Les cartes du jeu concurrentiel télécoms se redistribuent petit à petit. Le seuil symbolique des 50% de part de marché mobile pour Maroc Telecom est franchi... à la baisse. Les statistiques trimestrielles de l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) sont tombées, et c'en est là l'un des constats les plus marquants. La part de l'opérateur historique dans le marché de la téléphonie mobile a été ramenée à 49,9% au terme de mars 2011, pour perdre ainsi 2,91 points par rapport au dernier trimestre de 2011. Ce recul relatif a également été accompagné par un recul en valeur absolue du parc mobile de Maroc Telecom, qui a perdu 235.000 lignes pour s'établir à 16,6 millions. En filigrane, derrière cette tendance se profile l'offre de plus en plus statique au niveau national face à une agressivité montante sur les marchés étrangers, où IAM cherche des gisements de croissance en Afrique. Certes, certains segments du marché marocain sont arrivés à maturité, la logique marketing poussant à récolter le cash en mobilisant un minimum de charges, mais d'autres restent fortement extensibles. IAM perd du terrain sur le mobile... Cette perte de terrain s'est opérée en totalité au profit du dernier venu, Inwi, qui a même grappillé des parts à Méditel. Dans l'absolu, tout de même, ce dernier a récolté 42% des nouveaux clients, le reste revenant à Inwi. L'opérateur violet a donc gagné 3,33 points en valeur relative, traduisant ainsi la fulgurante expansion de son parc mobile, qui a gagné près de 1,3 million d'abonnés en l'espace d'un trimestre, pour frôler les 5,6 millions à fin mars, sur un marché global qui atteint désormais 33,4 millions d'abonnés, soit un taux de pénétration qui s'approche des 105%. Et le marché semble loin d'être saturé, affichant encore un taux de croissance trimestriel à 4,36%. Cette configuration du marché mobile au profit d'Inwi traduit, dans une certaine mesure, l'agressivité de son offre commerciale, qui vise non seulement la conquête de nouveaux clients, mais surtout d'en débaucher chez ses concurrents. Gagner 30,12% de nouveaux abonnés sur trois mois est loin d'être négligeable, surtout que l'euphorie des offres de lancement est aujourd'hui dépassée. Une tendance qui devrait s'accélérer avec les nouvelles mesures réglementaires de l'ANRT, lesquelles encouragent encore plus la portabilité (changer d'opérateur tout en gardant le même numéro de téléphone). Aussi, sur les 105% de taux de pénétration, 100,6% concernent le parc prépayé. Néanmoins, si plus d'un téléphone portable par habitant n'est décidément pas synonyme de saturation, les tendances donnent des signes de réorientation de l'enjeu concurrentiel vers les offres postpayées. En effet, le parc postpayé global s'est accru bien plus vite que le prépayé, avec un taux d'évolution de 8,16% au premier trimestre 2011, soit le double de la tendance des comptes rechargeables. Un trend qui se confirme après les 9,16% de croissance de ce segment au trimestre précédent. Malheureusement, le niveau de détail nécessaire pour détecter les réalisations de chaque opérateur sur chacun des segments n'est pas fourni par le régulateur du marché. Pour leur part, les opérateurs contactés pas nos soins, les trois, s'abstiennent de livrer tout commentaire ni quelconque information complémentaire. L'ANRT devrait à ce sujet fournir des données plus complètes et détaillées, incluant des tableaux croisés et ventilés par opérateur et par segment, tout en rajoutant des variables supplémentaires, notamment concernant les prix, afin d'avoir une vision exacte et dégager des conclusions encore plus pertinentes sur ce marché bouillonnant. ... Et en gagne sur la 3G 2,2 millions de Marocains sont désormais connectés, sans compter la multiplicité des usagers sur un seul abonnement. Sur le seul premier trimestre de l'année courante, 306.000 nouveaux abonnements Internet se sont rajoutés au parc global. La domination de la 3G reste nettement marquée, accaparant 76% du total et s'arrogeant près de 95% des nouveaux clients pendant le trimestre sondé par l'ANRT. Sur ce segment de marché, c'est Maroc Telecom qui réalise la bonne affaire du trimestre, en grappillant plus de 4 points de part de marché. Exactement à l'opposé de l'évolution de la téléphonie mobile, c'est principalement au détriment d'Inwi que cette percée s'est opérée. Avec son offre HDM, le troisième opérateur perd également des points face à Méditel, dont la part est passée de 19,14% à 21,44% d'un trimestre à l'autre, alors que la part d'IAM s'établit à 44,23%, pendant qu'Inwi, se déleste de 6,34 points à 34,34% du gâteau. À noter également les 88,37% de croissance annuelle de ce segment, notamment boostée par les abonnements combinant voix et data (données). La navigation sur téléphone mobile est assurément en vogue, et représente désormais près du quart (24,58%) du parc 3G. Un dernier mot tout de même sur le segment fixe qui, sans surprise, perd des clients, après une légère reprise au dernier trimestre 2010. Il se contracte de 2,83%, tout en étant dominé par le «fixe à mobilité restreinte» qui gonfle les statistiques. La dynamique du marché télécoms poursuit sur sa lancée. Le gâteau continue à grossir et ses parts à s'arracher entre les trois invités de cette fête privée. Une question de définition ? Il est propre aux statistiques de pouvoir faire dire aux chiffres tout et son contraire. La définition de chaque variable, de chaque catégorie d'individus est donc primordiale pour obtenir une lecture fidèle et pertinente. La question se pose d'autant plus lorsque l'on observe que le nombre de «clients» télécoms dépasse la population du pays, même sans en exclure les éléments qui ne font pas partie de la cible. De plus en plus donc, un seul individu possède plusieurs terminaux, plusieurs numéros. Mais lequel utilise-t-il activement? Quelle «puce» a-t-il acheté un jour pour l'oublier dans son tiroir? Certes, après un certain délai d'inactivité, le numéro est annulé ou réattribué par l'opérateur à un autre client, mais en attendant, ces dizaines, voire centaines de milliers de ventes (à 20 dirhams le numéro ou même distribué gratuitement lors d'opérations de séduction) faussent la mesure, et ne donnent en tout cas aucune indication sur le revenu qu'ils génèrent au profit de l'opérateur. Il en va de même pour la 3G, qui est désormais souvent incluse par défaut dans les offres de téléphonie mobile. Traduit-elle la tendance réelle du marché, au même titre qu'en ce qui concerne le marché «fixe», dominé par la «mobilité restreinte»? En tout cas, ce n'est pas pour déplaire au département de Chami, qui pourra se targuer, statistique à l'appui, d'un Maroc numérique et connecté.