Avec l'augmentation de capital de 900 millions de dirhams, Managem se lance dans un colossal plan d'investissements. De la gestion des risques aux perspectives de développement, Abdelaziz Abarro, le PDG de Managem, revient sur les grandes lignes qui font la force de la plus importante société minière au Maroc. Propos recueillis par Saâd A. Tazi A votre arrivée, on vous a présenté comme le sauveur de Managem, avec le recentrage sur les métaux les plus rentables (précieux, cobalt et cuivre) et la réduction des crédits à court terme… Mon arrivée est effectivement intervenue dans des circonstances exceptionnelles. Managem s'apprêtait à traverser une crise majeure suite a la découverte des sur-couvertures sur les métaux précieux initiées au début des années 2000, lesquelles ont gravement affecté et sur plusieurs années les fonds propres, les liquidités et la rentabilité de la société. Cette crise, de par son ampleur, a nécessité une réponse sur la durée. Et on peut dire aujourd'hui que Managem est en train de sortir du tunnel. S'agissant du recentrage sur certains métaux, il s'agissait d'une stratégie défensive pour répondre à la situation de crise. Aujourd'hui, cette stratégie est dépassée. Managem, grâce notamment aux nouvelles ressources financières qui seront mises à disposition par ses actionnaires, est dans un état d'esprit d'expansion et non de recentrage. Il entend être un acteur multi-métaux et multi-pays. La volatilité des marchés, de matières premières comme de change, nécessite un pilotage très précis et très réactif alors que le cycle d'exploitation est par définition long, puisqu'il peut s'étaler sur plusieurs années entre la prospection et l'exploitation. Comment concilier ces dimensions a priori contradictoires ? Le pilotage de nos activités sur le court et le long termes est basé sur une bonne gestion des risques qui sont inhérents à nos métiers. L'impact des fluctuations des cours et du taux de change est atténué par la mise en place d'une stratégies de couverture efficace et qui permet de sécuriser les cash flow futurs tout en laissant la possibilité de profiter des augmentations des cours. J'insiste sur le fait que désormais, en matière de couverture, la prudence est de mise pour ne jamais se retrouver dans la situation de sur-couverture qui a pénalisé le développement de Managem par le passé. Pourriez-vous partager avec les lecteurs du Soir échos votre bilan de l'année 2010 et votre vision de l'année 2011 ? L'année 2010 a été pour nous en nette amélioration par rapport à 2009. Managem a pu profiter du redressement des cours mais aussi de l'augmentation des productions, notamment pour l'argent et la fluorine. L'année 2011 devrait profiter de la tendance haussière des marchés, de l'allègement des engagements de couverture sur l'argent et du démarrage des projets Or au Gabon et Cobalt en République démocratique du Congo. Parmi les objectifs que vous vous étiez fixés, figure le doublement du chiffre d'affaires d'ici 2015. Où en êtes-vous et quelles sont les pistes retenues pour y arriver ? En 2010, nous avons lancé la construction de deux projets importants dans les métaux précieux qui vont permettre le renforcement significatif de nos capacités de production dans l'argent et l'or sur les deux prochaines années. D'autres projets sont en cours d'étude et permettront d'améliorer sensiblement nos productions sur le moyen terme. C'est le cas notamment pour le cuivre et le cobalt pour lesquels nous disposons d'importantes ressources au Maroc et en République démocratique du Congo. Les travaux de recherche engagés sur nos divers permis à l'international donnent déjà d'excellents résultats et viendront alimenter d'autres projets. Tout ceci nous permet d'être confiants quant à la réalisation de nos objectifs. Le champ d'action de Managem est très africain avec le Gabon, le Soudan, ou la RDC, la Tunisie et d'autres. Quelle est la part de l'international dans vos activités et comment gérez-vous les risques politiques ? A l'horizon 2015, Managem vise la réalisation d'au moins un tiers de son chiffre d'affaires à l'international. Le risque politique est pris en compte à la fois par une stratégie de diversification des substances et par la présence dans plusieurs pays. Mais dans tout investissement, plus le risque est élevé, plus le retour est élevé. Vous avez annoncé une augmentation importante de votre capital. Comment s'organise-t-elle ? A quoi va-t-elle servir ? La nouvelle augmentation de capital servira à renforcer la structure financière de Managem pour lui permettre de réaliser son important plan de développement. Les investissements prévus pour les trois prochaines années dépassent les 5 milliards de dirhams et permettront d'augmenter sensiblement nos productions de métaux précieux, de cuivre et de cobalt à partir des projets qui vont être lancés au Maroc et à