Un pouvoir d'achat en berne Avec un nombre de chômeurs qui avoisine le million, la jeunesse tunisienne devient de plus en plus impatiente, et l'euphorie révolutionnaire semble désormais bien loin. Ce qui est encore plus préoccupant, c'est le taux de chômage des diplômés, qui avoisine les 45%. Un chiffre énorme qui pousse certains jeunes à rêver de l'eldorado européen, comme le jeune Wissem, diplômé du textile et qui se trouve obligé d'exercer le métier de faux-guide pour pouvoir s'en sortir. « Il n'y a pas de travail, l'état ne nous aide pas. Je ne pense qu'à un seule chose, c'est de partir en Italie tenter ma chance », nous confie Wissem, rempli de désespoir. Pire encore, les demandeurs d'emploi ne sont pas les seuls à souffrir. Tandis que le salaire minimum tunisien ne dépasse pas 200 dinars (environ 1150 DH), et une inflation s'élevant à 4,5%, le pouvoir d'achat des Tunisiens se trouve de plus en plus réduit. « On ne vit pas, on survit. Sous Bourguiba la vie était bien meilleure qu'aujourd'hui, l'Etat nous versait pas mal de subventions. On nous offrait même un pack de lait par semaine », nous raconte Mohieddine, un fonctionnaire tunisois. Et de rajouter : « ma femme et moi touchons l'équivalent de 700 euros par mois. Pourtant, même avec se salaire, on ne s'en sort pas. La vie est chère, les produits de base sont chers. Une bombonne de gaz coûte 20 dinars ». Tous les secteurs sont touchés Malgré cette situation inquiétante, l'espoir est encore permis. La récente visite de Moncef Marzouki à Tripoli a remis au goût du jour la possibilité pour les chômeurs tunisiens de tenter leur chance en Libye. « On parle de 200 000 chômeurs que l'on pourrait employer en Libye », nous confie Kais Sellami, membre de l'Utica (patronat tunisien). Mais encore faut-il que la sécurité et la stabilité reviennent dans ce pays, ce qui est loin d'être le cas actuellement. C'est le cas aussi en Tunisie, dans une moindre mesure tout de même. Car mise à part l'insécurité qui sévit, tout particulièrement dans le sud de la Tunisie, les quelque 512 sit-in qui ont lieu en 2012 (du jamais vu !) ont eu pour effet de faire fuir les investisseurs, et même des entrepreneurs tunisiens. C'est le cas du textile par exemple, où beaucoup d'entreprises ont décidé de déménager au Maroc ou en Turquie. Pratiquement tous les secteurs sont touchés, du textile au tourisme, en passant par le phosphate. « En 2010, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) avait réalisé un bénéfice de 825 millions de dinars, en 2011, il est de 200 millions. Cette société risque de perdre ses principaux clients, parmi lesquels la Turquie dont 90% des importations viennent de Tunisie», avait déclaré, alarmé, le porte-parole du gouvernement tunisien.