Une narration en apparence incongrue, des dialogues d'une banalité jouissive, une galerie de personnages hauts en couleur, de multiples références à l'univers des séries B, une musique d'enfer et, enfin, une mise en scène à couper le souffle, voilà les principaux ingrédients du film culte de Quentin Tarantino, Pulp fiction, qui révolutionna à sa façon le cinéma hollywoodien des années 1990. En décrochant la Palme d'or à Cannes en 1994 sous quelques huées, le film créa une forte polémique entre ceux qui goûtaient à ce ton neuf, bourré d'énergie, décomplexé et jubilatoire et ceux qui le taxaient de cinéma superficiel, dérivatif et désinvolte au sujet de la violence. Dix sept ans plus tard, ceux qui prédisaient à Tarantino un passage éclair de cocaïnomane aux chevilles enflées, opportuniste et plagiaire, doivent s'en mordre les doigts tellement la carrière de l'auteur s'est déployée avec assurance, élégance et maturité. Alors, que raconte Pulp fiction ? Difficile de résumer le film sous le voile de dinguerie foutraque, qui cache en réalité un système narratif très brillant basé sur une construction en boucle temporelle virtuose. Plusieurs récits s'entremêlent avant de se rejoindre. Vincent Vega (John Travolta) et Jules Winnfield (Samuel L. Jackson) sont deux tueurs à gages à la solde de Marcellus Wallace (Ving Rhames), un caïd de Los Angeles. Ils doivent récupérer une précieuse mallette pour son compte, mais l'affaire tourne mal, et ils se retrouvent avec un cadavre dans le coffre de leur voiture. En parallèle, un couple de jeunes excités braquent les clients d'un restaurant et un boxeur, Butch (Bruce Willis) tue accidentellement son adversaire alors qu'il avait été payé pour se coucher… enfin, il y a aussi la femme de Marcellus, Mia Wallace (Uma Thurman), junkie chic, dont Vincent doit s'occuper le temps d'une soirée. Les intrigues vont suivre leur cours avant que tout ce petit monde ne se retrouve à la fin. L'un des points forts de Pulp fiction est indéniablement le génie du casting. L'idée d'aller chercher John Travolta, ex icône des années 1970 alors totalement has been et croulant sous une filmographie de plus en plus affreuse, est tout simplement brillante. Le film signera d'ailleurs son come back, qui est probablement l'un des plus spectaculaires jamais vus à Hollywood. En fait, tous les acteurs sont excellents dans Pulp fiction. De Samuel L. Jackson, ici dans l'un de ses meilleurs rôles et au sommet de sa puissance, à Uma Thurman, décalée, aérienne et grande à Bruce Willis, en loser total, boxeur et sensible, en passant par Tim Roth, Harvey Keitel… Tarantino bricole son cinéma comme on personnalise une bagnole. Il va puiser dans le cinéma des années 1950, 60 et 70, reprendre des dialogues, multiplier les références, sampler des passages entiers et convier une musique classieuse qui fait du bien aux oreilles. La bande originale du film est d'ailleurs à elle seule un chef-d'œuvre du genre. Pour ceux qui n'ont pas encore vu ce film salutaire, un petit conseil : armez-vous de patience, acceptez le décalage, préparez vous à de longs bavardages, et, surtout, ouvrez bien grand les yeux pour savourer cette pépite de cinéma en liberté, qui a explosé les règles de son époque.