L'Irak est-il au bord de l'implosion ? C'est la question qui turlupine les observateurs de la scène politique de ce pays ces derniers jours. Les deux principaux groupes parlementaires qui composent le gouvernement d'union nationale sont engagés dans un bras de fer dont pourrait pâtir la reconstruction du pays, après neuf ans d'occupation américaine. Rien ne va plus entre le bloc laïc, Iraqiya, et la formation du Premier ministre irakien qui composent la coalition au pouvoir. Le divorce semble consommé et laisse la place à une crise politique. En effet, le groupe parlementaire Iraqiya, deuxième formation politique du pays, a décidé de suspendre sa participation aux travaux du Parlement. Ses membres accusent notamment le Premier ministre, Nouri al-Malik, de« dérives autoritaires » allant jusqu'à le traiter de « pire que Saddam Hussein », le dictater irakien déchu en 2003. Alors que l'Irak est à la croisée des chemins, cette guéguerre politique représente un fort risque d'instabilité. Lundi, un mandat d'arrêt a été émis à l'encontre du vice-président irakien Tarek al-Hachémi, issu du bloc Iraqiya. Les autorités judiciaires lui reprochent d'avoir commandité des attentats et des meurtres contre des Irakiens, après un aveu de ses gardes du corps arrêtés dans le cadre d'une enquête. « Je jure devant Dieu que je n'ai jamais commis aucune faute impliquant du sang irakien », s'est-il défendu en dénonçant une manœuvre politique orchestrée par l'entourage de Nouri al-al Malik. Tarek al-Hachémi, qui s'est réfugié au Kurdistan irakien, a déclaré, mardi, qu'il est prêt à être jugé. Cependant, il a insisté pour que son jugement ait lieu au Kurdistan et avec la participation de représentants de la Ligue arabe, tout en rejetant les aveux qu'il a qualifiés de « montés de toutes pièces ». Conflit confessionnel Mais la raison de ce bras de fer est loin d'être politique. L'Irak est en proie à un conflit confessionnel entre sa majorité chiite et sa minorité sunnite. La formation du Premier ministre Nouri al-Malik, l'Alliance nationale qui regroupe un ensemble de partis religieux chiite, n'est plus en phase avec son allié sunnite, Iraqiya. En dépit des 82 députés et des neuf portefeuilles ministériels qu'ils détiennent, les partis sunnites se sentent écartés des grandes décisions et dénoncent une « politisation de la justice ». Ils reprochent également à la coalition du Premier ministre d'avoir gangrené le système avec une corruption sans précédent. C'est désormais un climat de méfiance qui règne entre les deux formations. Mercredi, Nouri al-Maliki a d'ailleurs menacé de remplacer tous les ministres issus de la coalition Iraqiya, s'ils continuent de boycotter le gouvernement d'unité nationale. «Nous appelons le gouvernement du Kurdistan à prendre ses responsabilités et à remettre Tarek al-Hachémi au système judiciaire. Nous n'acceptons aucune interférence à la justice irakienne», a-t-il insisté. Alors que l'Irak a plus que jamais besoin de toutes les composantes de sa société pour se relever après neuf ans d'occupation américaine, la situation inquiète la communauté internationale et particulièrement les Américains. Washington a exhorté « toutes les parties à œuvrer pour résoudre leurs divergences à travers le dialogue ». Le pays reste fragile Les Etats-Unis ne veulent surtout pas qu'une crise politique, à moins d'une semaine de leur retrait définitif d'Irak, vienne entâcher ce que le président Barack Obama a qualifié de succès. « Nous laissons derrière nous un pays démocratique», avait-il déclaré la semaine dernière devant les 3 000 soldats américains réunis sur la base militaire de Fort Bragg pour célébrer la fin de la guerre en Irak. De même, le pays reste encore fragile sur quasiment tous les points. Le terrorisme est toujours d'actualité et la police ainsi que les services spécialisés n'ont pas encore acquis toute l'expertise en la matière. L'OTAN, chargée de former les services de sécurité, a dû se retirer du pays après le refus du Parlement irakien d'approuver l'immunité judiciaire de ses formateurs, il y a quelques semaines. Un profond malaise social Aussi, cette division explique-t-elle le profond malaise social en Irak. Nombreuses sont les régions du pays qui veulent affirmer leur indépendance par rapport au pouvoir central établi à Bagdad. Ces provinces, en majorité sunnites, reprochent au gouvernement de Nouri al-Malik d'appliquer une politique de deux poids deux mesures. Les autorités de Diyali ont annoncé la semaine dernière leur intention de créer une région autonome. Cependant, cette autonomie revendiquée ne rime pas avec fédéralisme et le pays est aujourd'hui divisé en trois blocs communautaires. Au nord, le Kurdistan(reconnu internationalement et regroupant les Kurdes irakiens) s'est détaché du pouvoir central et dispose de sa propre armée et de ses institutions. Le centre du pays concentre une forte communauté sunnite qui réclame son indépendance. Les Chiites dominent le sud et sont majoritaires en Irak. Si rien n'est fait, la crise actuelle qui menace la cohésion sociale pourrait aboutir à la partition du pays.