«Quand le bâtiment va, tout va». Cette citation de Martin Nadeau (devant l'Assemblée nationale française, en 1849) prend aujourd'hui toute son importance au Maroc, au vu de la situation qu'est en train de vivre le secteur de l'immobilier. Difficulté d'abolir l'habitat insalubre, baisse des transactions immobilières, inadéquation entre l'offre et la demande... autant de problèmes qui planent au dessus d'un secteur aussi vital. Autant de points soulevés lors du passage de Taoufiq Hejira, ministre de l'Habitat et de l'urbanisme, et de Badr El Kanouni, président du directoire de Al Omrane, devant la commission des finances au sein du Parlement. Certes, la tournure des débats était davantage orientée vers le bras immobilier de l'Etat qu'est Al Omrane. Cependant, au sein du Parlement, il y a consensus sur le rôle pesant de l'opérateur sur l'ensemble du secteur, puisqu'il est aujourd'hui positionné en qualité de 1er investisseur dans l'immobilier, avec une enveloppe dépassant 8 milliards de DH en 2010. À ce titre, la commission des finances a appelé Al Omrane à jouer le rôle de régulateur du marché de l'immobilier. «En dépit des moyens mis à sa disposition, Al Omrane ne joue pas encore pleinement ce rôle, notamment en ce qui concerne la baisse des prix sur le marché», déplore, à l'instar de plusieurs autres parlementaires, Ahmed Zaidi, chef du groupe de l'USFP. En effet, Al Omrane, de par la vocation sociale qui est la sienne, est appelé aujourd'hui à assurer un équilibre du marché en adoptant une politique de prix inférieurs à ceux des promoteurs privés. Aujourd'hui, les membres de la commission des finances relèvent qu'il n'y a pas de différence entre les prix appliqués par Al Omrane et ceux du marché en général, même si ce dernier dispose d'un atout concurrentiel qu'est la réserve de foncier que lui procure l'Etat. «Nous allons étudié la possibilité d'introduire une décote sur nos prix, mais seulement après en avoir analysé les impacts éventuels sur le groupe», déclare en revanche Kanouni. Si cela devait se concrétiser, il est clair qu'Al Omrane passera du statut de simple investisseur à celui d'un acteur qui tire les prix du marché vers le bas. En effet, la simple logique économique veut que les promoteurs privés devront également s'aligner sur les prix d'Al Omrane, tout en sachant que ce dernier acquiert du foncier auprès de l'Etat, soit au dirham symbolique, soit à des prix très inférieurs à la moyenne, ce qui lui procure la possibilité de réduire significativement ses coûts de production et partant, ses prix de vente. Ceci devrait permettre une reprise des transactions sur ce marché. Du côté d'Al Omrane, on tente tout de même de relativiser. «L'Etat fournit effectivement du foncier. Cependant, il faut savoir que celui-ci n'est pas forcément adéquat pour des projets, en raison de sa qualité».De ce fait, l'opérateur se retrouve parfois dans l'obligation de conclure des transactions avec le privé pour répondre au problème de déficit du foncier. Cependant, là aussi, la réponse et les remarques des parlementaires sont sans équivoque. Selon ces derniers, la rareté du foncier ne serait pas aussi problématique, du moins pour Al Omrane, si l'Etat s'abstenait d'en céder également au privé. Des voix s'élèvent même pour défendre le droit d'Al Omrane de disposer de tout le foncier appartenant à l'Etat. Par ailleurs, l'autre rôle primordial sur lequel a été interpellé Al Omrane est celui de l'encouragement du développement de programmes immobiliers dans les zones rurales. En effet, rares aujourd'hui sont les opérateurs privés qui osent investir dans ces zones et Al Omrane pourrait éventuellement jouer le rôle de locomotive à ce niveau.Sur un autre registre, la problématique des bidonvilles a également été soulevée lors de cette rencontre. En effet, il s'avère aujourd'hui que l'éradication totale des bidonvilles, promise pour 2007 déjà, n'a toujours pas été couronnée de succès, chose que reconnaît même le ministre. L'explication à cela paraît toute simple. «Quand des projets devant permettre de déplacer les habitants des bidonvilles prennent du retard, cela laisse place au renforcement de la population censée en bénéficier», reconnaît-on au sein du département de Hejira. La responsabilité est-elle du ressort du ministère ? En tout cas, certains des parlementaires participant à cette rencontre s'interrogent même de voir plusieurs projets d'Al Omrane dans ce sens être décalés, en raison du retard dans l'obtention d'autorisations ou de dérogations que sont censés lui accorder les établissements bancaires, alors qu'en même temps, d'autres opérateurs privés les obtiennent plus facilement pour des projets n'ayant pourtant aucun rapport avec le social. Des accusations de lobbying politique ont même été murmurées dans la salle pour expliquer cela. Quoi qu'il en soit, le patron d'Al Omrane paraissait motivé pour accélèrer la machine. «Nous sommes aujourd'hui dans une nouvelle ère, où l'on devrait augmenter la tendance de production de logements sociaux, soit directement, en concrétisant nos propres projets, soit indirectement, en concluant des partenariats avec d'autres opérateurs intéressés», explique Kanouni. Cela devrait ainsi rejoindre les efforts du ministère de l'Habitat pour répondre au déficit en logements et surtout contribuer significativement à l'éradication de l'habitat insalubre. Y.T