Actuellement sur les grands écrans du Maroc, The Artist, nouveau film de Michel Hazanavicius explore le cinéma muet à travers les destins de deux comédiens, au meilleur de leur composition : Jean Dujardin et Bérénice Béjo. Après sa troublante interprétation dans Un balcon face à la mer, film rêveur de Nicole Garcia, où Jean Dujardin (Marc) nous plongeait sur les traces du souvenir, de l'enfance, de la réminiscence d'une ville, à travers son regard embué par le passé et son labyrinthe émotionnel, le talentueux comédien français renoue avec la tradition du cinéma hollywoodien avec The Artist. Cette fois, Dujardin campe Georges Valentin, en souvenir des stars du cinéma des années 1920, Errol Flynn sans la voix mais avec la moustache et le mouvement de Fred Astaire. Qui mieux que Michel Hazavicius, auteur d'OSS 117 et Le Caire, nid d'espions pouvait réaliser un film en hommage au cinéma muet exhumant l'esthétique du noir et blanc ? Qui plus est, avec son comédien fidèle, le surprenant Jean Dujardin mêlant classe naturelle et rôle d'interprétation à la perfection, récompensé par un prix au 64e Festival de Cannes. The Artist, tourné à Hollywood, avec une équipe américaine dont, James Cromwell, Penelope Ann Miller, Missi Pyle, est un délicieux voyage au pays des vieilles bobines et une belle leçon de cinéma qui propose un intéressant dialogue de l'image à tout réalisateur de court-métrage, optant pour la rétention du langage. À côté de la grande histoire d'un cinéma en mutation, art qui laisse désormais découvrir la voix de ses héros, se joue la petite, aux prises avec les jeux de l'amour et de la dure loi des studios d'Hollywood : Georges Valentin, comédien vedette du muet jusqu'ici en vogue, est sur le déclin, en proie au doute et à l'oubli. « La place est aujourd'hui aux jeunes ! », comme le déclare dans un succès triomphant une jeune première, Peppy Miller (Bérénice Béjo), en passe de se faire une importante place sur grand écran et dans le cœur de l'acteur déchu. À côté de la grande histoire d'un cinéma en mutation se joue la petite, aux prises avec les jeux de l'amour et de la dure loi des studios d'Hollywood. Déjà, une séquence particulièrement évocatrice qui met en scène Georges Valentin, se réveillant à la suite d'un cauchemar terrible, il se retrouve totalement aphone, préfigure les futurs événements de sa « petite mort ». Entre amour et poésie On aime la force suggestive de Michel Hazanavicius, lors d'une séquence qui pourrait devenir une déclaration d'amour culte : Peppy Miller hume le parfum du manteau de Georges Valentin, abandonné sur un cintre dans sa loge, le caresse de sa main hésitante, s'en enveloppe, guidée par la loi du désir. On est touché par la fragilité de Georges Valentin ruiné, esseulé, échappant à la mort, sauvé d'un incendie par son chien, Uggy, visionnant en boucle, une scène du temps de sa gloire passée aux côtés de la maladroite et audacieuse Peppy. On est conquis par les séquences de danse qui réunissent Peppy et Georges au début et à la fin du film. Si le comédien au sommet de son succès offre une chance à la jeune femme, en débutant à ses côtés, une fois la belle devenue star, elle sauve à son tour Georges du désespoir et de l'abîme le plus sombre, en imposant son nom à l'affiche de son prochain film. Le cinéaste français nous a embarqués sur les pas des exigences et de l'industrie – déjà féroce – d'Hollywood, le doute qui tiraille les destins d'artistes, étoiles finalement fragiles. Cet Happy End comme l'image positive de Peppy, annonce la femme à poigne ou aventurière du cinéma des annnées 30.