C'est une véritable ruée vers la destination Maroc de la part des entrepreneurs espagnols. Durant la semaine précédente, trois rencontres portant sur les opportunités d'investir sous nos latitudes ont été organisées à travers le territoire espagnol. À Saragosse, la Chambre du commerce de la capitale de la région d'Aragon a organisé un séminaire où les attraits économiques du Maroc étaient à l'honneur. Tous les secteurs ont été passés au peigne fin : la construction, l'agroalimentaire, les travaux publics et l'infrastructure, sans oublier les services. Le conseiller économique et commercial de l'ambassade de l'Espagne au Maroc, José Manuel Reyero, a fait le déplacement pour prendre part à cette rencontre. L'entreprise Industrias Monzon XXI opérant dans la transformation du bois et implantée au Maroc a partagé son expérience avec l'assistance. Quelques jours plus tard, c'est au tour de la Chambre de commerce d'Almeria d'organiser un séminaire, auquel ont assisté 150 entrepreneurs pour «éplucher les secteurs stratégiques et les opportunités d'affaires au Maroc» rapporte la presse. Dans le cas d'Almeria, l'agriculture représente un grand intérêt pour les entrepreneurs de cette région à vocation agricole. S'y ajoutent les travaux publics et la construction, «vu le nombre de chantiers ouverts au royaume alaouite», précise la Chambre de commerce. La récession dans laquelle est plongée l'Espagne depuis 2008 incite les chefs d'entreprises à aller chercher un climat plus propice à l'entrepreneuriat, et le Maroc s'est avéré une destination très attractive. Dans cette ambiance d'engouement pour le royaume, une étude publiée la semaine dernière, à laquelle Les Echos quotidien a pu avoir accès, livre les clés aux entrepreneurs pour mieux s'aventurer sur le terrain marocain. Intitulé «l' internalisation de l'entreprise espagnole au Maroc», le travail, fruit des recherches du professeur Gonzalo Escribano avec le concours de Larbi Jaïdi au profit d'El Real Instituto El Cano (think tank madrilène dont le président d'honneur est le prince Felipe) est le premier du genre. L'étude passe en revue tous les secteurs, décortique les avantages que représente le marché marocain et pointe du doigt les lacunes et entraves qui font défaut au modèle économique marocain. L'ouvrage a recueilli les témoignages de plusieurs entrepreneurs espagnols installés au Maroc vu que l'Espagne y est le deuxième investisseur, rappelle l'étude, «même si ce fait passe inaperçu». À partir du vécu de ces chefs d'entreprise, l'étude énumère les opportunités qu'offre le Maroc aux entreprises espagnoles en quête d'une diversification ou de nouvelles parts de marché. Les rédacteurs du rapport ont loué la situation géoéconomique très avantageuse du Maroc, offrant des opportunités importantes aussi bien au niveau des secteurs traditionnels que des secteurs dits émergents. «L'horizon stratégique de l'économie marocaine se veut globalement très favorable. Le Maroc dispose d'un potentiel de croissance économique important, malgré l'étroitesse du marché interne et sous-régional», peut-on lire. Côté attractivité, l'étude a montré le rôle important que joue la monarchie dans la stabilité économique. Cette stabilité a permis une avancée graduelle des réformes microéconomiques et institutionnelles conjuguée à un effort sur le volet de la libéralisation. Parmi les attraits du Maroc, cite l'étude, le système financier, développé en comparaison avec le reste de la région. Concernant la qualité des institutions, «la réforme de l'administration a amélioré son efficacité. Toutefois, elle continue à être handicapée par la bureaucratie, au moment où la décentralisation cause des fois, une désorganisation et une fragmentation des responsabilités administratives», décrivent les rédacteurs. Les patrons espagnols interviewés ont exprimé leur mécontentement de la réforme judiciaire, considérée comme lente et souffrant de lacunes de formation adéquate dans les contentieux relatifs aux affaires. «Les lois réformatrices ont du mal à trouver la voie de