La guerre que mènent en coulisses le Maroc et le Polisario a fini par toucher la tour de verre de l'ONU à New York. Début avril, un document de travail interne, rapportant des conclusions et recommandations du Secrétaire général, Ban Ki-moon, sur l'affaire du Sahara est secrètement remis, «électroniquement», depuis le siège de l'ONU, à Matthew Russel Lee, un journaliste américain accrédité au siège de l'ONU. Le document interne, dont Le Soir échos détient une copie, est une mouture de 23 pages en 125 alinéas, portant l'entête du Conseil de Sécurité, mais pas la griffe de Ban Ki-moon. Poussé par son instinct professionnel, Russel Lee court le publier sur Internet sans trop savoir que ce n'est qu'un draft qui, fatalement, va créer un incident diplomatique entre les membres onusiens. Au siège de l'ONU, c'est le branle-bas de combat : mercredi 6 avril, ayant eu vent de l'information, les représentants diplomatiques marocains auprès des Nations Unies, escaladent quatre à quatre les escaliers pour demander des explications. Jeudi, la réaction du Maroc est annoncée officiellement après une réunion avec de hauts responsables onusiens qui s'est poursuivie tard dans le nuit : la publication dans des circonstances « douteuses et opaques » d'un document prétendument présenté comme le rapport du Secrétaire général de l'ONU sur la question du Sahara, est « un acte irresponsable » qui « dévoile la réalité sur les intentions de certains protagonistes dans cette affaire ». La représentation diplomatique marocaine à New York ajoute que « les méthodes utilisées dévoilent les réelles intentions des protagonistes dans cette affaire et les complicités dont ils ont pu bénéficier, y compris à travers un membre non permanent du Conseil ». On n'en saura pas plus. L'alinéa 119 Côté ONU, Martin Nesirky, son porte-parole, déclare lors de son point presse tenu jeudi 7 avril : « Nous avons été informés qu'un document de travail interne relatif à la question du Sahara a fait l'objet d'une fuite et a été publié électroniquement… Ce document n'est pas un rapport final, n'a pas été endossé par le Secrétaire général et n'a, de ce fait, aucun statut ». Sans cacher son mécontentement contre ses pairs à l'ONU, Nesirky rajoute : « Les Nations unies considèrent comme regrettable qu'un document de travail interne du Secrétariat général fasse l'objet d'une fuite et soit publié ». Cette affaire, qui ressemble à un polar de mauvais goût, est une occasion trop belle pour les défenseurs de la thèse séparatiste. Dans l'alinéa 119 de ce pré-rapport, Ban Ki-moon constate que la situation des droits de l'Homme est laissée-pour-compte, autant dans le territoire sous observation onusienne que dans les camps de Tindouf. Il propose alors d'étendre le mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'Homme dans les deux territoires, à travers l'établissement d'un «mécanisme international effectif pour un contrôle soutenu, indépendant et impartial des droits de l'Homme à travers une composante au sein de la Minurso». Vote du 27 avril Après les événements de Sidi Ifni, de Gdeim Izik, des répressions dans les camps de Tindouf et de l'affaire Mustapha Salma, on conclut facilement que l'ONU, à travers son Haut commissaire aux droits de l'Homme, aurait suggéré cette extension du travail de la Minurso. Ceux qui fouillent dans le tiroirs de Ban Ki-moon, tout en criant à qui veut l'entendre, que la France fait du lobbying auprès de l'ONU en faveur du Maroc, devront attendre encore une dizaine de jours pour connaître l'issue réelle de cette affaire : les Quinze consacreront leurs réunions du 15 courant à l'examen du rapport sur le Sahara, que devra leur soumettre dans les jours qui viennent le Secrétaire général des Nations unies. Les Etats membres se réuniront ensuite le 27, en vue de l'adoption d'une résolution sur le renouvellement par le Conseil de sécurité du mandat de la Minurso qui arrive à expiration fin avril.