De la vision 2010 à celle de 2020 pour le tourisme national, le Maroc est-il aujourd'hui dans une approche plus qualitative ? Absolument ! La plus grande richesse du Maroc est sa diversité, pas seulement géographique, mais aussi culturelle, historique que n'ont pas nos concurrents dans la région. Je sais que tous les Marocains sont conscients de ces atouts mais il est temps de les valoriser. C'est dans ce sens-là que se développe la vision 2020. A notre époque, les mentalités des touristes ont changé : ils ne se contentent plus d'aller sur une plage pour bronzer ! Ils sont de plus en plus intéressés par l'histoire, l'authenticité, le patrimoine, mais aussi le développement durable et veulent découvrir la culture du pays et surtout vivre une riche expérience. C'est pour cela, d'ailleurs, que nous avons sillonné le pays pour faire une étude, sur le terrain, de toutes les potentialités du royaume. Nous avons répertorié, par photos et par film, toutes les oasis, les kasbahs, les montagnes et les vallées, les plages, etc. Pour vous donner un chiffre, nous avons recensé quelque 1.500 ressources touristiques, dont plus de 1.200 encore inexploitées. Ceci qui montre que le potentiel est encore énorme. Pouvez-vous, en quelques mots, rapprocher nos lecteurs de la vision 2020 ? Le concept principal de la stratégie 2020 sort la régionalisation et le développement territorial. Un travail de concertation a été entamé avec les différentes régions, afin de valoriser les potentialités de chacune d'entre elles. D'où la caravane du tourisme qui a pour but de se déplacer dans les 16 régions du Maroc. Notre but est que cette stratégie nationale se décline, au final, par régions et que chaque citoyen marocain se l'approprie. Sur le long terme, l'idéal serait de converger vers un système où chaque région gérerait ses affaires par elle-même, de la promotion à l'exécution des projets. Qui pourrait mieux «vendre» une région que ses habitants ? Quel bilan faites-vous aujourd'hui de l'opération Kounouz Biladi ? Kounouz Biladi a pour premier objectif de relancer le tourisme interne. Nous ne sommes qu'au début du programme et donc, il est en constante amélioration. A titre d'exemple, ce concept a permis l'année dernière de booker 4.000 chambres, ce qui a généré une augmentation de plus de 10% sur les nuitées du marché local. C'est beaucoup, mais ce n'est pas suffisant ! Nous sommes dans une phase d'amélioration de l'offre Kounouz Biladi. Je suis cependant conscient des réalités économiques qui limitent le concept. L'offre n'est pas suffisante par rapport à la demande locale : nous travaillons actuellement avec les hôteliers pour faire évoluer ce concept de la manière la plus efficace possible. Il est clair que pendant les hautes saisons des réductions à hauteur de 50% pourraient être perçues contraignantes par les hôteliers, mais il est important pour eux de fonctionner dans un esprit de fidélisation sur le long terme. Le marché local est un marché très important et représente un matelas financier solide qui permet aux hôteliers de ne plus dépendre de la conjoncture internationale. Et comme vous le savez, le marché local cumule 23% de l'ensemble des nuitées. C'est un marché qui a le potentiel pour représenter plus de 40%. Pour les deux projets de Bouregreg et de l'Oukaimden, il n'a jamais été précisé si c'était la partie marocaine ou la partie étrangère qui avait décidé de rompre le deal ? Ce que je peux vous dire sur le Bouregreg, c'est que l'agence fait un excellent travail et que le groupe Sama Dubaï ne se porte pas bien du tout. Tous leurs projets, y compris au niveau de Dubaï, sont en stand-by. Le groupe a été sérieusement touché par la crise. Mais finalement, le projet a redémarré sur une bonne dynamique et il est en pleine restructuration. Quant à Emaar pour le projet de l'Oukaimden, je trouve personnellement que c'est un projet unique en son genre et très important pour notre pays : l'offre «Skier en Afrique» positionnera le Maroc dans la diversité que nous avons déjà et que les autres n'ont pas. C'est un projet qui effectivement traîne pour des raisons financières, puisque le groupe Emaar, lui aussi, a été touché par la crise. Mais c'est un projet qui nous tient à cœur et nous n'allons pas baisser les bras. Le groupe a des difficultés, mais il est toujours là ! D'ailleurs, nous avons relancé le projet afin de trouver, avec Emaar, la possibilité de le restructurer et éventuellement de faire intervenir