Coup de théâtre dans l'univers à huis clos du minerai de fer. Ceci n'est pas un poisson d'avril, les prix de vente du fer à l'échelle internationale subiront une hausse. Du moins en Asie, où elle sera de 90%. Les principaux producteurs mondiaux, le brésilien Vale et les australiens BHP et Rio Tinto ont peut-être signé hier l'arrêt de mort des contrats annuels à prix fixe en vigueur depuis des décennies, en les rayant de l'Asie. Le quotidien japonais «Nikkei», premier à rapporter l'information, a publié mardi que le système contractuel de fixation annuelle des prix va être remplacé par une réévaluation trimestrielle. L'Asie d'abord Premier servi, Sumitomo Metal Industries. Le troisième sidérurgiste japonais paiera ainsi 100 à 110 dollars la tonne pour le trimestre commençant au 1er avril 2010, tandis que le sud-coréen Posco devra payer 105 dollars la tonne. Une augmentation de 90% subie par les deux clients de Vale. Le brésilien, 1er exportateur mondial de ce minerai, renouvellera leurs contrats pour le trimestre commençant aujourd'hui 1er avril, a confirmé un porte-parole de Sumitomo à l'agence de presse Bloomberg. Un accord qui devrait donner le ton pour l'ensemble des contrats signés dans la zone Asie par les groupes miniers... BHP Billiton, numéro trois mondial du minerai de fer, a pour sa part déclaré s'être mis d'accord avec ses clients asiatiques pour faire passer la majorité de ses contrats de minerai de fer «sur des échéances à plus court terme», sans indiquer de niveau de prix. Si Marius Kloppers, directeur général du groupe anglo-australien, souhaitait depuis longtemps voir le minerai de fer s'aligner sur un système similaire à celui des autres matières premières telles que le pétrole, Roger Agnelli, son homologue chez Vale, s'est converti plus récemment à cette idée, en estimant que les prix de référence décidés l'an dernier «ne reflétaient plus la réalité de l'offre et de la demande». Le cours spot du minerai de fer a en effet plus que doublé depuis septembre, avec la reprise du secteur sidérurgique. Producteurs satisfaits, sidérurgistes en berne Le recours à une fixation trimestrielle des prix est tout à l'avantage des producteurs, dans une période de reprise économique mondiale : il permettra de rapprocher le prix contractuel de celui pratiqué sur le marché au comptant, actuellement presque deux fois plus élevé que celui négocié pour les contrats 2009/2010, arrivés à échéance hier mercredi. Pour que le passage aux prix trimestriels soit définitif, il faudra par ailleurs que Rio Tinto, deuxième groupe minier mondial, adopte aussi ce système, «qui s'adossera alors aux mécanismes du marché», estime Sam Walsh, qui dirige la division minerai de fer du groupe. Rio Tinto espère y parvenir courant 2010. «Ce sera la fin du référencement annuel, parce que Rio réalise pratiquement toutes ses ventes sur ce type de contrats», relève James Wilson, analyste chez DJ Carmichael.En revanche, cette réforme risque de mettre la pression sur les marges des sidérurgistes, qui vont voir le prix de leurs approvisionnements en minerai de fer flamber dans les prochains mois en Asie... Certains aciéristes sont réticents à passer au prix spot, notamment en Europe et en Chine, en estimant que la reprise de la demande d'acier est encore fragile. Si la Chine, qui négocie encore avec les trois principaux producteurs, s'est dite ouverte à des «ajustements» au système, un responsable du ministère chinois de l'Industrie a réaffirmé hier l'opposition de Pékin à des prix souples qui aboutiraient à une trop forte variation de ceux-ci.