Journée décisive en Egypte : plusieurs centaines de milliers de manifestants ont défilé mardi dans les rues du Caire et d'Alexandrie pour réclamer le départ du président égyptien. Pour l'ensemble de l'opposition, ce rassemblement massif sonne le glas de l'ère Moubarak. Les manifestants ont afflué ce mardi sur la Place Tahrir, dans le centre du Caire. Les slogans ont fusé avec fureur dans la foule : « Moubarak, pars en Arabie ou à Bahreïn ! », « On ne veut pas de toi ! », « Ta tête va tomber », « Révolution jusqu'à la victoire !». A l'origine de ce rassemblement massif, l'opposition avait appelé à « une marche d'un million » de personnes. La foule s'est rassemblée petit à petit à partir de l'aube. A la mi-journée, la chaîne Al Jazeera a annoncé que l'objectif d'un million était atteint et même dépassé, allant jusqu'à évoquer les deux millions de manifestants. D'autres agences de presse ont avancé des chiffres bien moindres, comme Reuters qui parlait de « plus de 200.000 personnes » réunies au Caire. A Alexandrie, deuxième ville du pays, des milliers de personnes sont également descendues dans les rues. L'armée a « facilité » la manifestation Les cris et pancartes des manifestants exprimaient une revendication unanime : le départ de Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans. Grâce à Google, la censure d'Internet a été contournée et les Egyptiens ont pu via des numéros de téléphone continuer à diffuser des messages sur Twitter. 50 organisations égyptiennes de défense des droits de l'Homme se sont jointes au mouvement, appelant mardi dans un communiqué le président Hosni Moubarak à « se retirer » pour éviter « un bain de sang ». Face à l'afflux des manifestants, le centre ville a été placé sous haute surveillance. Des hélicoptères ont survolé toute la journée les rues et l'armée s'est déployée pour contrôler les accès au centre ville. D'après Peter Bouckaert, un responsable de l'organisation Human Rights Watch, les routes et les lignes ferroviaires entre la capitale et Alexandrie ont été coupées par l'armée, pour éviter tout gonflement des cortèges des manifestations au Caire. Mais l'armée est sortie lundi de sa réserve, déclarant « légitimes » les revendications du peuple et s'engageant mardi à ne pas tirer sur les manifestants. Les soldats ne sont donc pas intervenus mardi pour disperser la foule, comme ils l'avaient fait vendredi dernier, usant de gaz lacrymogènes, matraques et canons à eau à l'encontre des manifestants. Selon une journaliste d'« Al Jazeera » présente sur la place Tahrir, les soldats ont ainsi « facilité » le déroulement de la manifestation. Suite aux violences des forces de l'ordre les jours précédents, le Haut commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme a déclaré mardi disposer d'informations faisant état de 300 morts lors des manifestations hostiles à Hosni Moubarak. La police inexistante Figure du mouvement d'opposition, Mohamed ElBaradeï s'est exprimé tout au long de la journée pour appuyer les revendications des manifestants. « Quand un régime retire complètement la police des rues du Caire, quand les casseurs font partie de la police secrète pour essayer de donner l'impression que sans Moubarak, le pays plongera dans le chaos, c'est un acte criminel (…). S'il veut sauver sa peau, il ferait mieux de partir », a-t-il estimé dans un entretien accordé mardi au quotidien The Independant. Sur la chaîne satellitaire Al Arabiya, l'opposant a déclaré que Hosni Moubarak devait quitter le pouvoir d'ici vendredi, baptisé « le jour du départ ». Pour l'ex-directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, rentré d'Autriche la semaine dernière, le départ de Moubarak du pouvoir est une condition préalable à l'ouverture d'un dialogue avec le gouvernement égyptien. Les opposants abondent dans ce sens. « Notre première exigence est le départ de Moubarak. Seulement après cela, un dialogue pourra débuter avec la hiérarchie militaire sur les détails d'un transfert pacifique du pouvoir », a déclaré Mohamed al Beltagi, ancien député des Frères musulmans. « Ecoutez les cris du peuple» Tandis que les manifestants affluaient pour réclamer le départ du Moubarak, plusieurs voix de la scène internationale se sont également exprimés, en solidarité avec le mouvement. Ainsi, le FMI s'est déclaré mardi matin prêt à aider l'Egypte. « Le FMI est prêt à aider à concevoir le type de politique économique qui pourrait être mise en place », a déclaré son directeur Dominique Strauss-Kahn. L'Iran a quant à lui exprimé son souhait de voir un régime islamique apparaître en Egypte. « Avec la région qui prend une nouvelle forme et l'évolution en cours, nous espérons voir naître un Moyen-Orient qui soit islamique et puissant, et en mesure de résister aux occupants sionistes », a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. De son côté, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré lors de son discours hebdomadaire devant les députés de son parti AKP, réunis au Parlement : « Ecoutez les cris du peuple et leurs revendications (…) Il vous faut satisfaire sans hésitations la volonté de changement provenant du peuple ». Il a souhaité que l'Egypte, un « pays de civilisations » puisse « satisfaire les revendications légitimes et compréhensibles » de son peuple. Le Haut commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme a déclaré mardi disposer d'informations faisant état de 300 morts lors des manifestations hostiles à Hosni Moubarak.