«On quitte un patron mais pas une entreprise», voici un adage désormais bien connu dans le monde professionnel. C'est qu'aujourd'hui, ce monde professionnel est soumis à des mutations profondes où les types de rapports entre les dirigeants et les dirigés deviennent une problématique centrale au sein des organisations. De l'équilibre et de la qualité de ces rapports dépendent en grande partie la performance et la pérennité de l'entreprise. Dans cette nouvelle configuration, caractérisée par l'émergence d'une sorte de «dictature des compétences», ce sont surtout les dirigeants qui doivent s'adapter à leurs collaborateurs. Ces derniers, devenus plus exigeants, évaluent le potentiel de l'entreprise en termes de carrière suivant la culture, la personnalité et le style de management de ses dirigeants. «Aujourd'hui, quelle que soit la typologie psychologique des jeunes que nous recrutons dans nos organisations, nous devons changer nos modes de management et de relations à nos collaborateurs», fait remarquer Zineb Benabdejlil, directeur général de Deo conseil, un cabinet de formation des dirigeants. Selon elle, ce sont les perceptions mêmes du travail qui ont changé. La nouvelle génération de collaborateurs ne se définit pas par son travail, elle le considère juste comme un moyen d'arriver à ses fins. Indépendants et ambitieux, ces collaborateurs désirent un environnement de travail agréable et des horaires flexibles et adaptés à leurs priorités. Ils ont besoin d'accéder directement au dirigeant dont la légitimité repose à leurs yeux sur sa compétence. Et, si le travail de ce dirigeant ou son style relationnel ne leur conviennent pas, ils le quittent. Face à cette réalité, certains types de dirigeants s'en sortent plutôt bien et d'autres sont condamnés à revoir leurs méthodes. En voici des exemples sous forme de portraits synthétiques. Le profil de patrons qui montent : Le patron de la performance Pour Jamal Belahrach, dans l'environnement entrepreneurial marocain, le patron de la performance se retrouve surtout dans des secteurs jeunes où il agit comme un développeur. Il a les caractéristiques d'un vrai entrepreneur, qui aime challenger, innover et développer son business. Ce patron est beaucoup plus enclin à promouvoir une culture de la transparence, de la performance et de la récompense au sein de son organisation. Dans ses rapports avec ses collaborateurs, il essaie généralement de jouer le rôle de coach. Ce qui en fait un véritable chef d'orchestre, capable de définir une vision d'entreprise, de la partager avec ses équipes et de susciter l'adhésion. Selon Mouhcine Ayouch, DG du cabinet Bmh Coach, ce type de patron peut également être décrit comme une personne de décision, de prise de risque et de grande flexibilité intellectuelle et relationnelle. Il a à faire face à des contraintes internes et externes et doit s'adapter en permanence à un environnement en perpétuelle mutation et en complexification croissante. Sur le plan social, celui-ci va se positionner parmi l'élite économique du pays et voudra profiter du statut réel ou supposé de cette élite. Il adoptera des modes de comportement sociaux et de consommation en accord avec ce statut tel qu'il se le représente. Aussi, il n'hésitera plus à s'engager en politique, contrairement à ses aînés des années soixante et soixante-dix pour lesquels politique et affaires étaient antinomiques. L'avantage pour un collaborateur d'avoir un tel patron ? C'est que c'est un dirigeant de son temps, qui gère de façon durable, et auprès duquel un collaborateur talentueux et impliqué peut aisément développer sa carrière. ...et de ceux en décadence : Le féodal Pour certains analystes, le patron féodal n'est pas un entrepreneur au sens strict du terme, il est surtout décrit comme un homme d'affaires qui fructifie sa fortune. Il opère généralement dans des secteurs rentiers, qu'il n'a pas besoin de développer. Ce patron perçoit généralement le capital humain comme un simple support qui lui est utile juste pour faire tourner sa machine. Dans ses rapports avec ses collaborateurs, il cultive plus la soumission que l'adhésion. Il aura ainsi tendance à développer un style de management directif, très personnel voire «makhzénien», même quand il se sera entouré de très hauts potentiels dans son entreprise. Mais si le patron féodal est une espèce qui existe encore beaucoup au Maroc, certains spécialistes de l'entreprise estiment qu'il n'a pas un grand avenir devant lui. Car l'évolution actuelle du monde entrepreneurial le contraint à changer, de façon radicale, sa manière d'appréhender l'entreprise et de gérer son capital humain. L'obsédé du résultat Ce patron n'est ni féodal ni un patron de la performance, c'est souvent même un dirigeant de son temps, qui aime développer et manager dans les règles de l'art. Ce type de patron existe également beaucoup dans l'environnement professionnel actuel. Selon le modèle de Myers Briggs Type, on peut lui accorder deux grands attributs. D'un côté, c'est un patron factuel, qui met les faits, les détails précis et les résultats au centre de ses rapports avec son environnement et avec ses collaborateurs. Celui-là est plus à l'aise dans l'opérationnel que dans le stratégique. De l'autre côté, il y a celui qui s'intéresse plus aux idées et aux grandes synthèses, et qui est orienté innovation et stratégie. Mais dans les deux cas, le talon d'Achille de ce patron, c'est qu'il accorde une plus grande importance au résultat qu'à l'humain. Ce manque d'empathie est le facteur principal qui le différencie du patron de la performance. Le patron obsédé du résultat a donc une faible capacité à mener des troupes et une plus grande difficulté à développer une vision à laquelle les gens adhèrent.