Alejandro Gonzalez Inarritu, jeune réalisateur du Sud, s'est imposé avec seulement cinq films au compteur dans l'univers féroce des studios d'Hollywood et sur la scène internationale du 7e art. Il représentera le cinéma mexicain mis à l'honneur au 11e FIFM, du 2 au 10 décembre. À l'heure où le cinéma le plus créatif nous parvient d'Amérique du Sud, d'Asie ou des Balkans, Inarritu, né en 1963 à Mexico, signe en 2000 un premier long-métrage, d'une rare maîtrise et d'une incroyable force : Amours chiennes (Amores perros). Si cet opus révèle le comédien mexicain Gael Garcia Bernal, Amours chiennes connaît un succès phénoménal, auprès du public conquis à l'unanimité et de la critique dithyrambique dans le monde : Inarritu incarne désormais le chef de file la nouvelle génération de cinéastes mexicains. L'esprit d'un conquérant Déterminé et tenace, de plus, à l'écoute de son instinct, il confiait dans Leçons de cinéma, L'intégrale (Laurent Tirard) : « […] pendant que nous préparions Amours chiennes, j'ai décidé que les combats de chiens se passeraient dans une piscine vide à laquelle on accéderait par un tunnel sombre parce que j'avais imaginé un plan à l'épaule derrière le personnage qui fonce vers son dernier combat à travers un tunnel sombre. Bien sûr, on n'avait pas le budget pour construire ça. Alors on a cherché partout la maison qui avait une piscine avec un tunnel pour y accéder. Plus on se rapprochait du tournage, plus les gens commençaient à s'angoisser, pensant que l'on n'allait pas trouver, et tout le monde tentait de me convaincre de trouver une autre façon de le faire. Mais je suis resté déterminé, et à la dernière minute, on a trouvé le décor parfait. […] Quand j'ai vu mon premier film terminé, j'ai eu le sentiment d'avoir réussi exactement ce que j'avais en tête ». Mais je suis resté déterminé, et à la dernière minute, on a trouvé le décor parfait. […] Quand j'ai vu mon premier film terminé, j'ai eu le sentiment d'avoir réussi exactement ce que j'avais en tête ». Toujours animé d'une volonté effrénée, et d'un besoin de liberté jamais démenti, Inarritu réalise et produit 21 grammes (2003), son second film, où il réunit pour le haut de l'affiche Sean Penn, Benicio del Toro et Naomi Watts. Accordant une part importante à ce qu'il appelle « le fardeau émotionnel », autour du processus de fabrication d'un film, il reste très sensible au choix de ses comédiens, distinguant deux types d'acteurs : « ce qui fait la différence entre un grand acteur et un acteur vraiment extraordinaire, c'est la vie intérieure. Il existe de nombreux acteurs doués. Mais les acteurs vraiment exceptionnels ont une vie intérieure très forte. Ils ont une âme. C'est pourquoi il est important de passer du temps avec eux, pour savoir ce qu'ils ont à l'intérieur. Et un jour que je me baladais avec Sean, je l'ai vu faire quelque chose qui m'a immédiatement convaincu qu'il était la bonne personne pour le rôle ». Imbriquant les récits et les regards de plusieurs communautés, Maroc, Mexique, Japon, Etats-Unis, dans Babel tourné au Maroc, Inarritu parachève son art avec Biutiful (2010) sa grand œuvre, sombre, humain, cruel, à l'image de la fureur de la marche du monde. Un chaos émotionnel Une rude épreuve qui emporte le spectateur dans la tourmente d'Uxbal (Javier Bardem), héros atypique, malmené et torturé par son environnement, vivotant de sombres magouilles dans un Barcelone à l'âme noire, où les exclus du boom économique tentent de survivre au prix de leur vie. Déterminé et tenace, à l'écoute de son instinct, Inarritu incarne désormais le chef de file la nouvelle génération de cinéastes mexicains. La misère humaine est monnayable. Uxbal pactise avec le pire, au profit des pauvres âmes : il trafique avec la mort, auprès de parents anéantis, qui ont perdu leurs enfants, en leur faisant croire qu'il leur transmet les dernières paroles des jeunes défunts, avec des Asiatiques, « marchands de sommeil » qui exploitent leurs compatriotes clandestins, avec des flics ripoux. Uxbal n'est pas un monstre ; il est père de deux enfants et se bat pour payer son loyer, combat les démons de sa femme bipolaire, infantile (Maricel Alvarez) et pour vivre : il apprend qu'il est atteint d'un cancer de la prostate. Le bruit de la vie, assourdissant, fait alors écho au silence de la mort dans un monde dénué de complaisance. Et le spectre de la mort du père d'Uxbal, planant près de lui : l'homme a fui le régime de Franco après la naissance d'Uxbal pour le Mexique, où il meurt des suites d'une pneumonie, à peine deux semaines après son arrivée. On sent les drames et les fantômes de l'Espagne de l'Insurrection et du pays traumatisé par le franquisme. Comme la souffrance que l'on lit dans la peinture de Matta… La lutte contre la fatalité. Les films en lice au 11e FIFM - 180° de Cihan Inan, Suisse - Baby Factory (Bahay bata) d'Eduardo Roy Jr. & Almon L. Derla, Philippines - Belvédère d'Ahmed Imamovic, Bosnie-Herzégovine - Death is my Profession d'Amir Hossein Saghafi, Iran - Don't be afraid de Montxos Armendariz, Espagne - I carried your Home de Tongpong Chantarangkul, Thaïlande - La Terre outragée (Land of Oblivion) de Michale Boganim, France-Allemagne-Pologne - Les crimes de Snowtown de Justin Kurtzel, Australie - Louise Wimmer de Cyril Mennegun, France - Out of Bounds (Labrador) de Frederikke Aspöck, Danemark - River of Gold (Rio de oro) de Pablo Aldrete, Mexique - Seven Acts of Mercy de Gianluca & Massimiliano De Serio, Italie - Sneakers (Ketcove) de Valeri Yordanov & Ivan Vladimirov, Bulgarie, Without de Mark Jackson, Etats-Unis.