l'international. L'avenir de Managem est désormais devant lui. Comment va-t-être établi le prix d'émission des nouvelles actions ? Quelle est la part réservée aux salariés ? Nous avons mandaté une banque d'affaires qui travaille sur l'opération. Les modalités d'émission des nouvelles actions ainsi que la part réservée aux salariés sont en cours d'étude et seront communiquées après leurs validations par les instances réglementaires. La part réservée aux salariés entre dans un plan d'intéressement et de motivation des ressources humaines pour réaliser le plan de développement. Comment s'inscrit cette opération dans la stratégie du nouvel ensemble issu de la fusion SNI-ONA ? Le contrôle de Managem est-il sensé être cédé en bourse à l'image de ce qui est annoncé pour les sociétés agro-alimentaires ? L'augmentation de capital de Managem, à laquelle participera SNI qui détient plus de 3/4 du capital, s'inscrit parfaitement dans la nouvelle stratégie. En effet, il existe trois types de sociétés dans le portefeuille du holding unifié : les sociétés matures qui ont atteint leur vitesse de croisière depuis déjà quelques années dont le contrôle est sensé être cédé sur le marché à court terme, les sociétés en croissance dont le contrôle est sensé être cédé à moyen terme et les sociétés ou projets en incubation, pour lesquels le désengagement ne peut intervenir qu'à plus long terme. Dans la première catégorie, on peut ranger Cosumar, Lesieur et Centrale Laitière. Dans la troisième catégorie, on compte des sociétés comme Wana et Nareva. Managem appartient plutôt à la catégorie intermédiaire. C'est une société mature par son savoir-faire, son expérience et son organisation. Mais c'est une société qui a besoin du soutien stratégique et financier de ses actionnaires majoritaires pour atteindre la taille critique dans son marché, qui n'est autre que le marché mondial, qui devient de plus en plus oligopolistique avec une concentration de plus en plus importante des acteurs. La cession en bourse du contrôle de Managem n'est donc pas prévue tout de suite mais est envisagée à moyen terme, dès lors que Managem commencera à récolter les fruits de son ambitieux et colossal programme d'investissement. Où s'arrête l'activité de Managem ? Est-il envisagé de raffiner l'or que vous produisez par exemple ou de réaliser des produits finis à partir du cobalt ? Les métaux précieux produits par Managem sont actuellement à un stade raffiné. L'or et l'argent sont vendus sous forme de lingots pouvant titrer jusqu'à 99%. Le cobalt est aussi produit à un stade très avancé, soit sous forme de cathodes métal soit sous forme de dérivés à forte valeur ajoutée. Les procédés développés par notre centre de recherches nous permettent d'étendre la chaîne des valeurs de nos produits, de valoriser les «by products» et même les rejets de nos exploitations. Quelle est la part de la R&D, de la prospection et de l'exploitation dans vos activités ? La Recherche et Développement, minière ou industrielle, est indispensable pour le développement et la compétitivité de nos activités. Nous lui consacrons des budgets conséquents représentant une bonne part de notre chiffre d'affaires. Sur le plan environnemental, l'activité minière implique le recours au cyanure par exemple et a un impact important sur l'environnement. Comment conciliez-vous le positionnement de votre groupe de référence sur ces questions et la réalité quotidienne de votre activité ? Les aspects environnementaux sont gérés dans le cadre de notre politique de développement durable. Ils sont intégrés dans tous nos projets dès leur phase de conception, notamment par la systématisation des études d'impact mais aussi pendant la phase d'exploitation par un suivi rigoureux et continu des différents risques. Toujours sur le même registre, Managem est membre du programme Injaz, pourriez-vous nous dire quelle est votre contribution à ce titre ? Nous participons à travers ce programme au renforcement du système éducatif de notre pays par un effort financier mais aussi par un encadrement des jeunes scolarisés avec la participation des cadres Managem au programme de formation. Vous aviez annoncé un partenariat avec les artisans qui travaillent l'argent, dans la région de Tiznit. Où en est ce projet et est-il décliné à d'autres métaux ou d'autres secteurs ? La convention que nous avions signée avec les artisans de Tiznit pour les approvisionner en argent est toujours d'actualité, nous sommes en contact avec le département de l'Artisanat pour essayer de la redynamiser. Nous sommes évidemment ouverts pour apporter notre aide à d'autres partenariats pouvant concerner d'autres métaux. Pour conclure, quels sont les points forts de Managem ? C'est d'abord la qualité et la compétence de nos ressources humaines, notre savoir-faire et le potentiel de notre portefeuille de ressources minières.