Le 20 juin, la communauté internationale célèbrera la Journée mondiale des réfugiés. A cette occasion, Leila Jane Nassif, représentante du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Maroc, revient sur la situation des réfugiés et fait le point sur les négociations avec le Maroc. Leila Jane Nassif : « Il faut souligner que le Maroc assure à présent aux réfugiés une meilleure protection que par le passé». Cette année marque le 60e anniversaire de la convention relative au statut des réfugiés. Le HCR en profite pour encourager la mise en place de régimes d'asile nationaux efficaces et la gestion régionale des mouvements migratoires mixtes, en tenant compte des besoins de protection. Est-il aussi urgent, aujourd'hui, de passer la main au gouvernement marocain ? Pour ne pas la confondre avec les urgences telles qu'elles existent aujourd'hui en Libye ou en Côte d'Ivoire, je préfère qualifier cette relève par le gouvernement marocain de « prioritaire » pour le bureau du HCR. L'accompagnement dans l'établissement de régimes d'asile nationaux est d'ailleurs une priorité constante de notre travail à travers le monde. Une de nos principales responsabilités, en tant qu'organisation internationale est, en effet, d'appuyer les efforts des pays signataires de la convention relative au statut des réfugiés, dans la définition d'un cadre légal et institutionnel propre à l'asile lorsqu'ils n'en disposent pas encore. Il faut rappeler, en cette occasion, que le Maroc est signataire de la Convention de Genève depuis 1957 et qu'à la suite de discussions avec le ministre des Affaires étrangères, ce dernier a été clair sur le souhait du Maroc de prendre ses responsabilités vis-à-vis des réfugiés et demandeurs d'asile. Pour nous, c'est une très bonne nouvelle, car nous partageons entièrement cet avis. La protection de cette catégorie de personnes très vulnérables revient au gouvernement marocain. Donc pour nous, c'est le moment de multiplier nos efforts pour accompagner le gouvernement dans cette volonté et d'encourager ce processus déjà entamé. Ces dernières années, nous avons eu des discussions avec différents ministères, dont celui de la Justice, sur le statut des réfugiés et demandeurs d'asile et nos efforts dans ce secteur se poursuivent. A présent, il nous faudra déployer plus d'efforts pour engager le gouvernement dans l'intégration des réfugiés et demandeurs d'asile et pour leur donner accès aux mêmes droits que les citoyens du Maroc. Cette catégorie devra avoir accès aux mêmes services (santé, éducation, emploi, etc.) que tout citoyen marocain, puisque c'est ce à quoi s'engage un Etat lorsqu'il ratifie la Convention de Genève. Pour aboutir à cette intégration, il faudra d'abord un cadre législatif clair et précis pour protéger les réfugiés. Où en sont vos négociations à ce propos ? Il subsiste encore plusieurs difficultés. Les réfugiés font face à des frustrations au quotidien, mais il faut souligner que le Maroc leur assure à présent une meilleure protection que par le passé. Ainsi, l'an dernier, le nombre de personnes refoulées a diminué de moitié par rapport à l'année précédente. Seuls 14 immigrés ont fait l'objet d'un refoulement que nous avons d'ailleurs réussi à arrêter à Oujda. Une nette amélioration s'est fait remarquer depuis les événements de 2005. Pour nous, il est clair que le gouvernement est sensible à la question et qu'il a des efforts à fournir pour réaliser une seconde phase aussi décisive que la reconnaissance acquise aux réfugiés : leur insertion aux programmes nationaux. C'est ce processus que nous souhaitons coordonner et rendre opérationnel de manière bilatérale. Ce n'est pas un objectif que nous pourrons atteindre demain, mais la bonne volonté du gouvernement est bien là. A ce propos, une réunion d'experts avait été prévue ce mois-ci à Genève, mais étant donné les réformes que mène le Maroc actuellement, cette rencontre n'aura probablement lieu qu'à la fin de l'année. Comment pourriez-vous aider le Maroc dans ce processus d'intégration des réfugiés ? Actuellement, le Maroc est en cours d'élaboration d'une loi. En tant que HCR, nous pouvons apporter notre expertise ou soulever les questions qui n'ont pas été abordées. Il est nécessaire de rappeler que le Maroc dispose déjà de lois protégeant les réfugiés, celle concernant les résidents étrangers contient plusieurs dispositions dans ce sens. La promulgation de la nouvelle législation en cours apportera plus de mesures et plus de précision pour leur mise en place. Elle permettra au Maroc de fournir un guide et des règles claires sur les réfugiés et demandeurs d'asile (en expliquer la procédure). Ce que nous souhaitons, c'est de pouvoir en discuter avec le gouvernement avant la fin de 2011. En attendant, le HCR a lancé, le 14 juin, une campagne de communication dont l'une des activités sera l'organisation de séances de sensibilisation dans les écoles. Notre campagne devra continuer au-delà de cette année. A l'heure où la lutte contre le terrorisme impose une approche sécuritaire, ne craignez-vous pas que ce processus d'intégration des réfugiés que vous recommandez en subisse les conséquences ? Nous estimons que les questions de sécurité de tout pays, y compris le Maroc, sont tout à fait raisonnables. Il faudra juste trouver le moyen de gérer le problème de façon équitable, en vue d'assurer la protection des personnes vulnérables. Aujourd'hui, le Maroc compte près de 800 réfugiés, dont une majorité de Subsahariens, alors que le reste arrive d'autres pays, notamment de Palestine et d'Irak. C'est un nombre stable depuis plusieurs années, malgré les crises dans les pays d'Afrique et du monde arabe. Cette année, nous avons alloué à nos cinq partenaires prestataires de services au profit des réfugiés, près de deux millions de dirhams. Quant aux demandeurs d'asile, nous en avons reçu près de 1 000 dont 10 % ont été reconnus après étude au cas par cas. Que pensez-vous du processus de réforme constitutionnelle récemment lancé ? Pourrait-il avoir un impact sur la question de l'asile ? Pour nous, le chantier de la réforme constitutionnelle en cours ne peut avoir qu'un impact positif sur la question de l'asile. Cette réforme est indéniablement un pas en avant vers un approfondissement de la démocratie au Maroc et de la culture des droits des personnes vivant sur son territoire, en incluant les réfugiés et les demandeurs d'asile. Propos recueillis par Leïla Hallaoui