Le rapport qui sera examiné le 15 avril prochain par le Conseil de Sécurité de l'ONU prévoit d'étendre le mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental, rapporte le journaliste américain Matthew Russel Lee. Comme chaque année depuis le cessez-le-feu signé en 1991 entre le Maroc et le Polisario, le Conseil de Sécurité de l'ONU se réunit au mois d'avril pour examiner le rapport annuel du Secrétaire Général, Ban Ki Moon, et renouveler le mandat de la Minurso (« Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental »). Ce rapport de Ban Ki Moon sur la situation au Sahara doit être remis aujourd'hui 6 avril et sera examiné par le Conseil de Sécurité le 15 avril prochain. Le journaliste américain Matthew Russel Lee, accrédité au siège de l'ONU, affirme sur son site Inner City Press avoir eu accès à une première version du rapport. Selon lui, l'ONU s'apprête à donner raison aux organisations de défense des droits de l'homme, qui réclament d'étendre le mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme dans le territoire. Le paragraphe 119 du rapport suggèrerait ainsi “l'établissement d'un mécanisme international effectif pour un contrôle soutenu, indépendant et impartial des droits de l'homme […] à travers une composante au sein de la Minurso ». Gdim Izik, Mustafa Salma Les événements survenus ces derniers mois semblent avoir pesé dans la décision du Haut-commissariat aux Droits de l'homme de l'ONU, à l'origine de cette recommandation. Côté Polisario, il y a bien sûr l'arrestation en septembre dernier de Mustafa Salma, empêché de militer à l'intérieur des camps de Tindouf en faveur du projet marocain d'autonomie. Côté marocain, les tragiques événements de Gdim Izik, en novembre dernier, succèdent à une longue liste d'abus et d'erreurs qui s'inscrivent en porte-à-faux par rapport au discours officiel qui vante la « démocratisation du royaume » (affaire Aminatou Haidar, emprisonnement de la bande à Tamek, répression des militants indépendantistes, etc.). Bien que le démantèlement du camp de Gdim Izik – et les émeutes qui ont suivi dans les rues de Laâyoune - ont provoqué la mort de 11 membres des forces de l'ordre marocaines, l'arrestation de centaines de sahraouis et de nombreux cas d'abus enregistrés, les responsabilités n'ont pas été clairement établies : aucune suite judiciaire n'a encore été donnée à l'enquête parlementaire mise en place par les autorités marocaines. Lors du démantèlement du camp, le Maroc avait imposé un blocus aux journalistes étrangers, aux ONG et au personnel de la Minurso basé à Laâyoune. Ce n'est que quelques jours plus tard que ce blocus a été levé. La position française fait débat Certains pays occidentaux comme le Royaume-Uni, dont les intérêts dans le royaume chérifien sont relativement faibles, sont déjà favorables depuis quelques années à une extension du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme. Option que le Maroc rejette catégoriquement. Grâce aux pressions de l'allié français, les autorités marocaines ont même réussi à faire supprimer toute référence aux « droits de l'homme » dans la résolution votée par l'ONU en avril dernier. « Depuis plusieurs années, à l'abri des portes closes du Conseil de sécurité de l'ONU, la France use du pouvoir de dissuasion que lui confère son droit de veto pour tenir les Nations unies à l'écart des questions touchant au respect des droits de l'homme dans le territoire annexé par son allié marocain en 1975 », explique Philippe Bolopion, directeur ONU de Human Rights Watch. Pourquoi s'opposer à un mécanisme onusien de surveillance qui permettrait pourtant de mieux contrôler aussi ce qui se passe à Tindouf ? "Les diplomates français se défendent en affirmant que la question des droits de l'homme est devenue un chiffon rouge pour le Maroc, qui y voit une ruse du Polisario et de son soutien officiel algérien, pour embarrasser le Royaume chérifien", poursuit Philippe Bolopion. .Dans un câble diplomatique envoyé de Paris en février 2010 et révélé par Wikileaks, les diplomates américains abordent la question du Sahara avec leurs homologues français. Ces derniers affirment qu' «aucune des parties n'a un réel intérêt à faire avancer le processus, à part les gens des camps et le Polisario : le Maroc semble satisfait du statu quo et l'Algérie profite de la situation pour critiquer violemment à la fois le Maroc et la France ». Concernant la Minurso, les diplomates français affirment avoir « expliqué à leurs homologues marocains l'importance d'entreprendre des réformes politiques en interne pour permettre à la France et aux amis du Maroc de s'opposer à l'extension du mandat de la Minurso ». Vu la déconfiture de la diplomatie française en Tunisie et l'action menée par Nicolas Sarkozy en Libye pour redorer le blason tricolore, la France pourra-t-elle se permettre cette année encore de bloquer l'extension du mandat de la Minurso ? Le Maroc, de son côté, continue son lobbying. Lors de sa dernière rencontre à New York avec Ban Ki Moon, Taieb Fassi Fihri a mis en avant le discours royal du 9 mars, mais aussi la mise en place de « nouvelles instances » comme le CNDH, le Médiateur et le délégué interministériel pour les droits de l'Homme. Cela sera-t-il suffisant ? Cette première version du rapport semble montrer que non. Mais les autorités marocaines persistent. Selon Matthew Russell Lee, le Maroc fait actuellement pression à New York pour modifier le rapport et faire supprimer le passage sur l'implantation d'un nouveau mécanisme de surveillance des droits de l'homme. Selon lui, Rabat souhaiterait le remplacer par une formule, radicalement différente, qui affirmerait simplement que l'ONU « salue l'engagement du Maroc à autoriser un accès libre aux Rapporteurs spéciaux du Conseil des Droits de l'homme de l'ONU »… Photo : des membres de la Minurso à Oum Dreyga, Sahara occidental - juin 2010. Crédit : UN - Martine Perret