Le traité de Fès de 1912 privait le Maroc de son armée. Aussi, très tôt, après le 2 mars, la nécessité de constituer une armée nationale devient une priorité du nouvel Etat. L'un des problèmes les plus délicats consiste en l'incorporation des éléments de l'Armée de Libération, née officiellement le 2 octobre 1955, et qui s'est fixé comme objectif de chasser les Français de tout le Maghreb. Guy Delanoë: « Dans la nuit du 1er au 2 octobre 1955, la « frontière » hispano-française est franchie par des commandos munis d'armes automatiques. Boured enlevé, Bouzineb enflammé, Tizi-Ouzli encerclé, le poste de Berkine en grande partie détruit, Immouzer des Marmouchas est envahi, le chef de poste tué, le magasin d'armes vidé…» Une campagne psychologique pousse les Marocains servant dans l'armée française à déserter. Stéphane Bernard : « Entre 1953 et 1956, les forces françaises du Maroc furent progressivement portée de 45.800 hommes à 105.900 hommes, ce qui représente 60.000 hommes de renforts. Les goums étaient particulièrement adaptés à la lutte contre les commandos de l'AL. La débandade des goums en 1955-1956 amputa, en pleine action, l'armée française du quart de ses meilleures formations de combat. 10.000 goums étaient en effet en ligne à l'époque, en bordure du Rif, où ils appuyaient 30.000 soldats français». Un combattant de l'AL Son nom : Mellal Kadi. Il est né en 1915, à Ksar Zénaga, Figuig. Niveau d'instruction : CM 1. En juin 1951, il est à Casablanca où il trouve du travail comme soudeur dans une société américaine «Atlas Construction», qui dispose d'un stock d'explosifs. Il peut dérober de la dynamite, du TNT, des mèches, des détonateurs. Un peu plus tard, c'est le départ pour la zone Nord. A la tête du Comité de la Résistance et de l'Armée de Libération, basé à Tétouan : Abdelkrim Khatib. Les armes sont rares : consigne est donnée de se fournir chez l'ennemi. C'est l'une des préoccupations majeures des combattants. Un peu plus tard, Mellal est nommé chef du secteur de Mezguiten. Son adjoint, un retraité de l'armée française, le sergent Hassan. Le secteur s'anime et les escarmouches se multiplient. De 26 hommes, au départ, le groupe atteint 500 combattants. Les anciens d'Indochine sont les plus entreprenants. Le 20 mars 1956, à Guercif, il retrouve Abbas Messaâdi et Abdellah Senhaji, les responsables militaires de l'Armée de Libération. Il est invité à accompagner le groupe de trente hommes qui vont être présentés au Sultan Sidi Mohamed ben Youssef, à Rabat. Intenses débats Après la signature du communiqué conjoint maroco-français du 2 mars, et avant le voyage de Sidi Mohamed à Madrid, le 4 avril, une réunion importante s'est tenue dans la capitale espagnole, du 14 au 16 mars 1956. Y participent: Allal el Fassi, Abdelkrim Khatib, Abbas Messaâdi , Abdellah Senhaji, Mehdi Ben Barka, Mohamed Basri, Hassan Saffidine. La réunion se tient au domicile de Abdelkbir al Fassi. Ordre du jour : mettre fin à l'action de l'AL dans le Rif : discuter de la formation de l'armée nationale. Ce que voudrait Allal el Fassi, c'est obtenir l'arrêt complet des actions de résistance, aussi bien dans les agglomérations urbaines que dans la montagne. Le 18 mars à Tanger, Allal el Fassi soutient publiquement les appels lancés par Sidi Mohamed à l'arrêt complet des opérations militaires. Le 28 du mois, dans un communiqué, le Haut commandement de la Résistance et de l'Armée de libération affirme avec force que nul n'a le droit de s'exprimer en son nom. Dans le dernier paragraphe, il précise néanmoins : « En attendant qu'apparaissent clairement les intentions de la France, le commandement de l'AL, en accord avec la résistance, décide, déférant en cela aux vœux de SM le roi, l'arrêt provisoire des opérations, jusqu'à la récupération totale de la souveraineté nationale, sans condition.» 19 mars : Conférence de presse de Allal el Fassi, à Tanger, en présence de Ahmed Balafrej, Abdelkhaleq Torrès et Mehdi Ben Barka. A une question à propos de la guerre dans le Rif, Allal el Fassi a répondu : « Je peux vous réaffirmer que l'appel de Sa Majesté sera entendu et que les combats cesseront dans un avenir très proche ». 21 mars : A Casablanca, des tracts, attribués à l'AL, ont été distribués, qui disent que « l'AL a achevé sa mission le 7 mars dernier dans le Moyen Atlas et le Rif. Mais elle est en mesure de reprendre immédiatement la lutte si les promesses faites au peuple marocain n'étaient pas tenues ». 31 mars : Arrivée à Rabat du groupement des Bani Ourayine qui ont participé aux combats dans le secteur de Tizi Ouzli. Arrivés au palais royal à 10 heures du matin, une trentaine de responsables ont été reçus par le chef du cabinet militaire de SM pendant une heure. Ils étaient habillés de djellabas rifaines rayées de noir et portaient leurs armes. Le souverain les a reçus à 11 heurs 30 dans la salle du Trône. Ils ont été rejoints par le prince Moulay Hassan. L'audience a duré une demi-heure. Ensuite, journalistes et photographes ont été autorisés à pénétrer dans la salle ; des photographies ont été prises, Sidi Mohamed ben Youssef portant sa djellaba du vendredi, Moulay Hassan appuyé sur l'épée qui venait de lui être offerte, et, près de lui, la mitraillette offerte au souverain.