Irlande : L'exécutif ignore les appels à reconnaitre la «RASD»    Officiel. La livraison des Apache AH-64E « une avancée majeure » dans le partenariat Maroc-USA    L'Arabie Saoudite exprime son soutien à la marocanité du Sahara    Tourisme: L'ONMT renforce la présence du Maroc sur le marché allemand    FIFA : Une dotation record de 1 milliard de dollars approuvée pour le Mondial des Clubs 2025    Maroc : Neige et fortes averses orageuses jusqu'à jeudi    Un avion du Département de la justice américain rentre aux Etats-Unis après une mission au Maroc    Starlink au Sahara marocain : Une révolution numérique en marche    L'ère de l'œil sécuritaire    Global Terrorism Index 2025 : le Maroc reste épargné dans un contexte régional troublé où la menace principale vient du Sahel    L'avenir du football africain sera discuté à Rabat    Echanges. Le déficit commercial se creuse en janvier    Maroc : la BEI accélère son soutien avec 500 M€ de financements en 2024    Trafic de drogues synthétiques : Deux Polonais interpellés    Guide touristique pour découvrir le Maroc pendant le mois de ramadan    Guía turística para descubrir Marruecos durante el mes de ramadán    Vers une nouvelle page dans les relations entre le Maroc et la Libye ?    Suspension de l'Aid Al-Adha : décryptage d'un effet domino    Football. Brahim Diaz brille au Real Madrid    « Brahim Díaz, l'arme fatale du Maroc et du Real Madrid » (CAF)    Handball / 16èmes de finale de la Coupe du Trône: Domination des équipes de la division « Excellence »    Coupe du Trône: WAC-FUS et AS FAR-MAS, affiches des 16èmes de finale    Médias/Sport: La Marocaine des Journalistes Sportifs organise un tournoi de football à Laâyoune    Omra ramadan : c'est la haute saison pour les agences de voyages !    Le président gabonais met en avant la profondeur des relations avec le Maroc et le rôle de la vision royale dans le rayonnement religieux de son pays    La salle guerre du régime militaro-alimentaire    Ghana. John Dramani Mahama s'engage envers la CEDEAO    Tanger-Tétouan-Al Hoceima: Plus de 38 MDH pour lutter contre les incendies de forêts
    La franco-marocaine Sarah El Haïry nommée Haut-commissaire à l'Enfance    El Jadida : L'ancien hôtel de police un patrimoine en ruine, un héritage en sursis !    Casablanca Events & Animations illumine Casablanca avec un programme culturel et spirituel pour le Ramadan    200 artistes à Fès pour la 28e édition du Festival des Musiques Sacrées du monde    Visa Schengen : Des parlementaires réclament la réciprocité    Sommet du Caire: Bourita réaffirme le soutien constant du Roi aux droits légitimes du peuple palestinien    Sommet du Caire : Nasser Bourita réaffirme le soutien de S.M. le Roi aux droits légitimes du peuple palestinien    Macron s'adresse ce mercredi aux Français sur l'Ukraine et la défense européenne    Rougeole : -13% de cas en une semaine, la campagne de vaccination prolongée jusqu'au 28 mars    Mise au point au sujet d'un faux compte X au nom du Chef du gouvernement    Le Maroc renforce son soutien aux familles d Al-Qods et aux déplacés de Gaza avec des aides alimentaires pendant le Ramadan    LdC/8es : Liverpool-PSG, un duel au sommet à l'affiche ce mercredi    Real Madrid : Heureux d'avoir marqué, Brahim Diaz en veut encore plus    Mise au point au sujet d'un faux compte au nom de Monsieur le Chef du gouvernement sur la plateforme (X)    Maroc-Espagne : signature à Madrid d'une déclaration d'intention conjointe dans le domaine de la justice    Marruecos avanza en México con el Sáhara    Appels à projets pour la subvention des associations et instances culturelles, syndicats artistiques et festivals au titre de 2025    Jour 1 – Programmation spéciale Ramadan : Les chaînes nationales dominent le prime-time    Mohamed Benaïssa, l'adieu à «un bâtisseur de ponts» : l'hommage de Youssef Amrani    Fès : Le festival des musiques sacrées sous le signe des « Renaissances »    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le tyran et le chasseur de primes
Publié dans Le Soir Echos le 08 - 09 - 2011

Dans un album fameux de Lucky Luke, « Le juge », Goscinny et Morris nous donnent à voir la « Justice à l'ouest du Peco » : arbitraire, corruption, lynchage et exécution sommaire, en la personne du cabaretier et « juge » Roy Bean. Le Peco est une rivière du Texas. Au milieu du XIXe siècle, elle marquait le début du Far-West, là où la civilisation et la loi s'arrêtent pour céder la place à l'arbitraire du plus fort. Si ce n'était l'humour en moins, et le passage à l'acte en plus, on se croirait de nouveau revenu à l'époque du juge Bean.
