Le Conseil supérieur de la magistrature a décidé la révocation des deux magistrats Jaâfar Hassoune et Mohamed Amghar. Le Conseil, siégeant comme conseil de discipline lors de sa séance du lundi 6 décembre, a décidé la révocation, sans suspension des droits à pension, des deux magistrats ayant «commis des faits graves portant atteinte à l'honneur, à la probité et à la dignité», selon le communiqué du conseil. Lundi dernier, la défense du juge Hassoune s'est retirée de la séance du Conseil supérieur de la magistrature qui examinait la suspension de ce dernier. Selon Me Abderrahim Jamaï, un des avocats de Hassoune : «Le ministre de la Justice avait refusé à la défense d'avoir une copie des dossiers de l'affaire. Nous avons décidé de nous retirer, puisqu'il n'y a plus garantie d'un jugement équitable». Jeudi dernier, le juge Jaâfar Hassoune et la défense avaient tenu une conférence de presse à Rabat pour expliquer les motifs de ce retrait. Apparemment, les dés étaient jetés. Selon une source proche du dossier, la révocation courait déjà dans le milieu, Mohamed Naciri avait fait du cas Hassoune sa propre affaire. Selon le comité de défense de Hassoune : «Cette révocation est un message de menace envers les autres magistrats qui ont vu un de leurs pairs élu sanctionné d'une façon humiliante». Au lendemain de sa révocation, les commentaires se sont multipliés, certains avancent que selon Jaâfar Hassoune qui milite pour l'indépendance de la justice avait fait les frais de certains jugements du tribunal administratif de Marrakech. L'affaire la plus médiatisée a été celle du maire de Marrakech Fatima-Zohra Mansouri (du PAM) dont le siège avait été invalidé par ce tribunal. Un autre jugement était relatif à l'annulation d'une décision du ministère de l'Intérieur pour la fermeture de Dar Al Coraâne du Cheikh Mghraoui à Marrakech. La décision de révocation du magistrat par le ministre de la Justice s'est basée sur l'article 62 de la loi du 13 novembre 1974 formant statut de la magistrature stipulant qu'un juge peut être suspendu en cas de poursuite pénale et pour faute grave. Cet argument a été contesté par la défense du juge Hassoune, composée de plusieurs bâtonniers dont celui de Rabat, Mohamed Akdim. Pour la défense, cet article n'est pas applicable dans le cas des juges élus par leurs pairs au Conseil supérieur de la magistrature. L'affaire remonte au 19 août dernier, lorsque Mohamed Naciri, ministre de la Justice, avait ordonné la suspension de deux magistrats Jaâfar Hassoune, président du tribunal administratif de Marrakech, et Mohamed Amghar, adjoint du procureur du Roi à Ifrane, tous deux membres du Conseil supérieur de la magistrature. En même temps, le ministre les avait déférés à ce Conseil, en tant qu'organe disciplinaire, afin qu'il soit statué sur des reproches qui leur sont faits d'avoir divulgué certains des travaux de la dernière session dudit Conseil. Jaâfar Hassoune est un magistrat d'une bonne réputation. Membre élu du Conseil supérieur de la magistrature et fondateur de l'Association marocaine pour la défense de l'indépendance de la magistrature (AMDIM), il a été, en 2004, le premier à s'élever contre la décision de déférer devant la Cour spéciale de justice des magistrats soupçonnés de corruption et de liens avec le trafiquant de drogue Mounir Erramach, sans bénéficier des procédures spéciales liées à leur statut qui leur accorde la «prééminence judiciaire». Jaâfar Hassoune avait été suspendu à l'époque mais réintégré sur décision du ministre après de vives réactions. Hassoune est aussi un magistrat qui a son point de vue sur la réforme de la justice et il exprime publiquement ses idées via les médias en donnant des interviews, contrairement à la politique du ministère de la Justice qui a toujours été hostile à l'ouverture sur la presse.