C'est la fin du suspens par rapport à l'implantation des groupes Attijariwafa bank et Banque Populaire en Mauritanie. Comme nous l'annoncions dans notre édition du 3 mars, les deux banques marocaines viennent de racheter la filiale mauritanienne du géant français BNP Paribas. «L'acquisition de 60% du capital de BNP Paribas Mauritanie n'est pas liée à l'opération précédente avec le Crédit Agricole S.A. Des discussions directes avec BNP Paribas ont été initiées il y a plusieurs mois et ont abouti à la signature, le 1er mars 2010, d'un accord portant sur l'acquisition par un consortium Attijariwafa bank – Banque Populaire de la majorité du capital de la banque mauritanienne», explique d'emblée Ismaïl Douiri, l'un des DG d'Attijariwafa bank. Les deux groupes ont pris de court le marché financier en réalisant cette opération. Ils en auront fait d'une pierre deux coups. D'une part, les deux banques tiennent leur engagement vis-à-vis du gouvernement mauritanien qui leur a donné l'autorisation de venir s'installer sur son territoire. D'autre part, les deux institutions ne sont pas obligées de bâtir un réseau bancaire à partir de zéro. Encore faut-il noter que le point de départ des deux groupes marocains en Mauritanie est modeste voire très modeste. Une banque très jeune qui vient de naître en 2007. Son total bilan ne dépasse pas les 600 millions d'euros. Ce n'est même pas le total bilan d'une banque populaire régionale au Maroc. Quant à ses parts de marché, elles ne dépassent pas 4% sur les crédits et 9% pour les dépôts. Pour atteindre l'objectif de leadership que le groupe Attijariwafa bank se fixe pour ses implantations en Afrique, ses équipes auront du pain sur la planche. «Dans le cadre de son développement régional, AWB déploie une logique d'opérateur industriel des métiers de la banque et de la finance (et non d'un investisseur financier). A ce titre, après chaque acquisition, un plan de transformation, d'intégration et de développement de la filiale est conçu et mis en œuvre de manière systématique. Ce plan permettra à la banque mauritanienne de consolider et renforcer son positionnement sur son marché local mais également de capturer le potentiel de synergies offert par les réseaux africains d'Attijariwafa bank et Banque Populaire», détaille Ismaïl Douiri. Les deux institutions ne sont pas obligées de bâtir un réseau bancaire à partir de zéro. Rien n'empêche le bras financier du groupe ONA, en partenariat avec son partenaire/concurrent BCP, de mener, en Mauritanie, la même politique de développement qu'au Sénégal. D'autant plus que bon nombre de banques du pays sont vendables. Pour s'orienter vers cette trajectoire, il faut passer par une phase de test comme cela a été le cas au Sénégal. Il ne faut pas oublier que comparé au Maroc ou même au Sénégal, le marché mauritanien reste très restreint. C'est ce qu'a précisé Mohamed El Kettani, le PDG d'Attijariwafa bank en répondant à une question sur l'implantation en Mauritanie, lors de la présentation des résultats annuels lundi dernier à Casablanca. Mais lors de cette rencontre, El Kettani n'a en aucun cas laissé entendre qu'un deal était en gestation pour le rachat de BNP Paribas Mauritanie. Il a tout juste précisé que «si implantation il y aurait», elle se ferait conjointement entre les deux banques marocaines. L'idée étant d'économiser les coûts d'implantation. Chose qui allait se concrétiser le lendemain. Pour quel montant le rachat s'est-il concrétisé ? Les responsables du groupe Attijariwafa bank restent motus et bouche cousue. Ils ne veulent même pas fournir une fourchette de prix. «Les clauses de confidentialité dans les accords qui nous lient à BNP Paribas ne nous permettent pas de communiquer le montant de la transaction. Par ailleurs, cette dernière sera financée en cash à 100%», fait valoir Douiri. Mais compte tenu du total bilan, le montant de la transaction ne devrait pas dépasser le milliard de DH, selon nos sources. Outre le montant de la transaction, l'interrogation demeure entière par rapport au pouvoir de gestion et de prise de décisions stratégiques. Douiri refusera d'ailleurs de répondre à cette question. Théoriquement, c'est le groupe Attijariwafa bank qui devrait tenir les rênes, puisque sa participation au capital est la plus importante (40% selon nos calculs). Les trois autres institutions (BCP, Proparco, DEG) détiennent chacune 20%. Elles exigeront de ce fait d'avoir des représentants dans le management et un droit de regard sur les orientations stratégiques. L'installation en Mauritanie étant acquise, le seul marché qui échappe au groupe Attijariwafa bank dans le périmètre maghrébin demeure l'Algérie. Malgré les multiples tentatives, nos voisins de l'Est sont toujours réticents à l'implantation de banques marocaines. La situation ne risque pas de changer compte tenu du climat politique encore tendu entre les deux pays. Toutefois, Attijariwafa bank affirme que le groupe «continue à appuyer sa demande d'agrément pour la création en greenfield d'une banque universelle». En parallèle, confie Douiri, nous continuerons à examiner toutes les opportunités sur ce marché et participerons également aux prochaines privatisations». Pas d'augmentation de capital à l'ordre du jour Il est vrai que la valeur du deal n'est pas si contraignante pour les deux groupes marocains, notamment pour le majoritaire Attijariwafa bank. Mais il y a lieu de se demander d'où proviennent les fonds qui permettent au bras financier du groupe ONA de mener sereinement sa politique d'expansion africaine. Le DG du groupe, Ismaïl Douiri, se veut rassurant à ce niveau. Il assure que la banque a encore une marge de manœuvre pour lever des dettes subordonnées. «Au fur et à mesure que nos fonds propres augmentent nous avons la possibilité de lever davantage de quasi fonds propres», précise-t-il. Dans ce contexte, Douiri, affirme que le groupe n'a pas besoin de recourir à des augmentations de capital ou à l'émission d'obligations convertibles en actions.