Le gotha politique et économique mondial a son Davos. Les altermondialistes ont leur Forum social mondial (FSM). Pour cette édition, deuxième en terre africaine -la première a eu lieu en 2001 à Porto Alegre au Brésil-, le Forum social intervient intervient dans un contexte particulier avec en toile de fond les évènements qui ont secoué la Tunisie et continuent de hanter l'Egypte. Une heureuse coïncidence pour les participants qui voient dans ces soulèvements la consécration de leur combat. Les révoltes populaires qui secouent actuellement une partie de l'Afrique du Nord sont en effet perçues par les altermondialistes comme un signal fort, «celui qu'aucun régime, aussi soutenu soit-il par les puissances occidentales, ne peut résister à la pression du peuple», selon Thomas Coutrot, président d'Attac France, qui s'exprimait sur la chaîne française France 24. Pour une fois que le vent a tourné en faveur des «anti-Davos», l'occasion est plus que jamais propice pour les altermondialistes de faire «du pouvoir de la rue» le symbole des «combats actuels par les luttes sociales en faveur de la démocratie et de l'égalité entre tous, que les révoltes tunisienne et égyptienne mettent en valeur» comme l'explique Alexandre Viscontini, responsable de la commission Institutions financières internationales (IFI) d'Amnesty France. D'ailleurs, l'ouverture du Forum, dimanche dernier, a été marquée par une imposante manifestation dans les rues de Dakar, la capitale sénégalaise, sous le signe «La pression de la rue, c'est ça qui donne des résultats !». Une référence claire aux révolutions tunisienne et égyptienne, mais également un avertissement à plusieurs autres régimes africains auxquels les manifestants n'ont pas manqué de faire allusion, aux cris de «Moubarak dégage, Wade dégage !». Ce qui a fait sortir le président sénégalais de ses gongs, estimant que le mouvement altermondialiste n'a, de toute façon, pas plus que les autres «changé le monde». Affirmant son total désaccord avec les manifestants, le Président sénégalais a véritablement mis les pieds dans le plat en révélant que «depuis 2000, je suis votre mouvement, mais je me pose la question de savoir ce qu'il y a de nouveau». Un autre monde est possible... Si le thème choisi pour cette édition fait référence aux «crises du système et des civilisations», le Forum mondial est resté sur son mot d'ordre général, «un autre monde est possible». Le FSM, qui se tient toujours juste après le Forum économique mondial de Davos, se présente comme le contrepoint à cette grand-messe des décideurs du monde. Selon les responsables de l'évènement, le Forum rassemble ceux qui s'opposent «aux valeurs du néolibéralisme que défendent les institutions internationales, les multinationales et même certains gouvernements qui laissent en rade la majorité de la population au bénéfice d'une frange de privilégiés qui usent et abusent des richesses du monde». ... Et la gouvernance aussi D'où la présence remarquée de plusieurs chefs d'Etat d'Afrique et d'Amérique latine, surtout à l'image de l'ancien Président brésilien Lula, et la vedette de cette édition, l'actuel Président bolivien Evo Morales, qui est venu plaider pour un changement de modèle de développement et de gouvernance économique. «Il faut en finir avec le capitalisme. Il faut que les puissances arrêtent de détruire la planète et l'environnement», a-t-il lancé en marge des travaux du Forum. Pour les participants, en effet, «l'Afrique illustre l'un des plus grands échecs de trois décennies des politiques néolibérales». Et en réaction, «les mouvements sociaux et les citoyens du monde se joignent aux peuples africains qui refusent de payer le prix des crises actuelles dans lesquelles ils n'ont aucune responsabilité», précise-t-on dans le dossier de presse du FSM. Et justement, contrairement au Davos, le FSM n'entend pas proposer des solutions aux crises mondiales assez récurrentes ces dernières années, mais faire entendre «la voix des sans voix». C'est en ce sens d'ailleurs que d'autres sujets relatifs à la mondialisation, aux perspectives de gouvernance qu'inaugure le nouvel ordre mondial ainsi qu'aux risques de crises sociales qui se profilent à l'horizon, seront débattus lors de plusieurs ateliers organisés en parallèle de l'évènement. Interrogé par RFI, Abdallah Sahr, un des 800 participants de la délégation marocaine, a estimé que les préoccupations majeures de l'heure se résument à la hausse des prix des denrées et la crise économique, soulignant que «l'appui aux produits de première nécessité est inévitable dans les conditions actuelles». Parmi les autres thèmes qui y seront évoqués, la question de la gestion des ressources naturelles, du développement durable et des migrations climatiques.