«Les Echos quotidien» : Les célébrations de la Journée de la Terre viennent de prendre fin. À chaud, quel bilan faites-vous de ces manifestations ? Amina Benkhadra : L'organisation de cette semaine a demandé des efforts importants de la part de tous. Les autorités publiques, les associations et ONG, les entreprises, les citoyens... tout le monde s'est mobilisé. De nombreux projets ont été initiés, dont notamment ceux de l'énergie propre à partir de biogaz dans la décharge d'Oulja, de lutte contre la désertification et d'élimination progressive des sacs en plastique... le volet de l'éducation à l'environnement a également occupé une place importante parmi les actions réalisées. Celles-ci devront se poursuivre pour être ancrées progressivement dans les habitudes des citoyens. Nous en tirons donc une grande satisfaction. Mais pour le bilan proprement dit, il faudrait attendre encore quelque temps, mais ça ne saurait tarder. Par rapport au contenu de ce bilan, ce que je pourrais en dire pour l'instant est qu'il y aura un volet «bilan carbone» des actions liées à la célébration. Quelles seront les retombées de la Journée de la Terre pour la ville de Rabat, notamment ? D'abord, le fait d'accueillir cet événement est en soi une reconnaissance de l'ensemble des efforts entrepris par le Maroc en matière de protection de l'environnement. Et si c'est Rabat qui a été choisie, c'est parce que la ville a d'énormes atouts et a réalisé beaucoup de chantiers favorables à l'écologie comme le projet d'aménagement de la vallée du Bouregreg, le tramway, les projets de traitement des déchets, d'assainissement de l'eau, de lutte contre la pollution de l'air. Tout cela a permis à Rabat de montrer qu'elle avait les capacités d'accueillir un tel événement. Aussi n'oublions pas que la ville a en moyenne 20 m2 d'espace vert par habitant, soit le double de la moyenne mondiale. En ce qui concerne les retombées, la reconnaissance des acquis écologiques de Rabat, en est une. Mais il y a beaucoup d'autres retombées, dont certaines se verront avec le temps. Par exemple, Rabat va s'inscrire dans le processus de labellisation ville verte. cela prendra quelque temps avant de se réaliser, mais nous sommes dans la dynamique qui nous permettra d'avoir ce label. Nous sommes convenus que la ville gagnera le pari. Concernant la charte de l'environnement, quelles mesures concrètes avez-vous prévues pour en garantir l'application rigoureuse ? Le projet de la charte a été conçu sur le principe de droits et devoirs environnementaux, que les citoyens doivent respecter. Il y a eu une consultation nationale et 6.000 recommandations concernant l'ensemble des problématiques ont été recueillies. 90.000 visites du site web de la charte ont été enregistrées et les observations seront prises en compte. Mais il y a aussi un volet juridique important, avec des lois qui sont en cours de préparation comme la loi sur la préservation du littoral, et qui viendront compléter l'arsenal déjà existant. En fait, 2010 c'est l'année de la charte, mais aussi celle de l'accélération de la mise en place du cadre législatif relatif à l'environnement. Quant à l'application des règles, les facteurs qui vont garantir le succès sont nombreux. En premier lieu, il y a le fait que, sous l'impulsion de Sa Majesté le Roi, la question environnementale est désormais un projet de société, un projet de règne. Le deuxième gage, c'est que tous les responsables s'impliqueent, car le travail est considérable et les problématiques sont transversales. En termes de mode opérationnel, on va donc procéder par la réalisation des actions prioritaires. Enfin, il y a également le programme d'éducation et de sensibilisation à l'environnement, pris en charge par la fondation Mohammed VI pour l'environnement, le ministère de l'Education et les différents acteurs (ONG, associations, secteurs privés....) qui sera également amené à être intensifié. Qu'en est-il de la gestion des déchets, qui pour certains, reste le maillon faible de l'action en faveur de l'environnement ? On a une loi sur les déchets (la loi 28-00) et en la matière certains décrets ont été adoptés et d'autres le seront bientôt. Certaines entreprises ont commencé à faire du tri sélectif de déchets et ceci est une bonne chose. Cette mesure deviendra obligatoire lorsque tous les décrets seront adoptés et publiés. Le projet de biogaz qui permet de retraiter et transformer les déchets en sources d'énergie qui sera lancé à Oulja sera généralisé progressivement à d'autres décharges. Une des recommandations importantes, issue des concertations régionales de la charte porte d'ailleurs sur ce volet. Au cours de vos échanges avec le ministre français Jean-Louis Borloo, la question de l'efficacité énergétique dans le bâtiment a été évoquée à plusieurs reprises. Quelles sont concrètement les mesures prévues par votre département dans ce cadre ? Un Plan national d'actions prioritaires (PNAP) a été adopté pour assurer l'adéquation entre l'offre et la demande électriques pour la période 2008-2012 et dont l'efficacité énergétique constitue une composante importante. Pour cela, des conventions de partenariat en vue de promouvoir l'efficacité énergétique ont été signées avec les ministères chargés du transport, de l'habitat, de l'industrie et avec plusieurs régions du Royaume et font l'objet d'un suivi régulier. Plusieurs mesures d'efficacité énergétique sont entrées en application. En voici quelques exemples : 5 millions de lampes à basse consommation (LBC) distribuées à fin janvier 2010 avec l'objectif d'atteindre 27,2 millions en 2012, ont permis d'économiser près de 200 MW à la pointe (les régies et les distributeurs amplifient leur installation par un système de crédit aux ménages), la construction de deux lignes de tramway à Rabat qui seront opérationnelles avant fin 2010, le renforcement des transports en commun avec la nouvelle convention déléguant à Veolia le réseau d'autobus municipal de Rabat, l'horaire d'été GMT+1 appliqué en 2008 et 2009, qui a permis des économies respectivement de 90 MW et de 80 MW en puissance, soit l'équivalent de la consommation journalière d'une ville de la taille de Meknès, la tarification incitative et sociale (-20-20). Mais l'efficacité énergétique exige avant tout un changement radical au niveau du comportement des citoyens. C'est un ensemble de gestes au quotidien qui permettent de faire des économies d'énergie. C'est la raison pour laquelle dans le cadre de notre stratégie énergétique, une place particulière a été réservée au volet communication. Une campagne de sensibilisation à travers les médias (journaux, radio, TV) a été lancée officiellement en juin 2009. L'un des accords qui a été signé avec la France porte sur la création d'une ville à faible consommation d'énergie (la ville de Chrafat). Pouvez-vous nous donner plus de détails sur le délai de réalisation de cette ville et les modalités de la gestion du projet ? Pour cette ville, la partie française financera sous forme de don à hauteur de 521.158 euros, au titre du Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP). La partie marocaine financera et réalisera la construction du bâtiment pilote. En matière de conduite du projet, c'est le ministère de l'Habitat et Al Omrane qui en seront les pilotes. Ils concevront le schéma directeur, choisiront les équipements écologiques les plus adaptés... Quant à la capacité d'accueil de la ville pilote à faible consommation, je pense qu'elle devrait avoisiner les 200.000 habitants. Et au sujet du délai, tout ce que je peux vous dire pour l'instant, c'est que les études ne vont pas tarder à démarrer.