La cathédrale Saint-Pierre est l'un des monuments emblématiques de la capitale. Devenue un point de repère, elle est également un carrefour entre les deux lignes de tramway de la capitale. Un lieu ouvert, où la tolérance semble avoir sa place. Un peu avant midi, la place du Golan à Rabat est en pleine effervescence. Des étudiants assis discutent, d'autres courent derrière le tramway et des fonctionnaires las et pressés, qui essayent de gagner quelques minutes sur leurs horaires de travail, pour sortir déjeuner un peu plus tôt. Ils passent tous devant la cathédrale Saint-Pierre, grand édifice devenu l'un des symboles de la ville. Un bâtiment qui semble avoir été toujours là (1921 pour être précis). Le « Tirez » inscrit sur la porte d'entrée nous pousse à franchir le seuil. D'autres nous suivront, attirés par l'intérieur d'un lieu qu'ils ont rarement, voire jamais, l'occasion de visiter. Le calme qui y règne marque une nette rupture avec l'ambiance survoltée de l'extérieur. Un couple attire notre attention. Laïla et Etienne, futurs mariés observent les fresques murales. Il est chrétien. Elle est musulmane. « C'est la première fois que je rentre dans une cathédrale. Je n'ai jamais eu l'occasion avant », nous avoue Laïla, qui semble émerveillée et sonnée par cette visite. «La différence de nos confessions m'a permis d'en savoir plus sur la religion et la culture chrétiennes. Et d'après ce que je sais du Coran, que j'ai lu cinq fois, je découvre que les deux religions sont similaires. Nous partageons la même Histoire ! », constate-t-elle. «Certains Marocains viennent pour nous exprimer leur volonté de se convertir. Mais nous ne sommes pas là pour cela». Père Nymphas Eyebiyi. Son futur époux, moins exalté, et ravi tout de même d'avoir pu faire découvrir ce petit bout de lui à Laïla. Il regrette de ne pas pouvoir faire de même. « Je ne comprends pas pourquoi au Maroc, les non-musulmans n'ont pas le droit d'entrer dans les mosquées. Je ne vois pas le mal qu'on pourrait faire. Au contraire, on pourrait en apprendre plus sur l'Islam. Aujourd'hui, pour moi, le monde musulman est un monde fermé », regrette-t-il. Un coup de sonnerie et quelques secondes plus tard, c'est le père Nymphas Eyebiyi, prêtre au Maroc depuis cinq ans, qui nous accueille. Il semble habitué aux visites impromptues. « De nombreux passants poussent tous les jours la porte de la cathédrale pour la visiter. On reçoit plusieurs Marocains qui veulent connaître le christianisme, mais également des étudiants qui font des recherches sur l'histoire des religions ». Les curieux ne sont pas les seuls à pénétrer dans ces lieux. « Certains Marocains viennent pour nous exprimer leur volonté de se convertir », nous confesse le prêtre. Avant d'ajouter, « nous ne sommes pas là pour cela ». Le temps des missionnaires est donc révolu et le prosélytisme est proscrit. Les musulmans n'ayant de toute façon pas le droit de se convertir à une autre religion. Musulman tu es né, musulman tu mourras. « Au Maroc, la liberté de religion et de culte existe, mais uniquement pour les étrangers », a fait remarquer le père Nymphas Eyebiyi, d'origine béninoise. Depuis quelques années, nombre de migrants, en particulier originaires d'Afrique subsaharienne, franchissent le seuil de la cathédrale pour demander de l'aide. « Nous possédons une structure sociale pour les accueillir. C'est le centre Caritas situé au quartier Takaddoum. On oriente également les femmes enceintes vers l'association Terre des hommes. On essaie de faire ce qu'on peut avec nos moyens », lance le prêtre. Les chrétiens mieux lotis, comme les étudiants et les diplomates, doivent quant à eux faire face à d'autres problèmes et incompréhensions à leur arrivée au Maroc. « Souvent, ils nous avouent ne pas comprendre tout ce qui se vit ici. En particulier les étudiants subsahariens qui quittent leur pays natal à l'âge de 18 ans », nous apprend le prêtre. Le Maroc est souvent pour eux le premier pays étranger qu'ils visitent. Une phase d'adaptation leur est donc nécessaire. Face à cette incompréhension, les gens de la cathédrale leur disent simplement qu'il ne faut pas chercher à comprendre. « Nous devons vivre dans ce pays qui nous accueille, en acceptant ses lois et ses coutumes ». Le Maroc compte actuellement quelque 25 000 chrétiens et 3 000 israélites. Le nombre de chrétiens semble avoir diminué depuis l'indépendance du pays en 1956. Pour rappel, le pape Jean-Paul II avait fait une visite historique à Casablanca en août 1985. Il s'était alors adressé aux 2 000 catholiques et 80 000 musulmans qui étaient venus l'accueillir au stade Mohammed V de la capitale économique. Avant cela, le Roi Hassan II avait reconnu officiellement l'Eglise catholique en décembre 1983.