Au sujet des droits et des libertés indivi-duelles, plusieurs acteurs politiques et associatifs expriment toujours leur crainte de l'arrivée au pouvoir des islamistes. Pour assurer leur montée au pouvoir à travers les élections, les islamistes du PJD se sont engagés à atteindre un développement social et une prospérité économique qui promouvraient la place du Maroc et garantiraient le bien-être aux citoyens. Mais, ce n'est pas tout ce qui compte pour l'ensemble des Marocains. Peu de temps après l'annonce de la victoire des islamistes aux élections, il y a deux semaines, ce sont les questions intéressant les droits et libertés individuels qui ont été adressées en premier lieu au nouveau chef de gouvernement Abdelilah Benkirane et aux membres dirigeants du parti islamiste à tel point que le débat à propos des grands chantiers de développement a été occulté. «Le PJD va-t-il imposer aux femmes le port du voile ?!», «les bars vont-ils fermer?!», «allons-nous ressembler à l'Iran ?!», un tas de questions lancées spontanément en termes de craintes et qui montrent bien que les Marocains n'arrivent toujours pas à se libérer de certains clichés du passé. Pour rafraîchir la mémoire on cite : La polémique suscitée autour de la participation du chanteur britannique Elton John au Festival Mawazine il y a deux ans, la position prise par le parti au sujet de la commercialisation des boissons alcoolisées, l'appel à l'interdiction de certains films qu'ils qualifient de trop osés, l'opposition au plan d'intégration de la femme en 1999, l'appel au maintien de la peine de mort, le rejet par certains membres du parti du droit à l'avortement... Et pour citer un exemple plus récent, la polémique suscitée lors de l'élaboration de la nouvelle Constitution au sujet de la liberté de conscience. Ce ne sont-là que quelques exemples des antécédents du PJD qui ont contribué à attribuer à ce parti au fil des années des qualifications qui frôlent «l'intégrisme» et «l'obscurantisme». Pour remédier à ce problème, les islamistes cherchent aujourd'hui à rassurer en faisant véhiculer un discours modéré. «Les Marocains n'ont rien à craindre du PJD. Nos priorités en tant que gouvernement sont d'ordre économique, social, politique et démocratique. Aussi, les islamistes ne veilleront qu'à la bonne application de la loi», souligne Mustapha Khalfi, membre du PJD, dans un entretien accordé à ALM (voir page 7). Mais, malgré tout ce qui a été dit par le nouveau chef de gouvernement lui-même, le parti dirigé par M. Benkirane fait toujours l'objet de critiques formulées par plusieurs acteurs politiques et associatifs (voir réactions page 5). De l'avis des observateurs, le PJD est appelé à joindre l'acte à la parole en donnant effectivement la priorité au cours des cinq prochaines années aux grandes problématiques de développement pour soigner son image. «Les Marocains attendent le prochain gouvernement dans des chantiers qui concernent la justice sociale, l'éducation et non dans tout ce qui a trait au référentiel islamique. Et les responsables du PJD le savent», indique le réalisateur Nabil Ayouch (voir entretien page 6). «Ce serait une faute pour ce parti de s'attaquer à tout ce qui a lien avec l'idéologie. J'ose espérer que le PJD ne tombera pas dans ce piège. Et puis ils savent qu'ils sont observés aussi bien à l'intérieur du pays que de l'extérieur», précise-t-il.