Le Premier ministre libanais, Fouad Siniora, a refusé la démission des cinq ministres chiites de son gouvernement, annonce un communiqué de son secrétariat, mais selon une source politique proche du Hezbollah, les ministres entendent maintenir leur démission. "Cela ne change rien", a dit cette source. Les cinq ministres chiites membres du Hezbollah et du mouvement Amal, son allié, avaient présenté leur démission le jour même après une semaine de discussions infructueuses avec le bloc antisyrien majoritaire, qui ne leur a pas accordé les places supplémentaires qu'ils réclamaient au sein du gouvernement. "Le Premier ministre annonce ce qui suit (...) Son rejet de la démission des ministres représentant le Amal et le Hezbollah (...) et déclare son vif désir de les voir poursuivre leur participation effective au gouvernement", dit le communiqué de Siniora. La démission des cinq ministres chiites ne devrait pas entraîner la chute du gouvernement, composé de 24 membres. Mais elle fragilise la position de la coalition antisyrienne, majoritaire sunnite, dans un pays dont le système politique est fondé sur un équilibre entre les différents courants religieux. Elle laisse en outre planer la menace de troubles en raison des avertissements lancés par le Hezbollah, qui avait promis d'organiser de vastes manifestations s'il n'obtenait pas gain de cause. "Afin de laisser la majorité agir à sa guise et de ne pas cautionner ce qui ne correspond pas à nos convictions (...) nous annonçons la démission de nos représentants au sein de l'actuel gouvernement", ont fait savoir le Hezbollah et Amal dans un communiqué commun publié à l'issue d'une quatrième rencontre en une semaine avec les autres formations politiques. Les deux mouvements pro-syriens affirment que la majorité antisyrienne a refusé de leur accorder davantage de poids au sein du gouvernement. Le Hezbollah, qui se présente comme le vainqueur de la guerre qui l'a opposé en juillet-août à Israël, exigeait d'obtenir avec ses alliés chiites un tiers des postes ministériels. "LES CHOSES VONT EMPIRER" Le mouvement chiite, proche de Damas, reproche au Premier ministre, Fouad Siniora, de l'avoir laissé seul face à Israël durant le conflit de l'été dernier. Il l'accuse en outre de relayer au Liban les appels américains et israéliens en faveur de son désarmement. Les Etats-Unis qualifient le Hezbollah d'organisation terroriste. Certains agitent désormais la menace de troubles. "Les choses vont empirer. Il y aura bientôt une initiative pour des manifestations", a-t-on déclaré de source politique proche du Hezbollah. "L'ambiance était très mauvaise lors de la réunion aujourd'hui. L'attitude de la majorité ne passera pas sans réaction." Les dirigeants antisyriens ont confirmé l'échec des consultations et rejeté les menaces de manifestations chiites. "Je ne sais pas qui répand ce climat de peur et de tension, comme si quelque chose était sur le point de se produire. Il ne va rien se passer", a affirmé Samir Geagea, chef des Forces libanaises, parti chrétien du bloc antisyrien. La coalition est prête à accepter l'entrée au gouvernement de Michel Aoun, chef de l'opposition chrétienne et allié du Hezbollah, mais pas à céder un tiers des sièges à l'opposition. Cette crise survient alors que le gouvernement doit examiner le projet de l'Onu sur la création d'un tribunal chargé de juger les auteurs de l'assassinat de Rafic Hariri. L'Onu a remis vendredi à Fouad Siniora un document précisant les contours de ce futur tribunal spécial et le Premier ministre entend soumettre ce projet à son gouvernement lundi. S'il est approuvé, il sera ensuite transmis au parlement. Le président pro-syrien Emile Lahoud s'oppose à cet examen par le gouvernement et réclame davantage de temps pour se pencher lui-même sur le document. Les projets soumis au gouvernement peuvent être bloqués par un tiers des ministres plus un, ce qui renverse automatiquement le cabinet. L'enquête de l'Onu sur l'assassinat d'Hariri, perpétré le 14 février 2005, a mis en cause des responsables des services de sécurité libanais et syriens. La Syrie dément toute implication dans la mort de l'ancien Premier ministre libanais. Soumise aux pressions d'une partie de la population libanaise et de la communauté internationale, elle a retiré l'ensemble de ses forces et de ses services de renseignement du Liban dans les semaines qui ont suivi l'assassinat d'Hariri.