Dans ce deuxième volet de l'entretien, Michel Petit évoque les difficultés liées aux perspectives du développement agricole sur le continent africain. La gestion de la flambée des prix, tout comme la mise en place d'une révolution verte en Afrique, appellent à repenser les modèles agricoles de façon plus globale. Dans le premier volet de l'entretien accordé au Soir échos, publié hier, Michel Petit évoquait la complexité du financement agricole sur le continent africain. Si plusieurs initiatives, dont les systèmes de crédit agricole et le micro-crédit, ont été mises en place, cet ancien cadre de la Banque Mondiale insistait sur l'insuffisante volonté politique des gouvernements africains, et sur la nécessité d'évoluer vers un partenariat public-privé pour le financement agricole. Les produits agricoles sont sujets à des flambées de prix importantes, comme en 2008 où la volatilité des prix a créé des émeutes en Afrique. Quels instruments de gestion peuvent être mis en œuvre pour pallier ce genre de situation ? C'est un sujet difficile et controversé. Ce qui est clair, c'est que les fondamentaux économiques sont tels que les prix agricoles sont sujets à la volatilité. Tant l'offre que la demande sont inélastiques. Des variations de prix amènent peu de variations de quantité : c'est cela la grande difficulté théorique. Les pays du Maghreb ont tout de même géré la crise de façon remarquable. Dans une étude réalisée avec l'Agence française de développement (AFD), comparant le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et l'Egypte, on voit que les décisions prises par les uns et les autres ont essayé d'atténuer la volatilité des prix sur les marchés nationaux, avec des instruments divers. Les Algériens ont fait des stocks, ils ont beaucoup acheté à l'extérieur, à des coûts peu élevés. Le Maroc a suspendu les taxes à l'importation du blé jusqu'à fin décembre, ce qui a atténué les prix pour les consommateurs. La gestion des outils de stabilisation sont des arbitrages difficiles, entre court et long termes, entre intérêts des consommateurs et des producteurs. Peut-on envisager de régler ces questions sur un plan national, ou faudrait-il se diriger vers une gestion plus globale, au niveau régional ou international ? L'abitrage national est déjà très difficile. Pour un niveau régional, le consensus sur ce qu'il faut faire est très dur à obtenir. Dans le cas du Maroc et de l'Algérie, la probabilité d'un accord est très faible, étant donné que les frontières entre les deux pays sont fermées (depuis 1994, ndlr). Sur le plan international, les controverses sont très vives. Je sais que le gouvernement français, qui doit prendre la tête du G8 et G20 dès le mois de novembre (le 12 novembre pour le G20 et début janvier 2011 pour le G8, ndlr), voudrait mettre cette question à l'ordre du jour. Mais cela ne signifie pas qu'on arrive à un consensus international. Il faut des décisions politiques, qui ne peuvent être prises qu'au niveau national, pour aller vers des accords intergouvernementaux. Intellectuellement, cela a du sens de réguler internationalement, mais il faut un accord politique. Le projet d'une Révolution verte en Afrique vous paraît-il pertinent ? L'organisation de l'AGRF (Forum pour une révolution verte en Afrique), a amené des débats importants. Si la « Révolution verte » est un peu un slogan, elle représente néanmoins une réalité, notamment en Asie, et dans une moindre mesure en Amérique Latine. Elle a amené une augmentation des rendements à l'hectare, grâce à des variétés améliorées et aux intrants chimiques. Une telle révolution verte ne s'est pas faite en Afrique. Avant mes récents déplacements au Mali et au Burkina, j'étais sceptique sur cette orientation, mais maintenant je suis assez séduit. Je pense que pour une agriculture de subsistance, dans les pays au sud du Sahara où les producteurs ont des moyens limités, l'amélioration des semences et l'adaptation aux conditions locales sont des outils d'intensification de l'agriculture petitinents. En Afrique du Nord, on ne pourra pas augmenter la production agricole pour nourrir une population croissante sans une augmentation de la productivité de la terre. En Asie notamment, l'augmentation des rendements permise par la révolution verte s'est faite au détriment de certaines questions environnementales. Etait-ce inévitable ? Augmenter la productivité implique l'utilisation d'intrants modernes. Ceci dit, cela ne signifie pas que les soucis environnementaux soient mineurs. Il faut trouver une agriculture plus intensive et durable avec plus de savoir-faire et d'intelligence. Les investissements sont insuffisants dans la recherche agronomique. Notre seul espoir est une agriculture plus intelligente. Il ne faut pas revenir en arrière, arrêter les produits chimiques et revenir sur l'intensification. En France, on a eu le productivisme et les excès du productivisme, ce qu'il faut corriger. Si on jette le bébé avec l'eau du bain, on fera une grosse erreur. Quelle place peut avoir l'agriculture biologique en Afrique ? Une place de niche pour des marchés bien spécifiques. Pour ce qui est de l'Afrique, au Sud du sahara, une bonne partie de l'agriculture est biologique dans la mesure où les quantités d'intrants chimiques sont très très faibles. La question pour ces pays-là est plus une question d'intensification de la production. « Les investissements sont insuffisants dans le domaine de la recherche agronomique »