Nous nous apprêtons à nous rendre aux urnes pour nous exprimer sur le nouveau projet de Constitution, qui affiche des intentions démocratiques claires mais laisse le champ ouvert à de multiples interprétations, car construit sur la base du compromis, en évitant soigneusement de créer des clivages. On a tellement multiplié les instances, les conseils, les langues, les cultures de référence, les domaines de la loi, les principes parfois contradictoires, les références et les appartenances, que le texte en devient indigeste, tant par sa densité que par sa complexité. La majorité de mes concitoyens est très sensible aux avancées démocratiques proposées, et s'apprête à suivre, sans réserve aucune, l'exemple de notre Souverain en validant le projet. Des voix, largement minoritaires, appellent au boycott réfutant la méthodologie originelle employée pour l'élaboration du projet. D'autres, qui semblent encore plus minoritaires, trouvent le texte encore timide, notamment en ce qui concerne la séparation des pouvoirs, la reddition des comptes, le corsetage du domaine de la loi ou encore la liberté de conscience. Le débat public est à quasi sens unique et si le référendum propose deux réponses possibles, la place laissée aux tenants du «oui» est prépondérante dans l'espace médiatique national. La neutralité de l'état est largement mise en doute, car au lieu d'assurer un équilibre entre les deux réponses possibles, les autorités ont choisi de soutenir et de donner du temps de parole aux partis politiques qui sont quasi-unanimes sur le «oui». Le citoyen, qui a déjà du mal à comprendre le projet dans sa complexité, est, de ce fait, privé de débats contradictoires qui lui permettraient de se forger une opinion approfondie sur le sujet. - Je suis musulman et je souhaite que mon libre arbitre concernant ma foi soit préservé, ainsi que celui de tous mes concitoyens. - Bien que la richesse de mon pays provienne de la diversité des cultures qui la composent, la Darija est notre patrimoine linguistique commun et permettrait une meilleure efficacité de notre système d'éducation et de communication. - J'aurai souhaité que l'ensemble des domaines de la loi et de la gouvernance soient soumis à l'autorité du peuple et que le Roi soit le garant du respect des institutions et le recours ultime en cas de crise. - J'aurai été sensible à l'ouverture d'un débat réel et approfondi, basé sur la tradition sociologique et réglementaire musulmane de notre pays, sur la place de la femme dans la société. - Voter «non» serait à l'origine d'une crise institutionnelle d'envergure dont l'issue est incertaine. - Ce texte contient certaines avancées et d'autres, plus importantes, pourraient voir le jour à l'avenir. - Le Maroc est dans une phase de renforcement de son infrastructure de base et il a encore besoin, pour maintenir ce cap, d'un leadership central fort et incontesté. - Si Sa Majesté pouvait se présenter aux élections, j'aurai, comme je pense, la majorité de mes concitoyens, voté pour qu'il dirige aussi le futur gouvernement. «Le cœur a ses raisons que la raison ignore» dit le proverbe, mais le choix de la raison demeure encore majoritaire dans mon petit débat interne. Le moment de vérité se produira dans l'isoloir et je prie Dieu de nous guider vers le choix le plus adéquat pour notre pays.