l'application. Ce qui influe négativement sur d'autres réformes comme la lutte anticorruption», met en garde l'étude, tout en précisant que le gouvernement met les bouchées doubles pour accélérer la refonte du système judiciaire. Au sujet des énergies renouvelables, un secteur auquel se dédie une poignée d'entreprises ibériques, l'étude a signalé à que le littoral marocain offre l'un des potentiels éoliens les plus importants de la région. «La prise de conscience de cette richesse commence à se manifester au Maroc à travers des programmes d'appui de cette énergie propre». L'étude conseille aux entrepreneurs d'investir ce créneau car à moyen et à long terme, la proximité du Maroc offre la possibilité d'exporter l'énergie verte à destination de l'Europe à moindre coût. Pour ceux qui sont désireux de conquérir d'autres marchés, l'étude a insisté sur les perspectives que permettent les accords liant le Maroc à d'autres pays de la région comme l'Egypte. La solidité des relations hispano-marocaines a permis aux entreprises espagnoles de se doter d'une grande expérience et d'une grande connaissance du marché marocain. «Mise à part la France, aucun pays ne compte un réseau aussi important d'organismes et de représentations économiques officielles et non officielles comme les chambres espagnoles de commerce et d'industrie à Casablanca et à Tanger», se réjouit l'étude. Les entrepreneurs interviewés par les élaborateurs de l'étude ont loué le coût très bas des salaires par rapport à ceux pratiqués en Espagne, quand il s'agit de main-d'œuvre non qualifiée. Seulement, la compétence se monnaye au prix fort. C'est pour cette raison que certains patrons ont recommandé à leurs homologues la nécessité de consolider les postes clés de l'entreprise, de préférence par des compétences de l'extérieur du pays. «Comme les directeurs dotés d'une solide expérience sont une denrée rare, il est parfois nécessaire de fixer des niveaux de salaires similaires à ceux des Espagnols, sinon ils se tournent vers la concurrence qui offre mieux», recommande l'étude. Le malheur des autres ! À toute chose malheur est bon. La cote du Maroc s'inscrit en hausse dans les marchés étrangers comme l'Espagne à cause-ou grâce- à la crise que traversent ces pays. Et cela semble profiter à notre économie. Flairant cet engouement, l'Agence marocaine des investissements a ouvert une représentation à Madrid. Pour les Espagnols, le Maroc représente un défi stratégique à moyen et à long terme. L'étude a salué les avancées réalisées par le Maroc sur plusieurs niveaux. La politique de stabilité macroéconomique et les réformes structurelles dans lesquelles s'est lancé le Maroc ont revigoré le climat d'investissements et attisé l'appétit d'expansion des entreprises. Mais ceux qui se sont déjà lancés dans cette aventure ne cessent de se plaindre de la bureaucratie marocaine, des coûts élevés dans certains secteurs comme la logistique, l'énergie et l'industrie et du manque de formation de la main-d'œuvre. Les infrastructures portuaires se sont améliorées, mais leur gestion s'avère lente et peu efficace, générant des fois des coûts supplémentaires significatifs, se lamentent les patrons. Toujours est-il que le Maroc n'attire pas seulement comme destination finale, mais aussi pour ce qu'il représente comme porte d'accès à plusieurs marchés promoteurs en Afrique et au Moyen-Orient. Or, mis à part quelques accords régionaux, comme l'accord d'Agadir (Egypte, Maroc, Jordanie et Tunisie), le marché sous-régional reste infranchissable et cette étroitesse du marché dissuade quelques patrons. D'ailleurs, l'étude n'a pas cessé de répéter que les divergences avec l'Algérie, plombent les relations commerciales dans la région et la dynamisation de l'UMA. La Banque mondiale a estimé que lorsque les relations entre les deux voisins se normaliseront, l'Algérie deviendra le deuxième partenaire commercial du Maroc après l'UE. «Il ne semble pas que dans un avenir très proche, les relations entre le Maroc et l'Algérie s'amélioreront», relève l'étude avec regret.