Après cinq mois de tensions, la crise libanaise a franchi un nouveau cap, avec la démission mercredi 12 janvier de onze ministres du gouvernement Hariri. Parmi eux, dix membres appartiennent à la coalition menée par le Hezbollah. Conformément aux dispositions de la Constitution, cette démission a entraîné la chute du gouvernement d'unité nationale, plongeant de nouveau le Liban dans une période de crise politique. Le chef de gouvernement, Saad Hariri, a appris la nouvelle alors qu'il était en entretien avec Barack Obama à la Maison Blanche. Il a décidé d'écourter sa visite, tout en maintenant son escale à Paris jeudi pour rencontrer le président Nicolas Sarkozy. Au lendemain de la chute du gouvernement, le président libanais Michel Sleimane a chargé le gouvernement de la gestion des affaires courantes, dans l'attente de la formation d'un nouveau gouvernement. La procédure prévoit la consultation par le président des groupes parlementaires afin de désigner un nouveau Premier ministre, pour succéder à Rafic Hariri, obligatoirement sunnite. La désignation d'un nouveau chef de gouvernement ne s'annonce pas évidente en raison des vives tensions, et la formation du gouvernement pourrait, en conséquence, prendre plusieurs mois. Cette démission collective faite suite à un ultimatum lancé par le Hezbollah et ses alliés. Selon Al-Manar, la télévision du parti chiite, une réunion aurait rassemblé mardi soir le président libanais Michel Sleimane et l'opposition, donnant 24h au gouvernement pour réunir un Conseil de ministres. Ils souhaitaient discuter «des moyens de contrer les effets de l'acte d'accusation» du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL). Le bras de fer autour du TSL A l'origine de cette démission des onze ministres, les tensions autour de l'enquête menée par le Tribunal Spécial pour le Liban, concernant le meurtre de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri le 14 février 2005. Le Hezbollah accuse le tribunal d'être «politisé», et son secrétaire général, Hassan Nasrallah, est allé jusqu'à accuser cette instance d'être «un instrument israélo-américain destiné à abattre la Résistance» anti-israélienne. Selon le Hezbollah, le TSL aurait basé son enquête sur de faux témoignages et aurait ignoré la piste israélienne. La campagne mené à l'encontre du tribunal s'explique par le fait que l'acte d'accusation du TSL pourrait viser des responsables du Hezbollah. Depuis de nombreux mois, le plus puissant mouvement armé au Liban fait donc pression pour éviter toute arrestation et pousser Saad Hariri à désavouer le Tribunal, avant la publication de l'acte d'accusation. L'issue de ce bras de fer a surpris. Les efforts de la Syrie et de l'Arabie Saoudite pour trouver une solution à la crise provoquée par le TSL ont échoué. Les deux pays tentaient depuis cinq mois de trouver un accord interlibanais, pour éviter des dérapages sécuritaires. «L'initiative syro-saoudienne a pris fin sans avoir abouti. Le Premier ministre (libanais) Saad Hariri n'ayant pas coopéré avec ces efforts, nous sommes arrivés à une impasse», a déclaré le chrétien Michel Aoun, principal allié du Hezbollah.