L'Office européen des brevets apporte un élément de réponse. Grâce à sa base de données, le Maroc pourrait sélectionner ses partenaires technologiques en fonction des spécificités des projets et de chaque type de technologie. Aquelques semaines de la sélection du consortium adjudicataire de l'appel d'offres international de l'Agence marocaine de l'énergie solaire (MASEN), le pays ne sait plus où donner de la tête face au soudain intérêt pour la chose écologique. Les tentations sont nombreuses pour les pays occidentaux, pour qui le Maroc suscite un grand intérêt énergétique et stratégique. Sur la scène internationale, chaque grand pays fait valoir ses arguments et avance ses pions autour de méga-projets structurants, que ce soit Transgreen pour la France ou encore Desertec pour l'Allemagne. Et ce afin de fédérer autour de lui des pays partenaires financiers et/ou fournisseurs de sources d'énergie, afin de s'ériger en tant que nouveau référent dans un monde à venir, celui du «zero carbone». C'est dans ce contexte, que le Maroc devra faire des choix qui l'engageront pour les prochaines décennies. C'est donc le moment pour les autorités d'étudier, en fonction de la morphologie de notre relief, de l'évolution de notre climat, des changements de nos modes de consommation et de chacune des sources possibles d'énergie, l'intérêt de telle ou telle technologie, en prenant en compte les critères les plus objectifs possibles. Et donc les pays le plus aptes, techniquement, à nous apporter quelque chose. La capacité d'innovation technologique et la possibilité d'apporter des réponses personnalisées aux besoins de notre pays sont des critères essentiels. En cela, il est important de bien cerner les capacités réels des futurs pays partenaires dans le secteurs des énergies renouvelables. Le nombre de demandes de brevets est en cela un indicateur fiable. Grâce aux examinateurs de l'Office européens des brevets (OEB), l'Europe dispose d'une base de données statistiques classifiant les tendances en matière de brevet dans le domaine des énergies propres. En bref, cette base de données permet de savoir quel pays brevète quoi et pour quelle énergie verte. Ainsi l'année dernière, l'OEB a enregistré 1.259 demandes de brevets dans l'éolien, l'hydraulique, le photovoltaïque, l'énergie thermique, solaire et la biomasse, soit une évolution de quasiment 30% par rapport à 2008. En se penchant plus en détails sur les positions de chaque pays, on remarque sans surprise que les pays du Nord de l'Europe ainsi que l'Espagne sont les leaders en matière de brevets. Les demandes de brevets européens en chiffres Eolien En 2009, les brevets dans le domaine de l'énergie éolienne ont augmenté de 51% pour atteindre le chiffre de 432 demandes. 70% de ces demandes proviennent d'Allemagne et du Danemark. Fait intéressant : un tiers de ces demandes proviennent de General Electric. Photovoltaïque En 2009, 363 demandes de brevets ont été déposées, soit 10% de plus que l'année précédente. Ce sont les japonais les plus présents sur ce secteur avec plus de la moitié des demandes ; les principaux demandeurs étaient Sanyo, Sharp, Micron Technology et Sony. Hydraulique 116 demandes de brevet européen portant sur l'énergie hydraulique ont été déposées en 2009. Ce nombre, bien que peu important, connaît une augmentation progressive depuis cinq ans. Il a, en effet, cru de 26% l'année dernière. La moitié des demandes reçues en 2009 venaient du Royaume-Uni, d'Allemagne, d'Espagne, d'Irlande et de Norvège. Openhydro était le principal demandeur. Biomasse 149 demandes de brevet européen portant sur la biomasse en tant que source d'énergie renouvelable ont été déposées en 2009, soit une augmentation de 6%. Près de la moitié des demandes reçues l'an dernier proviennent d'Allemagne et des Pays-Bas. C'est Shell et l'Institut français du pétrole qui en sont les principaux demandeurs. Solaire et thermique En 2009, le nombre de demandes relatives à l'énergie solaire thermique a augmenté de près de 40%, soit 199 demandes de brevet. L'Europe est à la pointe dans ce domaine, puisqu'un tiers des demandes a été déposé par des entreprises allemandes et principalement par Bosch. Interview : Rachid Benchrifa, Unité des Technologies et Economie des Energies Renouvelables (TEER) Le Maroc recèle à cet effet d'importantes ressources énergétiques renouvelables La création de l'unité des Technologies et économie des énergies renouvelables (TEER) du CNRST (Centre nationale pour la recherche scientifique et technique) date de 1995 et cherchait à contribuer au renforcement du développement des technologies utilisant les énergies renouvelables dans notre pays. Quels sont vos axes de recherche actuels? Avez-vous eu des résultats concrets? L'unité TEER mène des activités de recherche multidisciplinaires autour de deux domaines phares et dont les enjeux pour le Maroc restent considérables, ce sont l'énergie et l'eau. Les thématiques de recherche de l'unité sont les technologies thermosolaires et les technologies de dessalement solaire de l'eau de mer, les technologies éoliennes, les technologies de l'hydrogène et l'aspect socio-économique. Concernant des résultats concrets, il convient de noter le nombre important de publications, de communications et de conférences à des manifestations nationales et internationales, l'organisation des rencontres scientifiques dans le domaine de l'énergie et de l'eau, avec la diffusion depuis 2007 d'une lettre d'information mensuelle dans le domaine. Toutes ces actions ont permis d'assembler un cumul d'informations, de formations et d'expériences. En collaboration avec nos partenaires, nous sommes arrivés à créer une synergie entre les différentes compétences et à enrichir davantage les activités de recherche scientifiques au sein d'un réseau de compétences. Disposez-vous de partenaires externes : homologues à l'étranger partenaires industriels? Depuis sa création, l'unité a tissé des liens de coopération avec plusieurs institutions et laboratoires internationaux et nationaux, notamment le département de l'Energie du ministère de l'Energie et des mines, l'ADEREE et des établissements de l'enseignement supérieur à Rabat, Casablanca, Mohammedia, Fès, Tétouan et autres. Vos travaux sont-ils relayés au sein des organismes tels l'ADEREE et la MASEN afin d'éclairer leurs prises de décision? Le CNRST, à travers les activités de l'unité TEER, veille à associer le ministère de l'Energie, des mines de l'eau et de l'environnement et notamment l'ADEREE, dans ses projets dans le domaine. La nouvelle agence MASEN, porteuse d'un des plus ambitieux projets solaires dans la région, doit contribuer en associant le secteur de recherche à la création des infrastructures nécessaires pour la R&D, surtout qu'on vise par ce projet l'exportation de l'électricité vers l'Europe et cela ne peut être réalisé qu'avec une bonne formation pour nos futurs cadres qui doivent maîtriser les technologies solaires et par l'investissement dans une recherche scientifique ciblée. Le Maroc gagnerait-il à développer des technologies spécifiques? Dans quels domaines? Comment? La situation a, aujourd'hui, considérablement évolué avec le haut degré de maturité atteint ces dernières années par certaines technologies utilisant les énergies renouvelables et dont le coût est devenu compétitif, surtout pour le thermosolaire à concentration et l'éolien. Le Maroc recèle à cet effet d'importantes ressources énergétiques renouvelables qui peuvent pallier son manque en ressources fossiles. D'où tout l'intérêt qui doit être accordé à ces formes énergétiques. C'est juste que le Maroc est plus avancé en matière de définition de sa stratégie énergétique, mais il faut développer une industrie basée sur l'énergie renouvelable pour ne pas rester un simple consommateur et technologiquement tributaire et dépendant de l'extérieur.