L'Association des femmes chefs d'entreprises a organisé vendredi dernier une rencontre-débat autour des avancées de la Constitution enregistrées pour la femme. La liste nationale qui réserve soixante sièges aux femmes au Parlement a largement dominé les débats. Les femmes chefs d'entreprises s'intéressent à la chose politique. Elles se sont donné rendez-vous vendredi dernier à Casablanca pour débattre de la réforme constitutionnelle et les avancées qu'apporte ce nouveau texte à la femme marocaine ainsi que les actions à mener pour les mettre en œuvre. Les interventions se sont surtout focalisées sur les élections législatives, qui auront lieu le 25 novembre et la liste nationale prévoyant 60 sièges pour les femmes et 30 pour les jeunes. Cette liste nationale a suscité la déception mais également la colère des intervenantes présentes lors de cette rencontre-débat. «Une liste de 90 sièges ne répond pas aux attentes des Marocaines. Cette mesure accorde un taux de représentativité féminine de moins de 15 % au Parlement». Pour Nadia Bernoussi, professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit de Rabat et à l'Ecole nationale d'administration (ENA), vice-présidente de l'Association internationale de droit constitutionnel et consultante internationale, « la liste nationale conjointe entre les femmes et les jeunes prévue par le projet de loi organique relatif à la Chambre des représentants n'est pas en harmonie avec l'esprit de la nouvelle Constitution, qui bannit toute forme de discrimination et consacre le concept de la parité entre hommes et femmes ». « C'est une cacophonie juridique. On confond la parité et les quotas de sièges réservés. La liste nationale est également contraire aux engagements internationaux du Maroc », s'indigne Nadia Bernoussi, qui – pour rappel – a participé à la Commission consultative de révision de la Constitution, approuvée par référendum populaire le 1er juillet dernier. « Si le projet de loi relatif à la Chambre des représentants est adopté, le nombre de députés devrait passer de 325 à 395. C'est énorme. Comment voulez-vous que le Premier ministre constitue sa majorité ? », renchérit-elle. Même son de cloche chez Rachida Tahiri, directrice de cabinet de la ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité, Nouzha Skalli. « Une liste de 90 sièges – 60 pour les femmes et 30 pour les jeunes – ne répond pas aux attentes des Marocaines. Cette mesure accorde un taux de représentativité féminine de moins de 15 % au Parlement. Alors que la moyenne internationale est de 19 % », regrette cette militante associative et politique des droits de la femme. Or les Marocaines exigent le tiers des sièges au Parlement. Quelle est alors la solution ? Pour Nadia Bernoussi, il faut se décider, entre deux options : « Soit on applique la parité comme prévu par la Constitution, et donc cette liste nationale n'a pas lieu d'être. Vous allez me dire que nous n'avons pas encore les moyens et les outils nécessaires pour concrétiser cette parité, et, dans ce cas-là, le second choix s'impose. Il s'agit d'établir une liste nationale de 70 sièges pour les femmes et 50 têtes de liste dans les régions, en concertation avec les partis politiques ». Dans cette hypothèse, la balle sera donc dans le camp des formations politiques. Pour le moment, rien n'est encore tranché. Le projet de loi organique relatif à la Chambre des représentants est en discussion. Lors de cette rencontre-débat, les intervenants étaient unanimes à dire que la nouvelle Constitution est une rupture avec les précédentes. Des avancées importantes ont été enregistrées notamment pour la femme. « Selon l'article 19 de la Constitution, les hommes et les femmes jouissent à égalité des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental… C'est un grand acquis », se félicite Nadia Bernoussi. Et de poursuivre : « L'Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Pour cela, la Constitution prévoit la création d'une instance pour la parité et la lutte contre toute forme de discrimination ». Pour Mohamed Tozi, professeur de sciences politiques à l'Université Hassan-II de Casablanca, politologue et sociologue, des avancées, certes, il en existe, mais on trouve également des ratages. Pour lui, il y en a trois : « la manière avec laquelle on a constitutionnalisé l'amazighité ; la liberté de conscience, qui a été écartée ; le caractère ambigu des fondamentaux ».