Quoiqu'officieuse, la décision a été prise par Bouygues Telecom. Les travaux pour la construction de son propre réseau de fibre optique à Paris ont même commencé. Pour offrir à ses clients l'accès à l'Internet à très haut débit, l'opérateur a franchi le pas et pose désormais ses fibres sous les trottoirs de la capitale française. Il investira «quelques dizaines de millions d'euros» dans la fibre optique cette année, selon un de ses dirigeants. Servir la concurrence ? Une équipe d'une soixantaine d'ingénieurs de l'opérateur travaille activement sur le sujet. Orange, SFR et Free devront compter avec Bouygues Telecom. C'est déjà le cas dans l'ADSL depuis un an. Vers la fin de l'année dernière, le fournisseur d'accès à Internet détenait 311.000 clients à sa Bbox. Ce succès est d'ailleurs à l'origine de la décision de se lancer dans la fibre optique. Sans cette technologie, Bouygues risque en effet de se retrouver dépassé par ses concurrents dans quelques années, en termes de débit. Pourtant, Martin Bouygues hésite encore à se lancer dans de coûteuses dépenses dans d'autres villes françaises. Et pour cause, le patron serait fondamentalement opposé aux choix faits par le régulateur des télécoms. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a privilégié un déploiement multifibres où plusieurs lignes pourront être installées dans chaque building. Dans les zones très denses comme Paris, un seul réseau est autorisé par immeuble. Si les concurrents veulent que cet opérateur leur pose une fibre, ils doivent le lui demander, et participer au financement des travaux. «Avoir quatre fibres en parallèle, c'est un choix techniquement inutile», a estimé hier Martin Bouygues évaluant la facture pour les Français à «5 milliards d'euros». C'est un choix qui «semble favoriser la position de l'opérateur dominant» et qui «requiert de disposer d'une base de clients (dans le) fixe importante pour pouvoir rentabiliser les investissements», a-t-il continué. Au plus faible coût Officiellement, l'opérateur «travaille avec l'Arcep pour que le processus de déploiement de la fibre soit plus efficace et véritablement concurrentiel». En réalité, Paris ne s'avérera pas rentable pour Bouygues Telecom, qui a clairement menacé le régulateur de saisir le Conseil d'Etat si l'Arcep ne change pas sa position. Cette saisine devrait être effectuée dans les prochains jours. Car Bouygues Telecom ne veut pas non plus dépenser des centaines de millions dans la fibre optique. À court terme, le groupe a trouvé une parade en lançant une offre à l'Internet très haut débit en utilisant le réseau de Numericable. Mais l'opérateur est à la recherche d'une alliance avec d'autres pour construire un réseau mutualisé dans le pays. Le but est de «privilégier les partenariats pour réduire les coûts», selon Martin Bouygues. L'homme d'affaires doit en effet déjà investir près de 600 millions d'euros par an dans son réseau de téléphonie mobile. Or, avec l'arrivée prochaine de Free sur ce marché, ses marges vont baisser, a-t-il prévenu. Bouygues Telecom n'embauchera d'ailleurs aucun salarié cette année.