Vendredi dernier, des hélicoptères de combat ont, pour la première fois, été utilisés par le régime syrien dans la localité de Maarat al Noumaane. L'Observatoire syrien des droits de l'homme a rapporté que des hélicoptères de type aéronefs ont ouvert le feu sur la foule après la mort de cinq manifestants tués par les forces de sécurité au sol. «Il y a eu des manifestations pacifiques aujourd'hui pour réclamer la liberté d'expression et la chute du régime. Les forces de sécurité nous ont d'abord laissés manifester, mais quand elles ont vu que la foule grossissait, elles ont ouvert le feu pour nous disperser», raconte un autre témoin. «Les gens se sont précipités à couvert dans les champs, sous les ponts et dans les maisons, mais les tirs se sont poursuivis durant des heures sur les rues quasi désertes. Durant la manifestation, deux officiers et trois soldats ont refusé d'ouvrir le feu, alors nous les avons portés en triomphe. Après cela, nous avons été surpris de voir des hélicoptères tirer sur nous», a ajouté ce manifestant de Maarat al Noumaane. Quant à la télévision officielle, elle a, pour sa traditionelle propagande, indiqué sans surprise que des «groupes terroristes» bien armés avaient auparavant incendié des immeubles de la police et tué des membres des forces de sécurité dans cette ville du centre de la Syrie. Elle a aussi accusé ces «bandes armées» de tenter de «répéter le scénario de Djisr al Chougour», une ville proche située non loin de la frontière turque, théâtre ces derniers jours, selon des témoins, d'un massacre de soldats mutins ayant refusé de tirer sur des manifestants. Près de trois mois après le début de la révolte, mi-mars, et en dépit des sanctions et des protestations internationales, le régime syrien semble déterminé à mater dans le sang toute contestation ; des agissements qualifiés d'«atroces» par Ankara et «d'effroyables» par la Maison Blanche, qui a accusé la Syrie d'avoir provoqué une «crise humanitaire». En écho, le chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, s'est dit samedi «très inquiète par la dégradation de la situation humanitaire» en Syrie en réitérant ses appels à Damas à cesser la répression. Alors que les 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU divergent sur l'opportunité d'une résolution condamnant cette répression, la Maison Blanche a affirmé que «la violence et les brutalités» devaient «cesser immédiatement». Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a fait part une nouvelle fois de sa «profonde tristesse et inquiétude». Les condamnations n'émanaient pas seulement des gouvernements : plus d'une quinzaine de villes à travers le monde, dont Paris, Montréal et New York, se sont associées à une journée mondiale pour la Syrie samedi prochain. Malgré une crise humanitaire sans précédent, le président Assad ne répond pas aux coups de téléphone du secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon. Martin Nesirky, porte-parole de l'Onu, a confirmé vendredi que Ban avait encore tenté de joindre Assad jeudi au téléphone, mais qu'il s'était entendu dire que le chef de l'Etat syrien n'était «pas disponible». Quant aux représentants permanents auprès du Conseil de sécurité, ils se sont réunis à nouveau vendredi au siège de l'organisation mondiale à New York pour tenter de trouver un compromis sur un texte à adopter au sujet de la Syrie. La situation ayant pris une nouvelle proportion, un peu à l'image de la Libye, quelques mois plutôt, il semble que la problématique syrienne a de véritables chances d'aboutir sur de lourdes sanctions onusiennes. Car ni la Chine ni la Russie ne pourront cautionner indéfiniment les massacres des dirigeants syriens sur leur propre peuple. La semaine qui s'ouvre s'annonce peut-être décisive. La question que tout le monde se pose actuellement parmi les dirigeants des 15 pays siégeant au Conseil de sécurité de l'ONU est : comment chasser Assad et son régime du pouvoir syrien de manière rapide, efficace, la moins violente possible et, surtout, en évitant d'engager les forces armées internationales ? Elle est là, toute la problématique. Cela passe certainement par une phase de négociation, mais l'opinion publique ne pourra pas comprendre indéfiniment qu'il y ait deux poids deux mesures entres les crimes du régime libyen (Kadhafi) et syrien.