La 16e édition du festival Jazz au Chellah s'est ouverte en douceur mercredi soir. Le public avait noté la date sur son agenda, et est venu en masse pour savourer trois heures de jazz et de fusions, sous une magnifique éclipse lunaire. Le bruit courait à Rabat depuis quelques jours. « Il arrive ! », « c'est le 15 », « il faut que tu viennes ». A chaque mois de juin, c'est le même refrain. Le festival Jazz au Chellah, qui fête ses 16 ans cette année, vient annoncer la fête de la musique qui ouvre la saison estivale. Dès 19h, le parking jouxtant le site du Chellah commence à se remplir à vue d'œil. Les retardataires trouveront tout de même un bout de pelouse où garer leur voiture. Cela importe peu. L'essentiel est de trouver une place à l'intérieur. Et c'est là que ça se corse ! En effet, il semblerait que la date du 15 juin ait été retenue par de nombreux Rbatis, (mais également Slaouis, Knitris et Casaouis) qui sont venus en masse dès l'ouverture du festival. Jeunes et moins jeunes, accompagnés ou seuls, avec ou sans enfants, aucun obstacle n'aurait pu les empêcher de savourer du jazz face aux remparts du Chellah, éclairés par des lumières multicolores. Tout ce joli monde se disperse sur les sièges bleus installés pour l'occasion. Des sièges supplémentaires ont été montés à droite de la scène. Mais le flux de spectateurs est trop important, si bien qu'en moins d'une demi-heure, on déplore l'absence de places assises. Mais pas de panique ! Comme chaque année, personne ne grogne, et les retardataires s'assoient calmement à même le sol, sur les tapis posés devant la scène, ou sur les escaliers. Les oreilles affamées attendent d'être nourries à grosses bouchées de jazz. Ce qui ne tarde pas à arriver avec l'entrée en scène du Portico Quartet. Le groupe britannique installe l'ambiance jazzy, ce qui ravit les spectateurs, debout comme assis. Cette bande de copains de fac, soudés par leur entente musicale, possède une arme secrète, le « hang », un instrument qui nous fait penser à deux woks superposés. Inventé par deux Suisses allemands, il permet ainsi au Portico Quartet de moderniser le jazz classique. Ce qui n'est pas pour déplaire à un public ouvert à la nouveauté. Eneko Landaburu, chef de la délégation de l'Union européenne au Maroc, nous avait d'ailleurs prévenu. « Les deux directeurs artistiques du festival, que sont Jean-Pierre Bissot et Majid Bekkas, avaient comme devoir de garder la qualité des éditions précédentes, en puisant dans le meilleur répertoire jazzistique pour proposer des interprétations aussi exceptionnelles qu'insolites ». Après l'entracte, le calme et la nonchalance des Britanniques cèdent la place à la gaieté et la folie des Allemands. D'entrée de jeu, les Talking Horns, plus âgés que leurs prédécesseurs, nous font une magnifique démonstration de cuivres. Trompette, trombone, cor ou encore tuba, ils changent d'instruments selon le morceau ou le changement de rythme, et nous surprennent par leur maîtrise. Ils prennent du plaisir sur scène, et ça se sent ! L'éclipse lunaire qui se produira au milieu de leur concert, et les centaines de spectateurs se retournant pour l'apprécier, ne les perturberont pas plus que ça. Au contraire, ils auront contribué à rendre le moment encore plus intense. Le voyant vert des émotions était toujours allumé lorsque la troupe des Aissaoua est entrée par la grande porte, faisant croire à chacun qu'une mariée allait faire son entrée. Cette arrivée impromptue annonçait surtout la fusion de la soirée, marque de fabrique de ce festival qui se poursuit jusqu'à ce dimanche. A chaque soirée son lot de surprises, à découvrir sur le site du Chellah tous les soirs dès 20h. Selma T.Bennani