Le monopole d'Altadis sur le tabac a sauté depuis plus de trois mois, mais la guéguerre commerciale ne fait que commencer. Imperial Tobacco, détenteur d'Altadis Maroc, British American Tobacco (BAT) et Japan Tobacco International (JTI) en sont les belligérants. Ce dernier vient d'ailleurs de lancer l'assaut. JTI a obtenu son sésame auprès de la Direction des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP) du ministère de l'Economie et des finances, pour entamer la distribution de ses marques de cigarettes, avec à leur tête Winston et Camel. C'est ainsi que les paquets de Winston sont revenus en ce début de semaine sur les présentoirs des buralistes casablancais, après plusieurs semaines de rupture d'approvisionnement, suite à l'arrêt du partenariat de distribution entre le cigarettier japonais et Altadis Maroc. La reprise de la distribution des marques de JTI fait suite à une joint-venture conclue avec North Africa Bottling Company (NABC), embouteilleur de Coca-Cola au Maroc, à travers sa nouvelle filiale dédiée : North Africa Tobacco Company (NATC). Selon un responsable dans l'industrie du tabac, les marques Winston et Camel représentent entre 5 et 6 % du marché national. JTI profite ainsi de la puissante machine de distribution de Coca-Cola, qui dessert jusqu'au plus enclavé des patelins marocains. Car il faut le dire, sur ce marché pas comme les autres, ce n'est ni la politique de prix, ni celle de produit qui sont les plus cruciales dans le «marketing mix», car neutralisées d'avance par la réglementation. «Le couple distribution/logistique est le nerf de la guerre sur le marché du tabac», analyse un lobbyiste introduit dans le marché. «Vu que les canaux publicitaires et autres relais de communication classiques sont verrouillés, ce sera essentiellement l'offre qualitative qui permettra aux nouveaux entrants de se démarquer et de pénétrer le marché», poursuit-il. Logistique, nerf de la guerre Cette première offensive a donc été soigneusement étudiée et préparée afin de prétendre bousculer l'opérateur historique, bénéficiant d'une très forte longueur d'avance, d'autant plus confortée par la réglementation, particulièrement contraignante. Pour accéder au marché, il faut se conformer à plusieurs formalités : souscrire un engagement à conclure des contrats avec au moins dix débitants par préfecture ou province, posséder une capacité de fabrication annuelle d'au moins un milliard de cigarettes, disposer de moyens d'entreposage et de transport nécessaires pour garantir un approvisionnement continu des débitants... De quoi donner du fil à retordre aux mieux préparés. JTI profitera donc des moyens logistiques bien rodés et du réseau de distribution de proximité particulièrement fourni du distributeur de la mythique boisson gazeuse, pour accélérer sa pénétration du marché. S'allier à un distributeur bien introduit, et disposant d'un réseau solide, large et profond, s'avère donc la stratégie incontournable et la plus rapide pour grappiller des parts de marché à Altadis Maroc.C'est d'ailleurs le même business model qu'a également adopté British American Tobacco dans sa conquête commerciale du marché marocain. Avant même d'obtenir la licence de la tutelle, BAT se serait alliée à Comunivers, distributeur marocain de Procter & Gamble, notamment de la marque de détergent «Tide», également très présente sur l'ensemble du territoire, au même titre que Coca-Cola. Pour la petite histoire, Comunivers appartient à Moncef Belkhayat, ministre de la Jeunesse et des sports, et desservira les marques de cigarettes de BAT (Dunhill, Lucky Strike, Kent, Vogue...) aux buralistes. Le conflit d'intérêt, pour le moins moral, ne fait aucun doute!Les pions ont donc bougé sur l'échiquier du tabac, et la certes encore solide longueur d'avance d'Altadis, perd toutefois un peu de sa domination. L'opérateur historique n'est peut être pas si indétrônable que cela ...