Le programme Villes sans bidonvilles avance lentement mais sûrement. Son retard est dû à plusieurs contraintes et son coût d'investissement sera rehaussé pour une éradication totale de l'insalubrité en 2014. Bilan Sept ans après son démarrage, et à une année de son achèvement, le programme Villes sans bidonvilles cumule un bilan plutôt mitigé. Les derniers chiffres relayés par le ministère de l'Habitat et de l'urbanisme font état d'un taux d'avancement de 70% sur les 85 villes concernées par ce programme. « Si nous n'avions pas rencontré certaines difficultés, comme l'augmentation spectaculaire des ménages, depuis le lancement du programme, nous aurions atteint un taux qui avoisine les 89% en terme de réalisations », explique Taoufiq Hejira, ministre de l'Habitat et de l'urbanisme. En effet, le nombre de ménages visés, depuis le lancement du programme en 2004, était de 270 000. Or, après le sondage effectué en avril 2011 par le ministère, le nombre des populations-cible a considérablement augmenté pour atteindre quelque 348 400 ménages. Ce qui représente une augmentation de 29 % en comparaison à 2004. « Une hausse anormale », selon Fatna Chihab, directrice de l'habitat social et des affaires foncières au sein du ministère. Selon cette dernière, cette augmentation de 78 000 ménages (400 000 habitants), jamais atteinte auparavant, est due à l'évolution démographique, à la prolifération des bidonvilles, mais surtout aux intrusions de plusieurs ménages dans des bidonvilles, notamment pour profiter des aides de l'Etat. De même, quelques ménages concernés par le programme voulaient faire bénéficier à leurs descendants les aides du programme. « On se retrouve ainsi avec des demandes de trois ou quatre logements ou lots de terrain pour une seule baraque. Et ils refusent de quitter les lieux si on ne répond pas à leurs doléances. Pire, certains ont porté la casquette de spéculateur en refusant les logements et demandent des lots de terrain qu'ils revendent par la suite », s'alarme Chihab. 3 770 appartements et 6 320 lots de terrain attendent toujours preneurs. Et les familles refusent de quitter les lieux. « Ils demandent plus, ils préfèrent les lots de terrain et nous exigent plusieurs conditions pour les faire reloger », s'indigne Houda Benrhanem, chef de division de la communication et de l'organisation au sein de la direction de l'habitat social et des affaires foncières. Plusieurs contraintes ont concerné le mode opératoire du programme. Pour bien connaître les rouages du processus, il faut également avoir une idée sur les obligations de chaque partie. Les autorités locales coordonnent la désignation des listes des bénéficiaires, l'encadrement de l'opération du relogement, la démolition des baraques et le renforcement du contrôle pour freiner l'évolution du fléau. Pour les communes urbaines, il s'agit de mettre à disposition des opérateurs du foncier communal et l'octroi des autorisations administratives ainsi que l'accompagnement social des ménages. Le ministère, quant à lui, encadre l'opération, la finance et essaye de résoudre la problématique du foncier. Le volet exécutif est assuré par des établissements publics comme Al Omrane, Dyar el Mansour, filiale de la CDG, ou encore Idmaj Sakane à Casablanca. Un simple retard ou blocage au niveau d'un maillon, et c'est toute la chaîne qui s'en trouve impactée. En parallèle, l'augmentation de 29 % de la population concernée a posé des problèmes au niveau du foncier et du financement. En effet, ces contraintes à caractère social ont été accentuées par des difficultés d'ordre foncier, technique et de mode opératoire. Il y aussi eu des blocages au niveau de l'octroi des crédits garantis par le Fogarim face aux revenus limités de certains ménages. Ajoutés à cela, la difficulté pour mobiliser le financement par les partenaires et le faible contrôle de l'expansion urbanistique. Parmi ces contraintes, Hejira nous rappelle que c'est le foncier qui pose le plus de problème, « Nous étions confrontés à la rareté et la cherté du foncier, la difficulté de mobiliser le foncier public et aussi à la lenteur des procédures administratives. Ses facteurs ont eu un impact considérable sur la réalisation de ce programme ». Toutefois, la bonne nouvelle nous vient de la ville de Casablanca. « Le foncier est enfin mobilisé et on est très satisfait par cette nouvelle. Le deadline pour la résorption de l'habitat insalubre qui sévit dans cette ville est fixé pour 2013. », se réjouit Abatal Abdelhadi, Chef de division des programmes au sein de la direction de l'habitat social et des affaires foncières. Par rapport aux rallonges budgétaires, Abatal reconnaît que le coût d'investissement global qui est de 25 milliards de dirhams connaîtra certainement des augmentations. « Nous établissons des avenants par ville et nous adaptons le programme en fonction des contraintes rencontrées et pour contenir la croissance du taux des populations. Je peux vous assurer que l'année 2014 verra l'éradication totale des bidonvilles au Maroc ! », conclut-t-il. Rendez-vous donc en 2014… . Taoufiq Hejira, Ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de l'Aménagement de l'espace. «Le programme n'est pas un échec » Peut-on qualifier le programme Ville sans bidonvilles d'échec ? Le programme a été victime d'une mauvaise médiatisation populiste. Ce programme n'est pas un échec. Au contraire, il a connu un succès et un taux d'avancement satisfaisant. Je ne nie pas que le programme a connu plusieurs difficultés, sur plusieurs plans, et qu'elles l'ont retardé. Mais, on ne peut pas passer à côté des réalisations que nous avons effectuées depuis 2004. Pour votre information, en plus des 43 villes déclarées sans bidonvilles, 16 villes connaissent des taux d'avancement de plus de 80%. Vous savez, c'est la première fois dans l'histoire du pays qu'on dresse un programme aussi ambitieux et qu'on réussit à éradiquer de façon complète des bidonvilles dans plusieurs centres urbains en un temps aussi court. Donc, vous reconnaissez qu'il y a eu des retards. Cela est dû à quoi ? Je tiens à vous rappeler qu'on est arrivé à un taux d'avancement de 70 %. Si le nombre des populations n'avaient pas augmenté de plus de 400 000 personnes, on pouvait atteindre un taux de réalisation de 89 %. En parallèle, il y a eu des problèmes de foncier, de financement et plusieurs blocages administratifs, sans parler des hésitations avec nos partenaires, au niveau de Rabat par exemple. De façon globale, 1 750 000 habitants sont concernés par ce programme, 1 200 000 ont déménagé ou le feront prochainement. Les autres, soit 550 000 personnes, ne sont pas des laissés- pour-compte. On travaille sur des issues, principalement sur le volet du foncier qui pose un réel problème. Quelles sont les villes où les voyants sont dans le rouge ? Les six principales villes où le programme bloque peine à avancer sont Casablanca, Rabat et ses environs, Guercif, Kénitra, Larache et Marrakech. Toutefois, il convient de signaler que la métropole de Casablanca qui concentre plus du tiers de la population-cible, avance bien car le foncier a été mobilisé. De plus, nous sommes à un taux d'avancement de 80 % au niveau des Carrières centrales ( bidonville situé à Hay Mohammadi, ndlr). C'est exceptionnel, si on sait que ce bidonville est très ancien et c'est très délicat de reloger les populations issues de ce genre de bidonville.