Plus que trois ans avant la fin du pacte «Millennium Challenge Account». Marocains et Américains s'activent pour accélérer la cadence et mettre en œuvre tous les projets identifiés. L'enjeu majeur est de finaliser l'ensemble des chantiers en septembre 2013, comme prévu par les termes du pacte signé entre les Etats-Unis et le Maroc, en août 2007 (entré en vigueur en septembre 2008). Ce don américain de 697 millions de dollars devra être totalement dépensé avant la date butoir de 2013. Valeur aujourd'hui, les engagements contractuels ont atteint les 200 millions de dollars avec une large prédominance des projets «arboriculture fruitière» et «services financiers». Les autres projets, à savoir «pêche artisanale», «artisanat et médina de Fès» et «soutien à l'entreprise» n'ont pas encore dépassé la phase des études. Trois années sont-elles suffisantes pour avancer sur ces chantiers ? «Ils doivent l'être !», tranche Salem-Murdock Muneera, directrice de MCC au Maroc. Pour elle, les différents partenaires engagés dans la réalisation du MCC-Maroc «ne disposent que de cinq ans (ndlr : depuis l'entrée en vigueur du programme) pour finaliser l'ensemble des projets». «C'est d'ailleurs l'objectif de la première étape du projet, baptisée Diligence, pour s'assurer que le programme cadre avec la durée impartie», explique Salem-Murdock Muneera, qui dispose de deux équipes pour le suivi du programme : l'une à Rabat (six personnes) et l'autre à Washington, plus «fournie», composée d'une vingtaine d'experts. Réallouer les budgets pour respecter les délais L'administration américaine est claire. Si l'aide allouée au Maroc n'est pas entièrement utilisée d'ici le 14 septembre 2013, elle «reviendra aux Etats-Unis», dixit la directrice du MCC au Maroc. Autrement dit, le Maroc a tout intérêt à respecter le facteur «temps». Le directeur de l'Agence du partenariat pour le progrès (APP), interlocuteur officiel du MCC, l'a même reconnu dans une déclaration à la presse. Pour Mohamed Abid, le bilan de ce premier don influera sur toute collaboration ultérieure avec l'administration américaine en la matière. Mais côté marocain, on reste «confiants». Le fait que les Américains aient laissé le choix au Maroc, au début, de déterminer les secteurs cibles et les programmes confortent les officiels dans leur démarche. Concernant les retards signalés sur plusieurs chantiers, une source à la Primature rapporte que les Américains suggèrent aux Marocains de faire un état des lieux des blocages et de «réévaluer» les chantiers lancés. Des études sont ainsi lancées pour ce faire. La solution de sortie proposée par les experts de l'administration américaine est de réallouer les budgets pour renforcer tel ou tel projet plutôt que de «bloquer». Un mode de financement «verrouillé» D'un total de 696 millions de dollars, environ 200 millions ont été débloqués dans le cadre du MCC, pour financer les projets engagés. Mais seulement 50 millions de dollars ont été encaissés. Explications : il est vrai qu'il s'agit d'un don, mais le Maroc n'a pas encaissé le «chèque» en totalité, comme c'est le cas, en général, dans d'autres partenariats avec des bailleurs de fond. «Nous privilégions ce qu'on appelle le payement direct», indique Salem-Murdock Muneera, directrice de MCC au Maroc. En d'autres termes, l'argent est transféré par les Américains directement dans le compte du fournisseur, une fois le livrable fourni. «Voilà donc un autre élément qui nous différencie des autres bailleurs de fonds : l'argent est débloqué pour le Maroc, mais on paye dès qu'on reçoit», souligne Salem-Murdock Muneera. Et c'est l'APP qui se charge de préparer les requêtes de décaissement des réalisations effectuées ou prévues. Des rapports sont rédigés semestriellement et soumis à la direction générale du MCC-Maroc. Ce dernier joue ainsi un rôle de contrôle et de supervision. «En cas de blocage, les fonds repartent aux Etats-Unis»Salem-Murdock Muneera : Directrice générale du MCC au Maroc Les Echos Quotidien: Cela fait plus d'un an que le MCC est entré en vigueur. Quel bilan faites-vous de ce programme ? Salem-Murdock Muneera : J'aimerais d'abord noter une nuance de taille : le MCC est un programme de dons. Ce n'est pas un prêt. Il s'agit d'un don octroyé par le peuple américain au peuple marocain. Je rappelle que le MCC a été fondé il y a cinq ans seulement (2004-2005), dans le but de réduire la pauvreté par le biais du développement économique. Pour recevoir ce don, le pays cible doit être éligible en répondant aux critères que nous avons établis. Si le pays est éligible, il est invité à faire une proposition avec des programmes. Pour le Maroc, il s'agit donc d'un programme 100% développé par les Marocains (gouvernement, société civile, ONG, acteurs privés...). Une fois les propositions marocaines complétées, elles sont renvoyées aux Etats-Unis pour vérifier si effectivement elles versent vers la réduction de la pauvreté à travers le développement économique, tout en respectant les exigences environnementales et les exigences genre. Pour le Maroc, cette étape a pris un an. Peut être un peu plus. Mais comment évaluez-vous les différentes réalisations enregistrées ? De manière générale, l'équipe marocaine réalise un excellent travail. Nous sommes satisfaits de ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Le MCC-Maroc coordonne avec l'APP et les unités d'exécution et suit de près les réalisations. Nous siégeons ensemble au sein d'un conseil d'administration, présidé par le Premier ministre, qui se réunit quatre fois par an (ndlr : plusieurs départements ministériels engagés dans le MCC y siègent, en plus de l'APP et du MCA). Mais force est de constater que l'exécution du programme fait face à la réalité du terrain, ce qui est normal. Citons l'exemple du projet de l'arboriculture: les intempéries ont causé beaucoup de retard sur le planning initial. On a donc prévu des ajustements pour faireface à cela. À part l'arboriculture, quels sont les autres blocages ou retards enregistrés ? On a noté un retard dans le lancement des projets dédiés à la pêche artisanale (points de débarquement, des marchés de gros...). Ce programme sera lancé prochainement. Pour la médina de Fès, il y aura une restructuration du programme. Nous avons, en effet, reçu une demande formulée par la partie marocaine pour enlever une partie du programme de la médina de Fès, celle relative à la partie du site Bab El Makina (une quarantaine de millions de dollars. Il y avait une demande pour réallouer cet argent à une autre activité). Nous étudions actuellement l'impact de ce changement sur le déroulement du projet. À ce rythme, pensez-vous que l'aide du MCC sera utilisée dans les délais ? Que ce soit pour nous ou pour le gouvernement marocain, il est important que le programme réalise ses objectifs dans les délais impartis (5 ans). S'il s'avère qu'une partie du programme ne se termine pas dans le délai prévu, il vaut mieux s'arrêter et rediriger l'argent vers autre chose. Plutôt que de continuer et de découvrir à la dernière minute que nous sommes mal partis. Car, vous devez savoir que si un programme n'atteint pas ses objectifs, l'encours repart aux Etats-Unis. Quels sont les autres pays qui bénéficient du MCC en Afrique ? Dans la région Afrique du Nord-Moyen Orient, il n'y a que le Maroc qui en bénéficie pour le moment. La Jordanie suivra prochainement. En Afrique, il y a le Sénégal, le Mali, la Namibie, la Tanzanie...Et c'est toujours la même formule un peu partout. Comment dépenser 400 millions de dollars en trois ans ? Un montant de 696 millions de dollars prévus et 200 millions engagés. Il reste ainsi plus de 400 millions de dollars à dépenser dans les cinq projets identifiés. Ces derniers ont pour objectif d'augmenter le PIB national d'environ 118 millions de dollars annuellement et de bénéficier directement à quelque 600.000 familles. Les projets portent sur l'amélioration de la productivité agricole (300,9 millions de dollars), la mise à niveau de la pêche artisanale (116,2 millions de dollars), le renforcement des services financiers (46,2 millions de dollars), le soutien à l'entreprise (33,9 millions de dollars), et le développement de l'artisanat et de la médina de Fès (111,9 millions de dollars). Le tout est administré par l'Agence du partenariat pour le progrès (APP), qui soumet des rapports d'exécution périodiques au MCC-Maroc. L'APP est l'établissement public marocain chargé de la mise en œuvre et de l'exécution du programme objet de l'accord “Millennium Challenge Compact", conclu le 31 août 2007. Selon l'APP, tous les projets financés dans le cadre du Compact MCA-Maroc font l'objet d'une analyse «coût-avantages» pour démontrer l'opportunité de leur financement.Le plan de suivi-évaluation permet de mesurer les résultats du programme sur la base d'indicateurs «objectivement vérifiables» et d'apprécier les performances d'exécution des différents projets. Des rapports de suivi sont produits trimestriellement selon des indicateurs comparant les réalisations par rapport aux objectifs tracés et par rapport à la situation de référence. «Ce plan prévoit deux études d'évaluation d'impact qui se basent sur des protocoles très rigoureux», indique-t-on à l'APP. Il concerne les projets «Arboriculture fruitière» et «Soutien à l'Entreprise». Pour l'ensemble des projets, des évaluations de performance sont prévues, à mi-parcours (troisième année) et au terme du Compact.