Jamais les sociétés cotées n'ont été aussi transparentes sur leurs prévisions de résultats. Entre le 27 décembre dernier et le 4 février courant, pas moins de cinq profit warnings (même si dans certains cas ils ne sont pas appelés ainsi) ont été enregistrés à la Bourse de Casablanca. C'est tout simplement du jamais vu. Cela veut-il dire qu eles émetteurs ont pris conscience de l'importance d'informer au mieux les investisseurs de leur situation financière ? Pas si sûr. Pour le marché, c'est surtout le rappel à l'ordre du CDVM qui est avancé comme explication à cette bonne volonté soudaine des sociétés cotées. Certes, jusque-là, plusieurs d'entre elles assuraient une communication régulière envers le public, mais nombreuses sont celles qui se contentaient du minimum requis, notamment les publications financières à la fin de chaque semestre. Mais si l'instruction du CDVM concernant l'obligation de publier des proft warning est claire, quelques zones d'ombre subsistent encore concernant le volet pratique de la chose. Quand faut-il vraiment publier un profit warning ? sous quelles forme ? quelles y sont les informations obligatoires ?... D'après la circulaire 05/05 du CDVM, en plus des communications financières semestrielles, «les émetteurs sont dans l'obligation de procéder à la publication, sans délai et au moment où ils ont pris connaissance de l'information, d'un avertissement sur les résultats en cas de rupture par rapport à l'historique des réalisations ou d'écart significatif par rapport aux prévisions annoncées». Cependant, à aucun moment, la réglementation du gendarme ne précise le niveau de baisse à partir duquel l'écart devient significatif. «C'est là la principale échappatoire que faisaient valoir les émetteurs quand on leur reprochait la non-publication d'une alerte sur les résultats», nous confie-t-on au sein du marché. Auprès du CDVM il est indiqué que quantifier cet écart dans la réglementation est peu opportun. «Si l'on fixe l'écart avec les résultats antérieurs à 10% par exemple, cela voudrit dire que quand l'écart est de 9,99% la société n'est pas tenue de publier un profit warning alors que la variation est tout aussi importante», souligne le gendarme du marché. C'est dire qu'en fin de compte, cette obligation de publier un profit warning est laissée à l'appréciation de l'émetteur lui-même. Cependant, le CDVM invite les émetteurs à prendre contact avec ses services en cas de doute pour opérer les arbitrages nécessaires. Force est cependant de constater que cette situtation n'est pas propre au Maroc, un benchmark avec quelques places financières de la région permet de dire que la réglementation du CDVM ne fait pas l'exception en ne précisant pas l'écart à partir duquel l'alerte sur les résultats est obligatoire. Sauf que dans le cas des marchés plus matures, les sociétés cotées ne se font pas prier pour en publier. «Il faut voir le bon côté des choses. Quand un émetteur publie un profit warning, cela lui permet d'éviter une sanction trop brutale du cours lors de l'annonce officielle des résultats», commente un analyste. Informer le marché plus tôt d'une mauvaise passe de la société cotée permet en effet d'amortir le choc qu'elle peut induire sur le cours. La fréquence de publication des profit warnings est également une conséquence directe à la rigueur dont font preuve les gendarmes de la Bourse sur ces places. Chose qui jusque-là n'a pas vraiment été le point fort du CDVM. Les observateurs remarquent néanmoins un revirement de tendance ces derniers mois et un retour en force du gendarme du marché qui multiplie les garde-fous pour mieux recadrer l'action des émetteurs. Rappel à l'ordre, insistance sur la tenue des réunions post-résultats avec la presse et les analystes, décision de sanctions contre Sonasid pour ne pas avoir mis à jour ses prévisions de résultats ou encore enquête sur une rumeur concernant des créances de certaines banques cotées (voir lesechos.ma)..., l'équipe de Hassan Boulaknadel est décidément en train de donner un nouveau souffle au rôle du CDVM. Qu'est-ce qui a changé ? En coulisse, les opérateurs parlent d'un retour en force sous l'effet de l'ambition de faire émerger la place casablancaise en tant que hub boursier régional. «S'imposer comme une autorité de marché stricte et ferme est l'une des conditions basiques si l'on veut se doter d'une place boursière mature et attirer des investisseurs étrangers», ajoute le même analyste. Très prometteur.