La tête de Kadhafi a été mise à prix, comme avant lui celle de Sadam Hussein, et comme, avant ce dernier, celle de Ben Laden. Dans les prochains jours, les prochains mois, peut-être dans quelques années, on exhibera la tête déchue et humiliée de Kadhafi. Nous autres hommes du XXIe siècle sommes désormais habitués à ce genre de western. Et là où l'on trouva à juste titre barbare la mise à prix de la vie de Salman Rushdie par Khomeyni, personne ne s'interroge plus sur ces chasses à l'homme, prononcées « du bon côté »…
La mise à prix de la vie d'un homme, le fait de rendre « son sang licite » selon l'expression islamique, n'est pas un banal supplétif à la justice mais l'aveu d'une impuissance. Pratiquée dans le Far-West américain, elle faisait partie des caractéristiques du « wild West », là où les règles énoncées par le code civil et les usages urbains ne pouvaient être appliqués. Que de telles pratiques – exécution extra-judiciaire de Ben Laden au Pakistan, il y a quelques mois, mise à prix, donc chasse à l'homme ouverte, de Kadhafi – se renouvellent alors que jamais on n'a autant sanctifié les droits de l'Homme et la régularité des procédures judiciaires, voilà qui soulève deux paradoxes.
Le premier tient aux frontières dans lesquelles s'applique cette chasse à l'homme. Mettre la vie d'un homme aux enchères avait pour corollaire la possibilité du reprouvé à trouver refuge dans le « no man's land » de la civilisation : le désert, les territoires indiens, la forêt. La société fondait avec le criminel un nouveau pacte : hors de la civilisation, il redevenait une bête que la justice ne protégeait plus, mais que la nature inhospitalière pouvait éventuellement abriter. Or Kadhafi – comme avant lui Sadam – n'ira ni au Venezuela ni en Russie, il n'y aura pour lui ni Arabie hospitalière ni Charm-El-Cheikh où soulager sa mélancolie du pouvoir. On met aujourd'hui à l'encan la tête de criminels qu'on peut arrêter par un effort qu'on préfère économiser au profit d'une pratique barbare et anachronique. C'est par commodité, non par nécessité, qu'on revient à de telles pratiques.
Quant au second paradoxe, il tient aux dictateurs visés. Car nul n'imagine Ben Ali ou Moubarak avec un contrat sur la tête : en effet, ni Moubarak ni Ben Ali n'ont transgressé une certaine frontière. Non pas bien sûr celle des droits de l'Homme ou de la moralité publique la plus basique – ils seront ou ont déjà été jugés pour cela – mais on estime, inconsciemment, que la torture policière, la corruption, mêmes les meurtres d'opposants, sont passibles d'une justice humaine. Qu'ont donc fait les Sadam Hussein, Kadhafi et Ben Laden pour mériter pareille chasse à l'homme? Ici, on est aux frontières de l'interdit imprescriptible et impossible à condamner selon des voies normales. Comme si la mise à mort rituelle, où se mêlent les dollars, la chasse et le sang, peut, seule, ramener l'équilibre rompu par la folie du criminel. Tel est le second paradoxe : pour certains crimes et criminels, l'idéologie des droits de l'Homme garde encore une clause secrète, permettant la loi du talion.
Que disent de telles pratiques ? Que la Méditerranée est le nouveau Peco, frontière entre la civilisation et le Far-South ? Ces chasses à l'homme, ces dernières années, ont concerné des hommes issus de ce « Grand Moyen-Orient », symbole d'un certain refus de l'ordre mondial. Si l'on veut que les révolutions de 2011 marquent les retrouvailles entre les sociétés arabo-islamiques et la démocratie globale, encore faut-il que de telles pratiques, aussi efficaces soient-elles, cessent.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.