Réunir de grands musiciens africains et cubains, un rêve qui aura pris quinze ans au producteur de Buena Vista Social Club, Nick Gold. De longues années de conception et d'exécution se cachent derrière Afrocubism qui se produira au festival de Casablanca jeudi soir. Oui, sans le curieux concours du destin, Afrocubism aurait pu être la version hybride du brillant Buena Vista Social Club. Remontons ensemble le fil de cette belle histoire jusqu'en 1996. Il y a quinze ans, à la demande de Nick Gold, découvreur de Buena Vista Social Club et directeur du label World Circuit, des musiciens maliens de renom avaient été conviés à la Havane pour enregistrer une fusion afro-cubaine. Suite au contretemps administratif qui avait empêché les Maliens de s'y rendre, le producteur a été contraint d'enregistrer un album cent pour cent cubain. S'en est suivi le succès mondial que l'on connaît, immortalisé par Wim Wenders, et plus de 7 millions d'albums vendus de Buena Vista Social Club. En 2009, le même producteur revient à la charge et convie en studio des maestros maliens et cubains. Afrocubism est né. Dans ce projet hybride, la partie africaine est assurée par Djelimadi Tounkara à la guitare électrique, Toumani Diabate à la Kora dont l'œuvre, en 2005 avec le grand et regretté Ali Farka Touré, In the Heart of the Moon, lui a valu son premier Grammy Award. Basekou Kouyaté sera au n'goni (l'ancêtre du banjo), Lassana Diabate au balafon et Kassé Madi Diabaté au chant. Le tempo cubain est orchestré par le guitariste Eliades Ochoa, l'homme au chapeau de Cow Boy de Buena Vista Social Club. La particularité de cette fusion réside dans la sensibilité de ces deux cultures musicales denses. Les Cubains n'ont jamais joué de musique africaine, ce qui se traduit par une vulnérabilité agréable à l'écoute. A contrario de leurs compères, les Maliens ont depuis longtemps intégré la musique cubaine dans leur musique. Dans les années 60, les orchestres afro-cubains faisaient fureur, comme les Maravillas du Mali dont Kassé Mady Diabaté faisait partie ou le Super Rail Band où se produisait Djellimadi Tounkara. Plus tard, et toujours en Afrique de l'Ouest, parfois chantées en espagnol, les réappropriations congolaises ou sénégalaises des cha cha cha, guaguancos, sons, pachancas et autres boléros ont véhiculé une exubérance et un optimisme palpables. Cependant, le pari de Nick Gold est d'emmener les Cubains dans un terrain inconnu et de les guider vers le répertoire ancien de la musique de l'Afrique de l'Ouest, en particulier la musique malienne. Tout se joue sur le tempo des contrées africaines et c'est là où la magie opère. Kora, balafon et percussions se mélangent avec guiro, chekeré et congas pour perpétuer des musiques aussi ancrées que sacrées. Les chants en espagnol et en bambara (langue de l'Afrique de l'Ouest) ne font plus qu'un, et djeli ou griots, trésors de musiques épiques, fusionnent avec la légèreté hispanophone. Ne ratez pas cette rencontre inter-culturelle où l'héritage mandingue compose brillamment avec la fraîcheur cubaine. Afrocubism sera sur la scène place Rachidi jeudi soir.