d'autres investisseurs. Concernant le volet ressources humaines, les professionnels se plaignent du décalage entre le rythme soutenu de développement des projets touristiques et la formation qui ne suit pas. Il est clair que nous avons encore besoin de faire des efforts sur ce chapitre. La formation est un point-clé pour le secteur et nous devons tous investir dans ce volet. Aujourd'hui, nous sommes en train de négocier des partenariats avec des instituts de très haut niveau, comme par exemple, l'Institut Lausanne pour l'ISITT dont l'ouverture sera bientôt annoncée. Ou encore avec d'autres instituts en France et au Canada. Notre idée est de réaliser une ouverture sur l'expertise internationale. C'est un secteur où on ne peut pas être chauvin, où nous avons besoin d'apprendre des autres. Maintenant, le ministère ne peut pas tout faire et le privé a aussi son rôle à jouer. Prenez le cas du groupe ACCOR, par exemple : aujourd'hui, il possède sa propre académie de formation et chaque fois que le management du groupe juge qu'il existe des lacunes à combler, il ouvre des sessions de formation à son personnel. Les instituts de tourisme ne peuvent pas «produire» des lauréats 100% professionnels. Ce sont des étudiants ayant appris essentiellement des connaissances théoriques. C'est à l'hôtelier d'offrir des stages à ces derniers, de les prendre en main ! Il est très important de valoriser nos compétences, parce que beaucoup partent à la recherche d'autres horizons, dans les pays du Golfe ou même en Asie. Ces potentialités, nous voulons les garder et pour cela, il faut bien les traiter. Il faudrait que l'on réussisse à acquérir la culture de la reconnaissance et de l'effort. Et c'est par cette manière que l'on pourra empêcher ces personnes de partir. Avez-vous reçu un mémo de l'ANIT. Allez-vous traiter leur doléance de concert avec la Fédération ? D'abord, notre département procède avec la logique du dialogue ouvert et continu avec tous les professionnels du secteur, tous. Je pense que la présence de tout le monde est justifiée. Mais ce qui est clair, c'est que toute nouvelle association, n'importe laquelle, que ce soit l'ANIT ou autre, devrait faire partie de la CGEM et de la fédération du tourisme. Nous, en tant que ministère, nous ne discuterons qu'avec des personnes qui s'inscrivent dans le cadre actuel : il existe une structure où des personnes ont été élues. Elles représentent la profession et il faut donc travailler avec elles. Je ne veux privilégier personne. D'ailleurs, je le dis et je le répète : toutes les associations devaient fonctionner sous la houlette de la CGEM et si quelqu'un a l'intention de ne pas accepter cette réalité, il ne pourra pas être notre interlocuteur. Sur le plan politique, qu'est-ce qui vous a motivé à rallier la bannière du RNI une fois nommé ministre ? Cet engagement est-il d'ailleurs définitif ? Je ne pourrais prétendre avoir une longue histoire en tant que militant politique. Certains pensent que le fait de ne pas être enrôlé sous la bannière d'un parti signifie systématiquement qu'on ne fait pas de la politique. C'est faux ! Je pense que beaucoup sont les citoyens qui font aujourd'hui de la politique, «beaucoup mieux» que des personnes qui «pensent faire» de la politique au sein des partis. Pour ce qui est du RNI (Rassemblement national des indépendants, ndlr), je m'estime très content d'appartenir à ce parti, parce qu'il partage ma manière de voir les choses et que son président, Salaheddine Mezouar, est un homme de terrain qui tend à changer les choses, de manière concrète et pas seulement par des discours. Dans le bras de fer qui opposait, il y a quelques mois, Mustapha Mansouri à Mezouar, qu'est-ce qui vous a poussé à prendre parti pour ce dernier ? J'avais effectivement choisi à l'époque la personne et la partie qui m'ont le plus convaincu. J'ai eu une longue discussion avec Mezouar, au cours de laquelle d'ailleurs je lui avais demandé sa vision des choses. Il m'avait alors exposé son programme et ses ambitions, lesquels correspondent parfaitement aux miens. C'est un bon manager et à mon avis, il a toutes les possibilités d'aller jusqu'au bout de ses idées. propos recueillis par nadia rabbaâ et mohamed jaâbouk Bio express 1970 : Naissance à Tanger 1995 : Ingénieur financier chez la Société Générale à Paris. 2010 : le 4 janvier, Y. Zenagui est nommé au poste de ministre puis rejoint les rangs du parti du Rassemblement national des indépendants (RNI).