Jaouad El Hamri a du pain sur la planche depuis qu'il a été nommé à la tête de l'Office des changes, l'été dernier. Ce brillant financier a débarqué dans une institution régie par des textes de la période coloniale, qu'il faut dépoussiérer d'urgence. Une multitude de chantiers pour transformer l'Office du statut d'organisme de contrôle qu'il était, à celui d'une institution d'accompagnement , «qui aurait une carotte et aussi un bâton, mais un petit bâton» comme s'est plu à commenter le directeur général de l'Office à l'adresse de l'assistance venue assister à sa conférence à la Chambre française du commerce et de l'industrie, jeudi dernier. Vu les contraintes macro-économiques, le Maroc ne peut que maintenir un certain niveau de contrôle des changes. «Mais le véritable challenge de notre équipe est de faire en sorte que ce contrôle soit le plus indolore et le plus incolore possible, pour les opérateurs économiques et les citoyens». De la prohibition à l'autorisation Dédramatiser la contrainte du contrôle des changes, faire en sorte que les entreprises puissent gérer cette contrainte avec un maximum de facilité, suscite le lancement de grands chantiers de réformes de la réglementation du contrôle des changes. «Les textes promulgués essentiellement, entre 1939 et 1949, sont des documents réalisés en période de guerre, basés sur la prohibition générale». L'Office des changes travaille encore selon ces vieilles instructions, notes ou circulaires, qu'il faut actualiser avant de s'y référer. «Il y a même des lettres que l'Office avait envoyé, il y a très longtemps, au Groupement professionnel des banques marocaines, et qui font actuellement office d'instructions», rappelle El Hamri. Actuellement, un travail de concert avec la direction du trésor au ministère des Finances, cherche à mettre cette réglementation au goût du jour, notamment le Code des changes. Les changements qu'il faut apporter, El Hamri les répertorie sur trois niveaux. Une refonte de la mission et des attributions de l'Office des changes: moderniser la gouvernance de l'institution avec un Conseil d'administration et des commissions d'audit. D'un autre côté, El Hamri souhaite s'attaquer aux autres textes de loi pour les mettre à jour, qu'ils puissent accompagner la multitude de facilitations apportées par l'Office depuis quelques années, et qui ne font l'objet que de circulaires. Enfin, le système de sanctions doit être complètement repensé. Sur ce point, El Hamri, n'a pas cessé d'insister, car les instruments de recours manquent, et parfois des entreprises transparentes sont sanctionnées à cause de l'inflexibilité de ce système de sanctions. Mot d'ordre, libéralisation L'Office des changes a progressivement libéralisé un bon nombre d'opérations en devises à l'étranger. «La libéralisation est une politique menée par le Maroc d'une manière irréversible, progressive et sûre», déclare El Hamri. Depuis l'ouverture des frontières à la libre circulation des capitaux, le volume des IDE a augmenté. «Les investisseurs marocains se sont également de plus en plus aventurés à l'étranger. Nous sommes passés de 30MDH à 100MDH pour les investissements marocains, en Afrique seulement». En dehors de l'Afrique, ce chiffre a atteint 50MDH. Pour les entreprises marocaines qui exportent, elles peuvent désormais détenir plusieurs comptes en devises, ce qui n'était pas le cas auparavant et leurs réserves d'exportation sont passées de 50% à 70% de leur chiffre d'affaires. Avant cela, les exportateurs textiles étaient les seuls habilités à accorder des réductions de prix à la demande. Ces réductions de prix sont maintenant du droit de tous les exportateurs marocains. «Nous avons décidé de libéraliser cette possibilité, mais toutefois, il faut motiver les réductions et présenter des justificatifs par la suite». Pour les entreprises qui n'exportent pas, la dotation en devises avait été portée il y a quelque temps à 60.000 DH. Actuellement, elle passe à 10% du chiffre d'affaires, avec un plafond de 200.000 DH. Les personnes physiques ne sont pas en reste. Les Marocains salariés de filiales de multinationales, ne pouvaient pas acheter en devises des stock options de leur maison-mère, et s'ils le pouvaient, ils étaient exclus du bénéfice. Aujourd'hui, cette possibilitéa été instaurée. La carotte et le bâton 97% des règlements en devises avec l'étranger sont bancaires. Seulement 3% de ces opérations sont soumises à autorisation a priori de la part de l'Office des changes. «Quel que soit le niveau de libéralisation, il faut un reporting exhaustif, et aussi pour les statistiques ainsi que pour s'assurer de la régularité des opérations» explique El Hamri. «L'Office des changes a délégué aux banques 97% de ses prérogatives... Il faut que les banques assurent la transparence de ces opérations» poursuit-il. Il assure qu'un travail est mené au niveau du secteur bancaire pour mettre en place un dispositif pédagogique pour mieux expliquer la réglementation des changes. Avec les banques et la rapidité d'accès aux données que permettent les nouvelles technologies, l'Office devrait instaurer, afin d'en tirer profit, un système informatique bien connecté aux opérateurs bancaires, qui récoltent régulièrement l'information et les données extraites directement des systèmes d'information des compagnies bancaires. Cela permettra également l'élaboration de statistiques bien plus régulières et précises. Les opérateurs économiques verront se simplifier le compte rendu qu'ils doivent remettre à l'Office. Celui-ci instaurera un système de télédéclaration directe à l'Office des changes. Un seul transfert aura lieu par an.