Les blindés de l'armée syrienne sont entrés dans la nuit de samedi à dimanche dans la ville de Djisr Al Choghour, près de la frontière turque, sur laquelle se focalise depuis une semaine la répression du mouvement de contestation, rapportent des habitants. L'armée syrienne est entrée dimanche dans la ville de Jisr Al-Choughour dans le gouvernorat d'Idleb, dans le nord-ouest du pays, pour en "expulser les groupes armés", a indiqué la télévision publique. "Les divisions de l'armée sont entrées à Jisr Al-Choughour et ont purgé l'hôpital national des groupes armés", a-t-elle précisé. "Des heurts violents opposent les divisions de l'armée et des éléments des groupes armés postés dans la périphérie et à l'intérieur de la ville", a-t-elle affirmé. "Des chars sont entrés depuis le sud (de la ville) après avoir bombardé au hasard et tiré des rafales de mitrailleuses sur toute la ville. Les habitants sont encore en train de fuir depuis le nord", a déclaré un habitant contacté par téléphone. Djisr Al Choghour, dans le nord-est de la Syrie, occupe un emplacement stratégique sur la route reliant Alep, la deuxième ville du pays, à Lattaquié, son principal port. La situation ressemble à ce qui s'est produit depuis le début du mouvement de contestation, à la mi-mars, dans d'autres villes, avec déploiement de troupes et de blindés de l'armée syrienne à la suite de manifestations réclamant la fin du régime d'Assad. Selon des habitants, les forces commandées par Maher Al Assad, le frère du président qui dirige notamment la quatrième division mécanisée, ont pris position à proximité de la ville. Mais, toujours selon des habitants, Djisr Al Choghour a été le théâtre d'une mutinerie parmi les forces de sécurité, dont une partie aurait refusé, il y a huit jours d'obéir aux ordres et de réprimer des manifestants. Rencontré près de Guvecci, en Turquie, où quelque 4.000 Syriens ont cherché refuge, Bassam montre des images qu'il a prises avec son téléphone portable avant de fuir la ville. On y voit le cadavre d'un homme jeune, sans doute entre 18 et 25 ans, touché par balles à une jambe et au ventre. Une autre photo représente un jeune homme touché à la tête. Selon Bassam, ces deux hommes ont été tués à la sortie de Djisr Al Choghour par les troupes commandées par Maher al Assad. La politique de la terre brûlée "Il n'y a plus grand monde. Moi, je me suis enfui à mobylette par des pistes dans les collines", dit-il. Il ajoute que les soldats syriens ont pratiqué une politique de la terre brûlée censée mater le soulèvement en incendiant les récoltes de blé de trois villages proches de sa ville. D'autres réfugiés affirment que des soldats ont abattu du bétail et détruit des cultures autour de Sarmanïa, un village situé au sud de Djisr al Choghour. Selon un diplomate turc, 4.300 Syriens ont déjà franchi la frontière et son pays s'attend de nouvelles arrivées, sans pouvoir donner de chiffres prévisibles. D'après des responsables syriens et défenseurs des droits de l'homme, plus de 10.000 autres tentent de trouver des abris à proximité de la frontière. Les déplacés craignent des représailles de la part des forces de sécurité pour les affrontements dans lesquels 120 soldats ont trouvé la mort au cours de la semaine écoulée. "Quand les massacres ont commencé à Djisr Al Choghour, l'armée s'est divisée et ils ont commencé à se battre entre eux ou à nous accuser d'être responsables", témoigne une femme réfugiée interrogée par la chaîne turque NTV. "Le peuple syrien dit à Bachar Al Assad qu'il ne veut plus de lui. Puisse Dieu brûler son coeur. Il a incendié notre terre, il a fait de nous des indigents", ajoute-t-elle. L'agence officielle de presse syrienne assure pour sa part que "des groupes terroristes armés" ont incendié des terres arables de la province d'Idlib dans le cadre d'un projet de sabotage. D'après des organisations de défense des droits de l'homme, la répression du soulèvement en faveur de la démocratie politique en Syrie a fait plus de 1.100 victimes depuis la mi-mars. Pour la seule journée de vendredi, les défenseurs des droits de l'homme ont chiffré à 36 le nombre de manifestants abattus par les forces de l'ordre dans tout le pays. Ils affirment que les autorités ont, pour la première fois, fait intervenir des hélicoptères de combat contre la foule à Maarat al Noumaan, dans le centre du pays, pour tirer sur les manifestants.