Des experts espagnols viennent de quitter le ministère de l'Economie et des finances. Avec leurs homologues marocains, ils étaient en train de suivre l'évolution du projet de Cellule des renseignements financiers, avec la contribution de spécialistes français, sous le cadre de l'accord d'association Maroc-Union européenne. Le projet de jumelage qui a démarré en 2003, est arrivé à échéance, et le Maroc s'est finalement doté d'une Cellule de renseignements financiers, à l'image de celles des pays européens. L'action de la cellule portera sur l'échange d'informations entre la législation européenne, les instruments internationaux et la législation marocaine. En principe, cet échange devrait aboutir, à terme, au développement d'un cadre législatif efficace, tendant vers celui de l'UE, en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et contre le terrorisme. En matière de justice, un programme de formation des magistrats et de procureurs serait mis en place, qui fait suite à la loi contre le blanchiment d'argent, promulguée en avril 2007 et qui définit cet acte comme «le fait d'acquérir, de détenir, d'utiliser, de convertir ou de transférer des biens dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine de ces biens, dans l'intérêt de l'auteur ou d'autrui». Les services de police sont également concernés, puisque le volet de la lutte contre le blanchiment d'argent couvre la coopération entre les différents services de police du Maroc et des Etats membres de l'Union européenne. De qui dépend cette cellule? La question de la tutelle de cette cellule se pose-t-elle au Maroc ? Les modèles de contrôle de la circulation des capitaux diffèrent au sein même des pays de l'Union européenne. Une majorité de ces pays ont opté pour une gestion administrative des opérations soupçonnées. Les petits pays de l'UE, comme le Portugal, disposent d'un service de police spécialisé dans la criminalité financière. Le projet initial de la constitution de la Cellule de renseignements financiers prévoyait l'autonomie de celle-ci, dont les membres sont fournis par la Banque centrale, le ministère des Finances, et celui de la Justice. Selon les dernières informations qui filtrent, la cellule aurait été placée sous la tutelle du Premier ministre, ainsi que du ministre des Finances. Lors de la dernière session parlementaire, de plus en plus de députés avaient interrogé le gouvernement sur les informations qui circulent et qui font état d'une recrudescence de mouvements «suspects» des capitaux au Maroc, à l'instar de pays comme la Tunisie ou l'Egypte. Selon un rapport de Global Finance Integrity (GFI), la fuite des capitaux du Maroc a diminué au début des années 2000, pour emprunter une courbe ascendante en 2007. La fuite proviendrait, selon le même rapport, en grande partie des évasions et fraudes fiscales, une hémorragie que GFI chiffre à 1,66 milliard de dollars chaque année. La réponse de Salaheddine Mezouar a été claire mercredi face aux députés. Il a déclaré que le gouvernement mettra en place tous les outils nécessaires pour verrouiller les entrées et les sorties de devises, afin d'éviter tout dérapage. Efforts en formation et mise à niveau La mise en place de cette structure a nécessité un effort de formation étalé sur 24 mois, depuis l'année 2007, et un budget de 1,4 million d'euros. La formation a porté sur l'aide à l'instauration de structures d'enquêtes au niveau de la magistrature et de la police d'investigation marocaine, couvrant le cadre législatif et les méthodologies européennes en matière de conduction d'enquête, et l'aboutissement de celles-ci, suivant les normes du droit public. Les techniques de suivi des organismes à but non-lucratif ont été également dispensées, sachant que ces entités peuvent être un terrain propice à la fuite des capitaux et au blanchiment d'argent. Les organismes financiers et non financiers ont également bénéficié de la formation, qui a couvert les responsables de Bank Al-Maghrib, ainsi que les 14 banques marocaines, en plus de professions liées à l'activité financière, comme les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les agents immobiliers et les fiduciaires... La cellule qui, sous le jumelage Maroc-Espagne-France, a publié un rapport pour l'année 2010, dépend de beaucoup de réajustements réglementaires pour mener à bien sa mission, notamment en matière d'information financière et bancaire. «Le démarrage d'une telle cellule peut prendre beaucoup de temps pour atteindre son efficacité maximale. En Europe, certains pays ont nécessité 7 ans pour accéder à une action efficace de leurs cellules de renseignements financiers», explique Mohamed Doubi Kadmiri, directeur de l'unité de gestion des projets au sein du ministère des Affaires étrangères.