Après le coup de gueule des importateurs de céréales sur la congestion du port de Casablanca, Karim Ghellab, ministre de l'Equipement et des transports est monté au créneau mardi soir pour démentir les faits. «Le port de Casablanca, qui concentre plus de 75% du trafic global des céréales, ne souffre d'aucune congestion», a-t-il indiqué dans un communiqué. Pourtant, la situation est visible à l'œil nu sur la côte casablancaise, parsemée de cargos en rade. N'empêche, le communiqué insiste : «Le ministère et l'Agence nationale des ports tiennent à affirmer que les capacités d'accueil du port, tous trafics confondus, ne sont pas saturées et que plusieurs postes d'accostage sont disponibles au niveau des quais de commerce». Encore mieux que l'observation de visu, la «situation des navires au port de Casablanca» d'hier mardi 13 avril (éditée quotidiennement par la société de surveillance du port), dont «Les Echos quotidien» détient copie, est sans équivoque. Elle fait état de 14 navires encore en rade, dont deux font le «pied de grue» depuis le 28 mars, quatre depuis le 30, trois depuis le 31 et les cinq restants entre le 2 et le 12 avril (voir tableau issu de la situation). Une durée d'attente qui atteint donc plus de 17 jours pour certains céréaliers ! Cependant, les opérateurs ne sont pas exempts de tout reproche dans la situation actuelle. En effet, les importateurs règlent leurs arrivages selon les avantages financiers qu'ils peuvent en tirer, notamment l'exonération des droits de douane sur leurs importations, qui a été prolongée jusqu'au 30 avril par l'ONICL, en sachant pertinemment qu'ils ne disposent pas des capacités de stockage suffisantes, ni les moyens logistiques nécessaires pour enlever leurs importations. Résultat des courses : aussi bien les quais de débarquement céréaliers que les silos de transit se retrouvent saturés. Ces derniers se transforment même en silos de stockage au lieu de servir exclusivement au déchargement des navires comme cela devrait se faire. «Depuis la libéralisation des importations de céréales, les opérateurs pensent exclusivement à leur intérêt financier, ce qui engendre des goulots d'étranglement lorsque toutes les livraisons se produisent au même moment», déplore Nadia Laraki, DG de l'Agence nationale des ports. «Le marché est aujourd'hui submergé de céréales, toutes les capacités de stockages externes sont saturées, c'est notamment à cause de cela que l'évacuation est très lente en ce moment», poursuit-elle. Après plusieurs réclamations de la part des importateurs pour autoriser les débarquements à quai, directement vers les camions, l'ANP a finalement ouvert cette vanne pour tenter de dénouer cette «congestion de fait». L'Agence avait jusque-là refusé cette démarche pour des «raisons d'hygiène», puisque les quais non réservés aux céréales pouvaient entraîner une contamination par d'autres produits débarqués sur ces mêmes quais. Une chose est sûre : la question est très complexe puisqu'elle fait référence à plusieurs paramètres qui relèvent de différents intervenants. Et il est indispensable de mettre de l'ordre dans tout cela. Car la liste des points de discorde n'est pas bouclée. Il reste notamment l'histoire de l'exploitation du nouveau terminal céréalier par Mass Céréales Maghreb (filiale de Holmarcom, holding des Bensalah), qui est jugée «monopolistique» par certains opérateurs, lesquels dénoncent les clauses du contrat la liant à l'ANP, notamment l'obligation de débarquement des céréales à travers ce terminal, ou celui de Sosipo. «L'obligation introduite par l'ANP débouche en réalité sur un monopole de fait sur le déchargement des céréaliers (...) même si l'on peut également recourir à Sosipo, la vétusté de ses équipements nous oblige à nous tourner vers Mass Céréales», déplore Noureddine Karim, président de l'Association des fabricants d'aliments composés (AFAC), l'un des secteurs les plus gourmands en importations céréalières. L'affaire est loin d'être close...