Ils sont bons ! Finalement, ils sont plutôt modérés ! Ils feront beaucoup de bien au pays ! Paradoxalement, les libertés individuelles vont se renforcer grâce à eux ! Mais de qui s'agit-il ? Des dirigeants du Parti de la justice et du développement bien sûr ! Finies les années de diabolisation post-attentats de 2003 ! Le PJD s'est refait une santé discrète sous l'ère Othmani et plus offensive sous l'égide d'un Benkirane qui a su parler à l'ensemble des Marocains à travers de grands écarts idéologiques, un charisme certain et une « reconquista » méthodique des élites réfractaires, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Ces élites, qui ont âprement combattu l'islamisme politique sous toutes ses formes, se découvrent soudain des affinités avec le PJD qui les aurait convaincus de sa bonne foi concernant les libertés individuelles et de son sérieux dans l'étude, la méthode et l'action pour éradiquer la corruption, le clientélisme et pour apporter des réponses consistantes dans les domaines de l'éducation, de la santé, de l'emploi. Si l'art de retourner sa veste est une spécialité vitale des classes ayant des privilèges à défendre, l'exercice auquel se prêtent les néo-sympathisants du PJD reste remarquable. Certains féministes aguerris crient à qui veut encore les entendre que les islamistes feront avancer le droit des femmes ; d'autres, laïcs dans l'âme, assènent sans sourciller que les nouveaux arrivés au pouvoir sont les plus à même de circoncire la religion dans la sphère privée et des Makhzéniens. Les plus zélés, voient l'arrivée de Benkirane et de ses amis comme une expérience utile au développement du pays tout en étant rassurés par le renforcement des compétences au niveau du cabinet royal. Certes, l'équipe de Benkirane semble maîtriser son programme et sa communication. Mais l'exercice du pouvoir est une rude épreuve et les attentes des Marocains sont énormes. Le PJD a multiplié les messages rassurant les partenaires du royaume et les élites économiques, mais les leviers de développement du pays restent très fragiles. A supposer que le nouvel exécutif réussisse à moraliser l'administration et la justice, ce qui ne sera pas une mince affaire, comment fera-t-il pour employer les 250 000 nouveaux jeunes qui se présentent chaque année sur le marché de l'emploi, tout en résorbant le taux de chômage, rattrapant au passage le déficit d'un million de logements tout en augmentant le salaire minimum, en élargissant la couverture médicale et en proposant des minima sociaux ? Le nouveau gouvernement doit aussi subir la crise internationale et notamment celle de nos partenaires immédiats de la vieille Europe qui, non seulement absorbe plus de 60 % de nos échanges mais assure, via nos RME et les touristes, plus de 45 % de nos très chères devises. Prôner l'ouverture vers de nouveaux horizons est une louable intention, mais l'impact d'une telle stratégie ne pourrait être déterminant pour une législature. « Au Maroc gouverner, c'est pleuvoir », disait un célèbre maréchal français ! Une année de sécheresse et l'ensemble des équilibres pourrait être remis en cause. Aucun parti, dans son programme, n'a prévu de scenarii à croissance faible ou à récession. La gestion de la rigueur nous attend et tout le monde se félicite de l'arrivée au pouvoir d'un parti plein de bonnes volontés, certes ; mais peu expérimenté dans la gestion des affaires de l'état et des équilibres sociaux par temps de crise. Le chaudron social semble apaisé par l'évolution démocratique mais la trêve sera de courte durée. Et même le PJD ne s'y est pas trompé en voulant s'associer prioritairement aux partis de la Koutla qui contrôlent la plupart des syndicats. En attendant, rien n'empêchera les néo-laudateurs de continuer à danser au bal des hypocrites !