L'exposition Hamidi : la rétrospective est l'œuvre d'une vie menée pour le goût et la passion de la peinture. Les travaux de Hamidi fleurissent les murs de La Galerie 38, qui accueille cet événement jusqu'au 1er décembre. Mohamed Hamidi, chef de file de l'art moderne au Maroc, revient sur les temps forts de son histoire picturale. Se dessine un artiste amoureux du signe, de la forme et de l'Afrique. Entre Casablanca, Paris et Le Caire, sa peinture exprime une cartographie amoureuse, emportée, à fleur de vie et de symboles. Comment êtes-vous venu à la peinture ? Enfant, je peignais déjà sur les murs de mon quartier. J'avais un monde imaginaire, parallèle,nourri de couleurs et de dessins. Plus tard, en 1958, après avoir pris connaissance d'une annonce publiée dans un journal, à propos de l'Ecole des beaux-arts de Casablanca. Très peu de Marocains suivaient l'enseignement de cette école, mais ce fut pour moi un formidable apprentissage. En effet, je me confrontais à la capacité d'observation au contact d'autres peintres. À l'issue de deux ans au sein de cet établissement, je suis ensuite allé à Paris. J'y ai côtoyé Ahmed Cherkaoui, qui m'a alors vivement conseillé d'acquérir un métier plutôt que de poursuivre une autre section purement artistique dans une école des beaux-arts. J'ai donc opté pour une section graphique, qui me destinait aux métiers des arts graphiques et de la publicité. Parlez-nous de votre retour au Maroc… Après avoir travaillé au sein d'un atelier de préparation qui se nommait La Grande chaumière, situé rue Bonaparte, toujours à Paris, ayant réussi mes examens, cette fois, sur les conseils de Mohamed Chebaa et d'Abellatif Laâbi, je suis rentré au Maroc. J'ai travaillé comme assistant auprès du peintre Jean Aujame, durant deux ans autour des fresques. Au cours de cette période, j'ai visité un atelier de fresques, auquel j'ai été particulièrement réceptif, car, en le parcourant, j'y ai revu mon enfance ainsi que mon adolescence. Et j'ai suivi les travaux de la nouvelle Ecole des beaux-arts, à travers les œuvres de Melehi, Albert Flint ou encore Chabaa. «Après avoir travaillé dans un atelier à Paris et réussi mes examens, je suis rentré au Maroc, sur les conseils de Mohamed Chebaa et d'Abellatif Laâbi.» Votre œuvre est également marquée par les symboles et les signes. Aviez-vous une fascination pour l'art africain ? Oui, je suis, avant tout, africain. Lors de ma vie parisienne, j'ai visité des galeries et le Musée national des arts océaniques. C'est un art qui m'a profondément touché. J'ai commencé la peinture de façon académique. La calligraphie est ensuite apparue au cours de mon itinéraire, me rappelant les graffitis que je peignais dans la médina de Casablanca, encore adolescent, et enfin, l'expression architecturale, et celle représentée à coups de symboles liés à l'Afrique. L'image du totem, la forme des masques, l'ensemble de l'aspect artisanal, qui m'apparaît brut et très intelligent, ce côté plastique que j'ai intégré dans ma peinture. J'ai aussi voyagé en Egypte, où les villes et les pyramides m'ont énormément inspiré. Au Maroc, c'est l'art berbère, notamment ces signes qui constellent le front des femmes, comme celui de la croix, signe de protection égal à celui de la main de Fatma. Vous avez aussi évoqué la prédominance des corps à travers votre art… Le corps est quelque chose de fabuleux, d'insondable, doté d'une force extraordinaire. Le corps féminin représente, de plus, la vie. Que vous apporte la peinture ? J'y trouve un incroyable équilibre. Je suis simplement moi-même. J'aime l'odeur de térébenthine. Peindre est un besoin vital. Je ne peux pas faire autre chose, c'est une véritable thérapie. Quand je peins, j'oublie tout : je travaille un jour, deux jours, un mois entier. Il s'agit d'un dialogue entre mon travail et moi. Je ne crois pas à l'inspiration mais au travail. Face à une toile, espace vierge, comme pour un flirt, je cherche l'approche afin de pouvoir entamer le dialogue.