Le Maroc est le quatrième pays d'Afrique en termes d'importance de flux financiers illicites, avec 25 milliards de dollars de perte pour la période 1980-2004. Cette somme (soit environ 207 milliards de dirhams), représente près des 2/3 de la dette globale du Royaume à fin 2008. Les conclusions laissent perplexe. Les chiffres sont encore plus alarmants à l'échelle du continent. En trois décennies, l'Afrique a perdu non seulement de quoi payer sa dette extérieure mais également de quoi être créditrice d'un montant qu'elle aurait pu réinjecter dans son développement. Ces conclusions sont tirées du rapport «Transferts financiers illicites au départ de l'Afrique : des ressources cachées pour le développement», présenté cette semaine lors de la 3e conférence des ministres africains des finances au Malawi. Ce rapport est le fruit du travail de deux économistes du Global Financial Integrity (GFI)*, dont un ancien économiste sénior du Fond monétaire international. Pour Raymond Baker, le directeur du GFI : «il est impératif d'endiguer ces fuites de capitaux pour accomplir des actions de développement économique et pour réduire la pauvreté dans ces pays». Ce phénomène devrait même être à l'ordre du jour du prochain sommet du G20 qui aura lieu au Canada en juin, souligne encore Baker. Un obstacle majeur au développement Ces flux monétaires internationaux illicites correspondent, en effet, pour seulement 3% aux flux générés par la corruption. Le trafic de drogue, le racket ou encore la contrefaçon représentent 30 à 35% de ces flux. Mais la plus grande part revient à la fraude fiscale avec 60 à 65% du total. Cela montre clairement d'où viennent les pertes pour l'Afrique et pour le Maroc. Les auteurs du rapport évaluent en effet à 1.800 milliards de dollars les pertes du continent africain sur la période étudiée (1970 à 2008). Les flux de capitaux illicites en Afrique auraient ainsi augmenté de près de 12% en moyenne par an sur les 4 décennies étudiées dans le rapport. C'est deux fois le montant de l'aide au développement reçue par le continent. Avec une mention spéciale pour les décennies 1980 et 2000 où ces flux passent à un ratio de 3 pour 1. Principale conséquence de ces fuites de capitaux : épuisement des réserves de devises, augmentation de l'inflation, diminution de la possibilité de collecter taxes et impôts, limitation de l'investissement, et diminution des échanges extérieurs. En bref, cela prive ces économies en développement de fonds dont elles auraient bien besoin. Alors, à qui la faute ? Pour le GFI, c'est autant les politiques nationales défaillantes que le système financier global qui sont responsables. Responsabilités partagées Pour le GFI, plus de transparence dans le système financier global permettrait de diminuer ces flux illicites et d'augmenter la croissance dans les pays en voie de développement, tout en stabilisant les économies des pays plus riches. Les nations africaines permettant la fuite de ces capitaux sont en effet autant responsables que les pays du Nord qui réceptionnent ces mêmes sommes. Pour régler ce problème, le GFI recommande un effort concerté des nations africaines et des pays occidentaux. Côté pays développés, l'effort est à faire au niveau des banques internationales et autres centres financiers offshore, qui absorbent ces flux. L'Afrique quant à elle, doit revoir son système financier, dont les failles permettent, entre autres, l'existence de paradis fiscaux, de cadres juridiques défaillants, de sociétés écrans, de sous-facturation du commerce, et de nombreuses techniques de blanchiment d'argent. Le message à tirer semble clair. Le continent a besoin d'une justice indépendante et autonome qui permettrait de remédier aux failles du système financier.