Peu de success stories, beaucoup d'entreprises défaillantes, des subventions octroyées selon des critères peu transparents, les ressources humaines... Le cabinet d'études KPMG a ratissé large, avant de donner les résultats de son étude sur le développement de la presse écrite, laquelle a été commanditée par le ministère de la Communication. La première du genre, faut-il le préciser. Le gouvernement et les partenaires sociaux, FMEJ et SNPM, s'en serviront pour réfléchir à la mise en place d'un plan de développement pour la presse écrite. Les supports marocains sont édités pour la plupart par des petites entreprises, dont le total bilan global dépasse à peine 1 MMDH. 18 de ces entreprises ont un résultat d'exploitation négatif. Sur les entreprises avec une situation nette positive, seulement trois d'entre elles concentrent le total du fonds de roulement du secteur. Le reste est plongé dans une crise de fonds propres et a recours à l'endettement, des fois de manière disproportionnée. À ce titre, le gearing optimal pour une entreprise de presse ne doit en principe pas dépasser 50%. Or, l'étude constate que des entreprises s'endettent à hauteur de 100% de leurs fonds propres. En tête de liste des charges les plus lourdes, les achats de consommables, et la pénurie du papier journal sur le marché international, qui ne fait qu'alourdir davantage les charges d'exploitation. En second lieu, il y a les charges du personnel. Globalement, celles-ci représentent 27% des charges totales du secteur. Au niveau des gains, le secteur reste largement dépendant des revenus publicitaires, ce qui compense la faiblesse des ventes. Les subventions restent également d'un apport considérable aux caisses de l'entreprise de presse. Toutefois, les critères d'octroi ne sont pas clairs (cf.graphique). Les entreprises de presse paient annuellement en impôts, plus du double des subventions qu'elles reçoivent de l'Etat. Les investissements publicitaires ne cessent d'augmenter ces dernières années. Si l'élargissement des montants déployés par les annonceurs a atteint plus les radios, il a eu moins d'impact sur la presse écrite que sur la télévision. La presse écrite a conservé le même niveau d'investissements. Globalement, les revenus publicitaires représentent 40% du total des revenus du secteur et neuf titres de la presse écrite se partagent 50% de ces investissements.Selon l'étude réalisée par le cabinet KPMG, la sortie de crise de la presse écrite est conditionnée par la mise à niveau de la gestion des ressources humaines. La situation sociale du personnel du secteur demeure en effet difficile, malgré l'existence d'une convention collective et des mesures d'aide prévues. L'étude évoque des problématiques liées à l'accès au métier de journaliste, au statut et au rôle du journaliste dans l'entreprise d'édition et à l'inadéquation de la formation initiale et continue par rapport à la diversification des besoins d'un métier en mutation. Par ailleirs, plusieurs problèmes ont été recensés par le cabinet KPMG, notamment les conflits autour de la ligne éditoriale, de la censure... S'agissant de l'environnement réglementaire et juridique de la presse écrite, les professionnels du secteur appellent à la refonte de la presse écrite et des statuts des journalistes, ainsi qu'au renforcement de la convention collective, chantier sur lequel s'attellent le syndicat des journalistes et la fédération des patrons d'entreprises de presse. L'effet des technologies de l'information La survie d'un support de presse écrite reste, bien évidemment, conditionnée par son lectorat. De même que celui-ci a un impact indirect sur sa ligne directrice et éditoriale. Sur ce registre, le cabinet KPMG relève que le lectorat de la presse écrite au Maroc est très faible, sans pour autant qu'il y ait de mesure dédiée au renforcement de la lecture et de l'achat de journaux. Cette situation est aggravée par l'introduction massive des technologies de l'information et de la communication, ainsi que par l'important taux de pénétration d'Internet, devenu actuellement une plateforme pour le journalisme électronique professionnel. En comparaison avec les pays voisins, la qualité esthétique, le contenu et la diversité de l'offre, l'attractivité des prix de vente et le soutien massif de l'Etat et des collectivités à la presse marocaine à travers la création volontariste d'un marché de lectorat, sont des défis à relever lors de l'élaboration de ce plan de développement du secteur de la presse écrite au Maroc. Le grand souci est celui de la transparence La multitude d'indicateurs donnant pour mort le secteur de la presse écrite, dont l'inflation des prix du papier journal, les lecteurs qui basculent vers Internet et son flot d'informations... ne rendent pas pessimistes les chercheurs du cabinet KPMG. Pour eux, ce sont des données mondiales, qui pousseront le secteur à s'optimiser et à se réajuster. «143 titres se sont éteints aux Etats-unis, mais on en a vu d'autres naître», expliquent les spécialistes. Pour KPMG, la presse écrite au Maroc, si elle gagne le pari de sa réorganisation, va être un pilier de tous les chantiers du changement que connaît le royaume, à commencer par l'ouverture politique, le pluralisme, auxquels la liberté d'opinion sera d'un apport démocratique considérable. Selon eux, quand Khalid Naciri promet l'imminence d'un nouveau Code de la presse, il faut le prendre à la lettre, car il manifeste la volonté de l'Etat de contribuer au développement du secteur et le développement des investissements publicitaires ne peut être qu'une couverture économique de cette évolution. Ceci dit, l'étude insiste sur le fait de développer le lectorat et de s'imprégner des approches participatives, déjà opérationnelles dans certains pays. Et, pourquoi pas, avoir un pied à terre sur Internet. Enfin, le grand souci, selon KPMG, reste la transparence au niveau du secteur. L'étude pointe du doigt et les professionnels du secteur, qui n'ont pas transmis les données relatives à leurs ressources humaines, et l'Etat, qui n'explique pas la logique d'octroi des subventions, ni les investissements publicitaires effectués par les sociétés et agences étatiques sur les différents médias.